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Énergies fossiles: le président émirati de la COP28 reconnaît qu'une réduction est "inévitable"

Un mot symbolique mais encore vague sur la fin des énergies fossiles: à six mois de la COP28 à Dubaï, le président contesté de cette conférence climatique, également patron de la compagnie pétrolière émiratie, a reconnu que leur fin était inéluctable, mais sans fixer d'horizon.

"La réduction des énergies fossiles est inévitable", a déclaré jeudi soir Sultan al-Jaber lors d'une réception à Bonn en marge de négociations préalables à la COP28, prévue en décembre à Dubaï et décrite par le patron de l'ONU Climat comme la plus importante depuis celle qui a débouché sur l'accord de Paris en 2015.

"La vitesse à laquelle cela se produira dépendra de la rapidité avec laquelle nous pourrons mettre en place progressivement des solutions de remplacement sans carbone, tout en garantissant la sécurité, l'accessibilité et le coût abordable de l'énergie", a ajouté Sultan al-Jaber, dont chaque parole sur le sujet est scrutée.

Sa déclaration intervient en réponse à la pression grandissante pour mettre la question de la sortie des énergies fossiles à l'agenda de la COP28, objectif qu'aucune COP n'est parvenue à adopter à ce jour. Même l'accord de Paris ne fait aucune mention des énergies fossiles.

Mais sa phrase sur l'inéluctabilité de la fin des énergies fossiles ne mentionne pas de date de sortie.

"Il doit dire à quel rythme cela doit intervenir", insiste Alden Meyer, vétéran des COP au centre de réflexion E3G.

Vers la fin des fossiles?

Accusé de conflit d'intérêt en raison de sa double casquette de président de la COP28 et de patron du géant pétrolier émiratie ADNOC, Sultan al-Jaber va-t-il convaincre les militants qui l'ont accueilli jeudi à Bonn par des manifestations demandant de "virer les gros pollueurs pétroliers"?

"Arrêtez les énergies fossiles maintenant", proclamait une banderole dans le hall du centre des congrès où des milliers de négociateurs des 198 membres de l'ONU Climat préparent la COP, du 5 au 15 juin.

La défiance de la société civile envers Sultan al-Jaber, jusqu'à un appel à sa démission lancé par des parlementaires américains et européens, a aussi été alimenté par ses déclarations mettant l'accent sur la réduction des "émissions", vues comme une défense du pétrole et du gaz grâce au recours à des technologies encore immatures et incertaines de captage du CO2 à la sortie des centrales.

Le temps presse

À Bruxelles, mercredi, Sultan al-Jaber avait appelé avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à "une transition vers des systèmes énergétiques sans combustibles fossiles sauf avec captage du carbone", dessinant un potentiel compromis.

Le temps presse: une étude internationale a rappelé jeudi que le réchauffement dû aux activités humaines s'accroissait désormais de plus de 0,2°C par décennie, avec des émissions de gaz à effet de serre à un niveau inédit.

"L'ère des énergies fossiles touche à sa fin. Nous n'avons pas mis fin à l'esclavage parce qu'on manquait d'esclave. De la même façon, on doit aller vers la fin l'ère des fossiles avant d'être à court de pétrole", a réagi Mohamed Adow, directeur de l'ONG Power Shift Africa, qui s'est dit surpris par la petite phrase de Sultan al-Jaber.

"C'est formidable que le président de la COP28 se rende enfin compte que la sortie des énergies fossiles est inévitable", a réagi Ross Fitzpatrick, de l'ONG humanitaire Christian Aid Ireland. "Les Emirats seraient l'endroit idéal pour marquer la fin de l'âge des fossiles."

Mais la route est encore longue: la tentative, soutenue par plus de 80 pays, d'inscrire cette question à l'agenda des négociations est bloquée depuis lundi.

En filigrane de tous les débats, le point de blocage concerne les centaines de milliards de dollars que les pays en développement attendent des pays riches, en investissements publics comme privés, pour leur permettre de se développer sans énergies fossiles.

Article original publié sur BFMTV.com