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Jeux Olympiques Tokyo 2021 : Mark Hunter, au nom du père

Mark Hunter n’est pas un rameur comme les autres. Originaire des quartiers pauvres de l’East End londonien, il a réussi à atteindre le sommet d’un sport d’élite, mais uniquement grâce à l’aide de son père qui a failli mourir dans des circonstances éprouvantes avant le début de leur aventure.

Adolescent, le futur champion olympique Mark Hunter était apprenti batelier sur la Tamise. C'est là qu'il se trouvait lorsque l'alerte fut donnée, un jour de 1997. On venait de signaler une crise cardiaque sur un quai voisin. Mark avait compris immédiatement qu’il s’agissait de son père. "C’était horrible. Mon père, qui avait toujours fait tout pour nous, était là, sans vie", se souvient-il.

Terry Hunter fut finalement sauvé grâce à un défibrillateur, après quatre réanimations. Pour Mark, "le retour à la vie normale fut long". En dehors de ses activités de conducteur de ferry du côté de l’Île aux chiens, il démarrait également à l'époque une carrière dans l’aviron. "J’ai eu beaucoup de chagrin, mais je n’ai jamais abandonné mes objectifs", racontait-il à Yahoo News UK lors de sa première réaction publique après cet événement traumatisant.

Contrairement à la plupart des rameurs, Mark avait grandi dans les quartiers pauvres de l’East End à Londres. Enfant, il passait son temps dans la rue et rêvait de jouer pour l’équipe de West Ham. Son père était entraîneur au club d’aviron Poplar Blackwall & District Rowing Club de Millwall, mais il souhaitait que ses fils s’essaie au badminton, au judo et au football afin de s’exprimer à travers le sport.

"Je voulais être différent"

À 11 ans, Mark était pétrifié à l’idée de manquer d’équilibre sur une yole. Trois ans plus tard, en 1992, il regardait Greg et Jonny Searle gagner la médaille d’or en deux sans barreur aux Jeux Olympiques de Barcelone. "J’ai été époustouflé par les JO et je n’ai plus pensé qu’à gagner une médaille. Quand j’étais gamin, j’avais des rêves fous ; je voulais être différent", ajoute-t-il.

"Mes copains d’école et mes professeurs ne connaissaient rien à l’aviron, mais pour moi, c’était quelque chose de très particulier. Les autres disaient que j’étais trop petit, que je ne venais pas du bon milieu. J’ai voulu leur prouver qu’ils avaient tort et cela a été un vrai moteur pour moi."

Mark raconte alors à son père qu’il faisait des listes d’objectifs. Terry, avec sa longue expérience d’entraîneur, pondère et se dit plus pragmatique. "Je dis toujours aux parents qu’il faut des objectifs atteignables ; c’est absolument essentiel. L’idée n’est pas de gagner la médaille d’or olympique. Nous avons revu ses ambitions à la baisse et nous avons commencé par viser le titre de meilleur britannique de moins de 16 ans. Et il est passé devant tout le monde."

Terry Hunter, père et entraîneur

À partir de ce moment-là, Mark a concouru sous les couleurs de la Grande-Bretagne pendant 16 années consécutives. Pour les Hunter, il n’y avait plus de vacances d’été, car leur emploi du temps était ponctué par les régates, en Grande-Bretagne comme à l’étranger. Lorsque Mark a pris sa retraite, après les Jeux Olympiques de Londres en 2012, sa mère a raconté qu’elle passait tout l’été dans son jardin.

Avec son expérience de parent d’un champion olympique, Terry ajoute que "de nombreux parents ne réalisent pas cela lorsqu’ils se lancent dans cette aventure. C’est un véritable engagement qui prend totalement le dessus si vous souhaitez que votre enfant réussisse. Mais tout le monde n’y parvient pas. Et il ne faut pas oublier le plaisir."

D’autant plus si le parent joue à la fois le rôle de père et d’entraîneur. Toutefois, Terry a vite confié Mark à un autre entraîneur qui l’a accompagné dans la suite de sa carrière. "J’ai vu dans les sports de masse des parents qui ne veulent pas laisser leur enfant, raconte Mark. Pourtant, le détachement de l’entraîneur doit se poursuivre à la maison. Et c’est parfois destructeur pour les familles. Papa a choisi le bon moment. Ça a été difficile, mais je le remercie sincèrement d’avoir fait ce choix."

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Un duo au diapason

En 2001, Mark intègre l’équipe senior de Grande-Bretagne, et passe d’un bateau de huit à un bateau de quatre en anticipation des Jeux Olympiques d’Athènes de 2004. L’équipe termine dernière. Trois ans plus tard, il s’engage dans la catégorie des rameurs en couple avec le champion du monde Zac Purchase. Pour sa première sortie, le couple s’entraîne un matin glacial de janvier, dans un bateau totalement gelé. Avant la chaleur des Jeux de Pékin, les deux partenaires comprennent immédiatement qu’"il se passe quelque chose".

Aucun bateau britannique n’avait gagné de médaille d’or olympique dans la catégorie couples poids léger auparavant. Mark avait la sagesse tandis que Zac Purchase avait la jeunesse et l’audace, et aucune cicatrice, ni douloureux souvenir d’avoir terminé dernier à une compétition olympique. Terry le résume bien : "J’ai appris qu’une relation idéale se construit au fil du temps. Avec Mark et Zac, vous avez deux athlètes qui ont parfaitement fusionné. C’était magnifique à voir."

Début 2004, année olympique, ils devaient encore faire leurs preuves, avec un objectif clair : passer de troisièmes mondiaux à premiers. Et pour ce faire, gagner trois secondes. Au cours de leurs nombreux entraînements (plus de 800), les deux partenaires et Darren Whiter, leur entraîneur, ont petit à petit réussi à grignonter quelques fractions de seconde.

Au cours d’une régate de la Coupe du monde, ils battent ainsi les doubles champions du monde danois, invaincus depuis plus de trois ans, après un sprint final au coude à coude. En regardant les Danois, les deux partenaires comprennent que leur "bulle d’invincibilité" a éclaté. Après cette victoire, Zac Purchase avait déclaré entre deux sanglots à son partenaire que la médaille d’or olympique lui semblait à leur portée. Les chasseurs devenaient la proie.

Consécration à Pékin, désillusion à Londres

Six semaines plus tard, à Pékin, leur domination pendant la finale olympique est telle que Terry déclarera que "les larmes sont arrivées bien avant qu’ils franchissent la ligne d’arrivée. En général, je ressens ce genre d’émotion uniquement avec mes enfants. J’ai eu des réussites et des échecs avec d’autres athlètes, mais il n’y a que votre propre chair et votre propre sang qui peuvent vous faire fondre en larmes de cette manière." Épuisé, son fils Mark se demandait un peu plus tard comment le champion Steve Redgrave avait pu passer par toutes ces émotions à cinq reprises.

Mark Hunter consacra l'année suivante à des activités de coaching en Californie avant de reprendre ses entraînements avec Zac Purchase en préparation des Jeux Olympiques 2012 à Londres. Le petit garçon de l’East End connaissait parfaitement les implications d’une compétition "à domicile". Son expérience des JO était déjà contrastée, faite de bons souvenirs et de moins bons. Ceux de Londres n'allaient rien arranger à l'affaire. "Le pire, c’est de perdre. Les meilleurs souvenirs, c’est lorsque vous gagnez. Et le plus compliqué, c’est lorsque les Jeux se tiennent à Londres." synthétise le rameur.

En théorie, Hunter et Purchase étaient les favoris, car ils étaient détenteurs du record olympique et doubles champions du monde. Toutefois, ils n’étaient pas au meilleur de leur forme au début de la compétition. Mis au pied du mur, ils étaient toutefois arrivés en finale. Mais à l’issue d’un bras de fer épique et extrêmement serré de six minutes, et malgré les encouragements des spectateurs installés au bord du lac Dorney d’Eton, ils ne sont pas parvenus à dépasser leurs rivaux danois. "J’ai mis un certain temps à récupérer de cette médaille d’argent; se souvient Mark. Nous avons perdu de 0,61 seconde". Zac Purchase avait dû l’aider à sortir du bateau et dans sa réaction à chaud à la télévision, Mark Hunter avait déclaré qu’il avait "laissé tomber tout le monde".

"Mon père et ma mère sont mes idoles"

Son père Terry voit les choses différemment. "Mark a gagné deux médailles olympiques, une d’or et une d’argent. J’espére qu’elles vont l’accompagner tout au long de sa vie et lui ouvrir des portes. J’avais peur qu’il n’y parvienne pas et qu’il finisse par penser qu’il n’était pas suffisamment bon. Mais cela ne s’est pas passé comme ça et il a suscité l’admiration de tous. Nous lui avions proposé le plus de sports possible ; nous l’avons soutenu et accompagné et sa réussite exceptionnelle a été un vrai bonus."

Les liens étroits qui unissent les membres de la famille Hunter se sont renforcés au fil des années, sans jamais se distendre. "Quand on parle d’idoles ou de modèles, c’est ce que ma mère et mon père ont été pour moi quand j’étais gamin, ajoute Mark. Aujourd’hui, je suis père à mon tour, et je comprends mieux. Je ne sais vraiment pas comment ils ont fait pour nous accompagner dans toutes nos activités. Ils nous ont consacré tout leur temps et c’est pour cela que ma famille est au centre de mes préoccupations."

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