À Hollywood, les acteurs sur le point de rejoindre la grève des scénaristes qui dure depuis plus d’un mois

Un piquet de grève organisé par le syndicat des scénaristes devant les locaux de Disney Studios le 3 mai à Los Angeles.
Un piquet de grève organisé par le syndicat des scénaristes devant les locaux de Disney Studios le 3 mai à Los Angeles.

CINÉMA - Si Hollywood pouvait encore se passer de scénaristes pour tourner des films et des séries pendant la grève, cette fois, cela risque de devenir un peu plus complexe. Alors que les scénaristes américains entament leur sixième semaine de grève, ils pourraient être rejoints rapidement par le syndicat des acteurs.

Entamée le 2 mai dernier, la grève de la Writers Guild of America (WGA), le syndicat des scénaristes américains, vient d’évoluer de manière drastique avec le vote de grève survenu lundi 5 juin au sein de la SAG-AFTRA (Screen Actors Guild‐American Federation of Television and Radio Artists), le syndicat des acteurs américains.

Et si certaines actrices et acteurs comme Amanda Seyfried, Brian Cox, Sean Penn ou Elizabeth Olsen soutenaient déjà publiquement la grève des scénaristes, l’ampleur du mouvement engagé début mai pourrait désormais permettre aux scénaristes d’appuyer sur le bouton stop pour toute la production cinématographique et télévisuelle américaine. Surtout qu’aucune nouvelle négociation n’est prévue par la WGA avec les studios à ce stade.

Les acteurs entrent dans la danse

L’actrice Fran Drescher, présidente du syndicat des acteurs américains, a d’ailleurs évoqué dans un communiqué que la décision des membres de son syndicat était un message de « force et de solidarité », à l’issue d’un vote écrasant (97,91 % en faveur de la grève). Les revendications de la SAG-AFTRA sont d’ailleurs très proches de celles des scénaristes en grève sur la rémunération ou le rapport à l’intelligence artificielle.

Des négociations ont donc débuté mercredi 7 juin entre la SAG-AFTRA et l’AMPTP, l’entité qui représente les studios, les plateformes de streamings et les chaînes de télévision aux États-Unis. Le contrat triennal du syndicat des acteurs (qui compte quelque 160 000 acteurs, figurants et autres professionnels du métier aux États-Unis) arrive à son terme le 30 juin. Ce qui veut dire qu’après cette date, les acteurs seront officiellement en grève si aucun accord n’est trouvé d’ici là.

Durant la quatrième semaine de la grève des scénaristes, les membres de la WGA East ont été rejoints par d’éminents écrivains, des dirigeants syndicaux, des élus et des membres de divers syndicats de la profession lors d’un rassemblement devant les locaux de NBC Universal, à New York.
Durant la quatrième semaine de la grève des scénaristes, les membres de la WGA East ont été rejoints par d’éminents écrivains, des dirigeants syndicaux, des élus et des membres de divers syndicats de la profession lors d’un rassemblement devant les locaux de NBC Universal, à New York.

En coulisses, le Hollywood Reporter atteste d’ailleurs du climat inédit qui régne désormais dans l’industrie grâce au témoignage de l’influent producteur de films indépendants Ted Hope (Super, 21 grammes), qui est également passé par la direction de la section cinéma d’Amazon Studios entre 2018 et 2020. Selon lui, l’inquiétude règne au sein des studios et « beaucoup croient que la grève se poursuivra jusqu’à la fin de l’année ».

Vers des productions à l’arrêt complet

Un climat tendu qui pourrait encore évoluer avec l’arrivée des acteurs dans le mouvement de grève. Et si certaines productions comme les séries Netflix Stranger Things et Emily in Paris ou The Last of Us pour HBO Max sont déjà à l’arrêt, faute de scénaristes pour écrire (ou réécrire) sur le tournage les lignes de dialogues et les arcs narratifs, d’autres ont fait le choix de tourner le matériel déjà scénarisé (mais sans pouvoir changer la moindre ligne). C’est notamment le cas de la série Amazon Les Anneaux de pouvoir, comme le rapporte le Hollywood Reporter.

Une manière de faire encore possible à cette heure, à la seule condition d’avoir des acteurs sur les plateaux. Mais en cas de grève, il deviendra presque impossible de poursuivre les tournages. Surtout que les scénaristes américains peuvent parfois manquer de visibilité pour exprimer leur cause. Les acteurs ont quant à eux une force de frappe médiatique bien plus puissante.

En cas de grève effective des acteurs, l’image des studios pourrait même en prendre un sacré coup si les plus grandes stars se mettent à critiquer ouvertement les Warner Bros, Universal, Disney, Netflix ou Amazon Prime. À l’instar de Colin Farrell venu soutenir sur le piquet de grève les scénaristes de la série The Penguin, spin-off du film The Batman où il tient le rôle principal.

La grève de 100 jours de 2007-2008 avait coûté près de 2 milliards de dollars au secteur hollywoodien, mais avec l’essor des plateformes de streaming, tout laisse à penser que la note pourrait être encore plus salée en 2023 si la grève s’inscrit dans la durée.

Et les réalisateurs dans tout ça ?

Solidaire du mouvement de grève des scénaristes depuis le début, le syndicat des réalisateurs de cinéma et de télévision, plus connu sous le nom de DGA (Directors Guild of America), a de son côté trouvé un accord avec l’AMPTP après trois semaines de négociations samedi 3 juin.

De quoi mettre un terme définitif à la possibilité d’une triple grève qui aurait sans doute été fatale pour l’AMPTP dans ce rapport de force.

L’accord de la DGA prévoit des hausses de salaires, une augmentation de 76 % des taux résiduels internationaux sur le streaming ou un cadre formel sur l’utilisation de l’IA, selon une synthèse de la DGA. Mais pas de quoi faire revenir le syndicat des scénaristes à la table de négociations, comme ce fut pourtant le cas durant la grève de 2007-2008. Une volonté défendue par Chris Keyser, négociateur principal dans les échanges de la WGA avec l’AMPTP.

« Tout accord permettant de remettre cette ville au travail passe directement par la WGA, et il n’y a aucun moyen de contourner cela », a-t-il assuré dans une vidéo postée sur Youtube vendredi 2 juin.

La DGA s’est toutefois montrée reconnaissante du mouvement de grève des scénaristes dans un communiqué, preuve de la vive solidarité dans l’ombre des grands studios. « Les gains que nous avons obtenus dans notre entente de principe n’auraient pas été possibles sans […] la solidarité de nos confrères d’autres syndicats. Nous continuons à soutenir les acteurs qui entrent demain en négociation et les écrivains qui restent en grève », a écrit la DGA dans son communiqué.

Installé depuis la fin des années 80 dans le système de production américain, le producteur Ted Hope reconnaît également qu’Hollywood a « toujours été une entreprise précaire », mais il assure n’avoir « jamais entendu autant de questions au sein de l’industrie ». Une énième preuve de l’enjeu énorme dans le rapport de force actuel. « Il y a une nouvelle prise de conscience que nous avons peut-être commencé à ruiner notre propre industrie avec la façon dont nous gérons les choses ».

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