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24h du Mans: "On doit entrer dans une nouvelle dimension", estime Frédéric Lequien, directeur du WEC

24h du Mans: "On doit entrer dans une nouvelle dimension", estime Frédéric Lequien, directeur du WEC

Que représente ce centenaire des 24h du Mans pour vous ?

C’est vrai que c’est un moment magique et totalement historique. C’est rare dans une carrière de pouvoir fêter un centenaire. Cela représente beaucoup, les 100 ans d’une course mythique, probablement la plus connue au monde. Cela va être un moment important pour les concurrents mais aussi extrêmement important pour le public, pour la ville. Cela va être une fête populaire et c’est aussi ce qu’on aime.

Réalisez-vous ce que vous allez vivre ?

Je ne crois pas, plus on s’approche et plus la pression monte. Mais je ne crois pas que l’on ait tous pris conscience de l’ampleur de l’événement. Il y a plusieurs familles au sein même de la compétition : les pilotes, les team-managers et les ingénieurs qui, je pense, sont extrêmement préparés et essaient d’être un peu plus éloignés de ces festivités du centenaire. Pour la partie organisation et les spectateurs, ce sera plein de surprises…

Cette édition marque le retour en force de la catégorie reine Hypercar, avec seize voitures au départ...

C’est quelque chose qui tombe bien. En toute sincérité, je ne pense pas qu’il y ait un lien entre le fait qu’on ait le centenaire des 24h du Mans et ce nouvel âge d’or de l’Endurance avec le retour massif des constructeurs. C’est avant tout le fruit de l’élaboration d’un règlement technique il y a quelques années qui a été proposé et qui est intelligent. Il permet beaucoup de libertés en termes de design. Cela permet aux constructeurs d’avoir des prototypes qui rappellent l’idée de leur marque, tout en ayant des budgets qui sont 'contenus'. C’est ce qui a participé en premier au retour en nombre des constructeurs, avec notamment Ferrari en équipe officiel, ce qui n’était pas arrivé depuis les années 1970. Il y a Porsche également… C’est sept constructeurs aujourd’hui (Toyota, Ferrari, Porsche, Cadillac, Glickenhaus, Peugeot, Vanwall) et dix en 2024. Il est en train de se passer quelque chose dans cette discipline.

C’est vraiment ce nouveau règlement qui change tout ?

Le point de départ c’est une bonne réglementation qui permet aux équipes de contenir les budgets, d’être performants, de faire des voitures qui sont très sympas à regarder pour le public. C’est une belle plateforme il faut oser le dire, de communication et de marketing.

Après des éditions avec peu d’Hypercars (cinq l’an dernier) et peu de surprises (Toyota a gagné les cinq dernières édition), est-ce le retour du suspense ?

Oui la concurrence est beaucoup plus relevée donc on peut s’attendre à beaucoup plus de suspense en compétition. Il faut aussi respecter le travail effectué par des équipes qui sont là depuis très longtemps, comme Toyota qui écrasait un peu les autres et règne toujours aujourd’hui sur la discipline. Mais d’autres viennent les chatouiller, donc on aura plus de spectacle. Après, il y a aussi du spectacle dans les autres catégories (LMP2, LMGTE-AM). Vingt-quatre heures c’est long, il peut se passer énormément de choses. Mais oui, on s’attend à avoir plus de suspense que d’habitude.

Avec ces nouveaux constructeurs, on vous a entendu parler de nouveau cycle pour le championnat du Monde d’Endurance...

Oui, je crois que c’est le début d’un nouveau cycle. Les 24h du Mans et le championnat du monde d’Endurance ont toujours été un laboratoire à ciel ouvert pour les constructeurs. Beaucoup de choses y ont été inventées, développées comme l’hybridation, les feux antibrouillards, les freins à disque. Ce côté laboratoire ajouté à un règlement malin, combiné au fait que le WEC prend une grande dimension médiatique, fait que c’est devenu une plateforme extrêmement intéressante. C’est le début d’un nouvel âge d’or. Alpine, Lamborghini et BMV vont arriver en 2024… Ce n’est jamais arrivé dans l’Histoire du sport automobile.

Cette médiatisation grandissante coïncide uniquement avec le retour des grandes marques ?

L’arrivée massive des constructeurs a entraîné une dynamique très positive en terme de communication, d’intérêt pour les diffuseurs dans le monde entier à travers des diffuseurs très fidèles, mais aussi des nouveaux. Et cela est dû notamment à ces nouveaux constructeurs. Des marques comme Ferrari font toujours énormément rêver. En plus de ce plateau, il y a le côté accessible pour les spectateurs. On dit souvent que chez nous on peut presque toucher les voitures et on y tient beaucoup. On a un respect énorme pour ce que fait la Formule 1 mais le championnat du monde d’Endurance a un ADN différent. C’est plus accessible, il y a plus de proximité. C’est plus populaire. Il y a des accès relativement simples au paddock, des sessions d’autographes, voir les voitures de très près dans les garages… C’est notre marque de fabrique.

Avez-vous souffert d’une forme de concurrence de la Formule 1 ?

Non mais on en souffre de manière différente. L’expansion de la F1 et le nombre important de Grand Prix nous pénalise d’un point de vue logistique. Ils sont tellement partout que les circuits sont souvent bloqués de manière assez longue et il n’est pas toujours facile de construite un calendrier. Mais on ne se sent pas en concurrence, ce n’est pas la même discipline. On est d’ailleurs ravis d’accueillir d’anciens pilotes de F1 ou d’avoir des jeunes comme Nyck de Vries (aujourd’hui chez AlphaTauri en F1) qui font le chemin inverse. C’est complémentaire. Après, les prix des tickets des manches du WEC sont plus abordables. Mais ce que les gens viennent voir sur les courses d’endurance, c’est un spectacle extrêmement long durant lequel ils ne vont pas tout le temps rester dans les tribunes. On propose d’autres choses, des animations, des villages.

Vous avez tous les éléments pour que la mayonnaise prenne. Cela ajoute-t-il de la pression ?

Peut-être plus pour certaines équipes que pour nous en tant que promoteur. On observe tout ça avec beaucoup d’intérêt. Ce qu’on sait, c’est qu’il ne faut pas louper le coche. Avec un plateau pareil, on doit entrer dans une nouvelle dimension. C’est ce qu’on essaie de faire avec les diffuseurs, les médias. Mais je crois que la pression est surtout sur les équipes.

On imagine aussi que ce joli plateau permet de vous projeter sur du plus long terme…

Bien sûr. L’année prochaine nous aurons huit courses, au lieu de sept cette année. Il y a une vraie évolution. D’ailleurs, il faut insister sur le format, on parle de courses d’endurance, de minimum six heures. Donc on ne peut pas multiplier les courses comme le fait la F1 avec une vingtaine de Grand Prix, c’est impossible. Mais ça prend… Vous dire que les dix constructeurs (en 2024) vont rester pendant dix ans, je serais un gros menteur et fondamentalement je n’y crois pas car c’est énorme. Certains vont sortir, d’autres arriver. On discute déjà pour 2025 avec de très belles marques.

Toyota est resté, a travaillé et a dominé ces dernières années. Que voudriez-vous leur dire ?

Il faut être très reconnaissant. Ils ont toujours été là. C’est une super équipe, vraiment, ils sont très agréables avec un super état d’esprit. D’abord il faut les remercier, j’ai envie qu’ils restent le plus longtemps possible. Ils ont une très bonne voiture mais ils vont être challengés par d’autres équipes. Ferrari est très en forme, Cadillac marche fort, Peugeot va finir par performer. Ce n’est qu’une question de temps pour que tout se rééquilibre.

En terme d’image, le retour de Ferrari est aussi très important...

J’ai fait un rendez-vous chez Ferrari il y a deux mois et ce n’est pas si surprenant, mais c’est la marque préférée au monde. Ça veut tout dire. Cette marque rayonne d’une manière incroyable. Elle touche pleins de générations et représente quelque chose à travers la voiture de route mais surtout dans la compétition automobile et c’est unique. Notre histoire est intimement liée à Ferrari avec dans les années 1960, la bataille entre Ford et Ferrari.

L’an prochaine il y aura une manche du WEC au Qatar. Pourquoi ?

Il y a une volonté de s’exporter. En tant que championnat du monde, on a l’obligation d’aller sur au moins trois continents. On est présent aux Etats-Unis, en Asie, en Europe. Le Moyen-Orient est un territoire qui nous intéresse beaucoup et nous allons ouvrir la saison prochaine au Qatar sur un circuit refait à neuf. Il y a un vrai engouement des autorités pour nous recevoir et en toute sincérité, il y a une vraie passion pour le sport automobile. Après, je vous mentirais si je ne vous disais pas que pour nous aussi, il y a évidemment un intérêt économique, mais qui nous permet aussi d’avoir de la continuité dans les épreuves européennes qu’on organise. C’est une question d’équilibre. Mais on n’aura pas autant de spectateurs qu’à Monza, Spa ou au Mans, c’est évident.

Article original publié sur RMC Sport