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Addictif, à l'origine de la crise des opiacés: qu'est-ce que l'oxycodone, cet anti-douleur controversé?

Un opiacé controversé. L'oxycodone est un médicament anti-douleur très puissant prescrit notamment après une opération. Sa consommation est en hausse ces dernières années en France, malgré des effets secondaires sévères.

• Un opiacé proche de la morphine

L'oxycodone est un analgésique puissant dont les effets sont proches de ceux produits par la morphine, selon le dictionnaire des médicaments Vidal. Inscrit dans la liste des psychotropes, il se consomme en gélule ou en intraveineuse.

En France, il est commercialisé depuis 1998 sous le nom d'OxyContin ou d'OxyNorm et uniquement prescrit sur ordonnance. Au départ, il est destiné aux patients souffrant de douleurs intenses, douleurs post-opératoires ou douleurs liées à un cancer.

Il ne doit être prescrit qu'en seconde intention, c'est-à-dire en dernier recours lorsque les antalgiques classiques ne font plus d'effet auprès du patient.

• Une progression "inquiétante"

Fin mai, la Société française de pharmacologie (SFPT) tire la sonnette d'alarme et déplore une consommation croissante d'oxycodone dans l'Hexagone.

"Ces dernières années, sa prescription en France suit une progression inquiétante alors qu'elle ne présente pas d'avantage pharmacologique par rapport à la morphine", pointe-t-elle du doigt dans un avis publié sur son site.

La Nouvelle-Aquitaine et l'Occitanie sont particulièrement concernées. On compte ainsi 950 consommateurs pour 100.000 habitants pour la première région et 700 pour 100.000 habitants pour la deuxième. La moyenne nationale s'élève à 570 pour 100.000 habitants.

• 23 morts en France en 2019

Et les conséquences s'avèrent inquiétantes. L'implication de l'oxycodone dans le nombre de décès toxiques par antalgiques a ainsi été multiplié par 4 entre 2013 et 2017, selon la SFPT. En France, en 2019, 23 de ces décès impliquaient la consommation d'oxycodone, d'après l'enquête annuelle menée par la DTA.

De fait, la SFPT estime qu'il existerait un "risque médicamenteux supérieur avec l'oxycodone" comparé à la morphine. La SFPT évoque notamment une "action dopaminergique plus importante et durable que la morphine", ce qui pourrait induire une plus forte addiction ainsi qu'un "risque de troubles du rythme cardiaque" plus élevé.

En cas de surdosage, le patient risque la sédation, la dépression respiratoire avec ensuite risque de coma et de décès, selon le dictionnaire Vidal.

• Plus de prescriptions?

Pourquoi cette hausse? Pour la docteure Maryse Lapeyre-Mestre, directrice du centre d'addictovigilance de Toulouse, certains patients "méconnaissent la dangerosité de ce médicament" et pratiquent l'automédication.

"Pour diminuer la douleur, ils augmentent les doses sans en parler à leur médecin", voire "consult(ent) plusieurs médecins dans la même journée pour se le faire prescrire", estime-t-elle auprès de France 3.

Le professeur de pharmacologie au CHU de Bordeaux, en Gironde, Francesco Salvo, avance de son côté une autre hypothèse impliquant directement les médecins.

"Nous voudrions voir s'il y a une portion de population qui reçoit des prescriptions plus longues, ce qui pourrait faire penser à un mésusage, voire à un trouble de l'usage", indique-t-il, assurant avoir émis une demande de financements auprès de l'Agence régionale de santé (ARS) pour mieux comprendre le phénomène.

Les laboratoires encourageraient-ils les médecins à augmenter leurs prescriptions? Le professeur dit ne pas avoir de "preuve" confirmant cette hypothèse, mais estime "ne pas l'exclure au vu de ce qui s'est passé avec les opiacés dans l'histoire de la médecine".

• À l'origine de la crise des opiacés aux États-Unis

De fait, le phénomène a bien été observé de l'autre côté de l'Atlantique. Dans son avis, la SFPT rappelle d'entrée que l'oxycodone est "le premier médicament qui a été au centre de la crise des opioïdes aux États-Unis".

Cette crise des opiacés a débuté en 1996, date à partir de laquelle différents laboratoirs et distributeurs pharmaceutiques américains sont accusés d'avoir fait la promotion agressive de différents antidouleurs faits à partir d'opiacés, entraînant une surprescription de la part des médecins.

L'usage du médicament est également détourné. Selon un rapport confidentiel du ministère de la Justice cité par le New York Times en 2018, des pilules sont volées en pharmacie et certains médecins vendent des ordonnances de ce médicament. Les consommateurs les réduisent en poudre, ensuite inhalée pour un effet démultiplié.

L'Oxycontin, produit par le laboratoire Purdue Pharma possédé par la famille Sackler, a ainsi été consommé par des millions d'Américains entre 1995 et 2010. Environ 600.000 personnes en sont mortes en 20 ans. L'entreprise s'est étendue à l'international sous le nom de Mundipharma et reprend certaines méthodes marketing controversées employées pour vendre des antalgiques.

Face aux critiques, les prescriptions d'Oxycontin ont cependant baissé de 40% depuis 2010 aux États-Unis. Visée par plus de 2000 plaintes, l'entreprise doit désormais verser plus de 6 milliards de dollars de dédommagements aux familles des victimes d'overdose.

Article original publié sur BFMTV.com