24h du Mans: Lilou Wadoux et Doriane Pin, les deux pilotes françaises qui veulent inspirer les femmes

24h du Mans: Lilou Wadoux et Doriane Pin, les deux pilotes françaises qui veulent inspirer les femmes

Casquette Ferrari vissée sur la tête, Lilou Wadoux attend, assise dans l’hospitalité de son écurie, l’endroit où se ressourcent les équipes et où les invités sont reçus. La jeune Française, engagée en catégorie LMGTE-AM avec la Scuderia, est très demandée depuis le début de semaine. "Toute l’équipe a bien géré pour que je ne sois pas trop sollicitée et fatiguée. Avec Ferrari, je suis entrée dans une autre dimension", explique la jeune femme de 22 ans.

Elle est devenue cette année pilote officielle Ferrari, avec tout ce que cela comprend: entraînements avec les autres pilotes de la marque, media-training, aide mentale, simulateur à Maranello… Après avoir découvert le Mans en 2022 en LMP2 avec l’équipe Richard Mille Racing Team, elle a hâte d’en découdre. "On est confiant de faire un résultat à peu près correct ici. Depuis le début, quand on a fini les courses on s’est battu pour la première place."

De l’autre côté du paddock, dans les locaux de l’équipe Prema, une autre Française est là: Doriane Pin. A 19 ans, elle va découvrir les 24h du Mans en catégorie LMP2. "C’est magique pour moi. Je suis ravie et très reconnaissante", glisse-t-elle. Elle est accompagnée de deux pilotes expérimentés: Daniil Kvyat et Mirko Bortolotti. "Ils m’apprennent énormément et on s’entend super bien. Ils ne me considèrent pas comme quelqu’un de jeune qui a 19 ans. On est complémentaires." Lilou Wadoux et Doriane Pin sont les porte- drapeaux du sport automobile féminin français ce week-end. Avec elles, trois autres femmes seulement prendront le départ des 24h du Mans. Sarah Bovy, Michelle Gatting et Rahel Frey représenteront l’équipe Iron Dames.

Lilou Wadoux dans l’Histoire

Des deux tricolores, Lilou Wadoux est la plus connue. Elle-même entrée dans l’Histoire à Spa-Francorchamps, le 29 avril, en devenant la première femme à remporter une manche du Championnat du Monde d’Endurance (WEC). "C’est dur de le vivre sur le coup. On sort de la voiture, ça va tellement vite ensuite que sur le coup on ne profite pas, on ne se rend pas vraiment compte, se souvient-elle. Après la course, j’ai eu pas mal de sollicitation, forcément. Je l’ai très bien vécu et j’espère que ça continuera."

L’Amiénoise a été prise dans un petit tourbillon, entre sollicitations et reconnaissance. "Quand j’ai gagné, je ne me suis jamais dit que ça allait prendre autant d’ampleur mais j’en suis contente et ça prouve à beaucoup de personnes qu’une fille est capable de jouer aux avants postes." Elle vise d’autres succès, à commencer par Le Mans. Ce qu’elle vit est un vrai accomplissement, d’autant que le parcours n’a pas toujours été facile. Cette fille d’un ancien pilote de rallye a abandonné le tennis à cause d’une blessure au dos, puis a débuté dans un karting de location à 14 ans, avant de commencer la compétition deux ans plus tard, dans un milieu masculin qui se féminise doucement. "Il y a toujours eu des remarques mais je trace mon chemin. Les gens qui parlent, soit ils sont jaloux, soit ils ont une dent contre nous sans raison. Il peut y avoir de tout comme remarque: qu’une fille n’est pas capable d’aller plus vite qu’un homme, qu’elle triche… Mais peu importe, et cette victoire à Spa montre qu’on est capable de faire la même chose."

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"Femme ou homme ? En piste, ça ne se voit pas"

Doriane Pin a aussi vécu les critiques, les moqueries, les doutes. Mais cette mordue de sports automobiles, qui suivait dès quatre ans son papa sur des événements de karting, n’a jamais lâché son rêve. Après avoir tenté d’intégrer l’académie Ferrari, participé à la Clio Cup et la Michelin Le Mans Cup, elle vit une première saison pleine avec son équipe en Endurance. "Ça a été plutôt facile, on est tous une famille, on se supporte tous, explique-t-elle. On est là pour la performance, pas pour l’image. Personne ne fait de différence et c’est comme ça que ça doit être. C’est un des seuls sports où on est mixtes, où on peut rouler tous ensemble." La tricolore découvre l’épreuve sarthoise mais a déjà fait des courses de 24 heures, à Spa et Daytona.

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Avec cette saison et l’exposition du Mans, Lilou Wadoux et Doriane Pin espèrent, en plus de marcher fort sur la piste, inspirer d’autres jeunes femmes. "J’espère que ça va montrer aux femmes qu’on peut y aller, qu’une femme peut se battre contre un homme. On n’a rien à perdre, il faut essayer, sourit Lilou Wadoux. A partir du moment où on a un casque sur la tête, qui sait si c’est une femme ou un homme ? En piste, ça ne se voit pas."

Doriane Pin abonde: "On est cinq femmes cette année, c’est super de partager cela et d’inspirer pourquoi pas les jeunes filles, de les inciter à commencer ce sport qui est juste magique et magnifique. Si ça peut donner envie aux jeunes de commencer… C’est un rôle que l’on porte naturellement. Moi, je n’ai jamais eu d’exemple donc c’est à nous de faire ce travail-là. Il y en a de plus en plus qui commencent le kart. Et il n’y a pas seulement les pilotes. Les ingénieurs, les mécaniciens femmes, on en voit beaucoup plus dans les équipes, c’est positif."

Des programmes se développent

En témoigne l’équipe Iron Dames, née en 2018, qui aligne de nouveau un équipage 100% féminin cette année. La F1 aussi essaie d’aller de l’avant, avec le programme FIA Girls on Track - Rising Stars de la Commission pour les femmes dans le sport auto, la filière féminine de la Ferrari Driver Academy ou le programme d’Alpine pour féminiser ses équipes. En Endurance et aux 24h du Mans, la chose n’est pas si nouvelle puisque 65 femmes y ont déjà participé, les premières étant Odette Siko et Marguerite Mareuse en 1930. Mais elles ne s’y sont pas imposées en nombre. Dans le paddock, les autres pilotes soutiennent leur cause.

"Je trouve ça sympa, on voit avec les Iron Dames que c’est en train de se développer il y a de plus en plus de femmes dans le paddock, des filles qui vont très vite. Je ne connais pas Lilou et Doriane personnellement mais pour voir un peu ce qu’il se passe et ce qu’on entend, au-delà d’être des femmes, c’est surtout que la performance est au rendez-vous, pense Mathieu Jaminet, qui sera au volant d’une Hypercar Peugeot. Toutes les deux, aujourd’hui, elles peuvent aspirer à devenir pilotes officielles pour des constructeurs car elles sont réellement au niveau et elles performent hyper bien. Elles sont jeunes, Françaises, on les soutient donc j’espère qu’on les verra un jour sur la première marche du podium au Mans." Même chose pour un autre pilote Peugeot, Frédéric Makowiecki: "C’est important. On est dans un sport qui a toujours été très masculin. C’est bien d’avoir des femmes. Ce que j’apprécie chez Lilou et Doriane c’est que ce sont deux filles qui sont très performantes. Elles n’ont rien à nous envier et ça, c’est vraiment bien pour le sport et j’espère que ça poussera d’autres femmes à s’intéresser à ce qu’on fait."

Article original publié sur RMC Sport