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Agression mortelle d'Yvan Colonna à la prison d'Arles: les points que le rapport d'enquête doit éclaircir

La mort d'Yvan Colonna aurait-elle pu être évitée? C'est la question à laquelle la commission d'enquête parlementaire a tenté de répondre dans son rapport sur l'agression mortelle du militant indépendantiste corse à la prison d'Arles en mars 2022.

Le rapport doit être publié ce mardi après-midi, avant une conférence de presse du président de la commission Jean-Félix Acquaviva (député Liot de la Haute-Corse) et du rapporteur Laurent Marcangeli (député de la Corse-du-Sud, Horizons) à l'Assemblée nationale à 17 heures.

Plus de 70 personnes auditionnées

Retour le 22 mars 2022. Yvan Colonna, qui purge une peine de réclusion à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, est violemment agressé dans la salle de sport de la prison par Franck Elong Abé, un homme radicalisé de 36 ans condamné notamment dans un dossier terroriste. Plongé dans le coma, le militant indépendantiste corse de 61 ans décède trois semaines plus tard.

Pendant six mois, lors dequels 71 personnes ont été entendues, la commission d'enquête parlementaire s'est penchée sur le traitement carcéral de Franck Elong Abé, sur les circonstances de cette agression, mais également sur les raisons du maintien du statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) d'Yvan Colonna, qui empêchait son transfert vers une prison corse.

Le but de ces travaux? Comprendre pourquoi Franck Elong Abé se trouvait en détention ordinaire et comment il a pu se retrouver seul avec Yvan Colonna pendant 15 minutes.

Et pour cause, certaines auditions, notamment celle du chef du parquet antiterroriste, de celui de l'administration pénitentiaire, et de celle du renseignement pénitentiaire, ont dressé le portrait d'un homme inquiétant.

Une "dangerosité avérée"

Parti combattre les talibans en Afghanistan, Franck Elong Abé, qui avait lui aussi le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS), a multiplié les incidents lors de son incarcération. Sa "dangerosité" avait été "avérée", en raison de "son passé et son comportement en détention", avait notamment expliqué le procureur antiterroriste Jean-François Ricard.

Une radicalisation telle que les services pénitenciers ne l'avaient même pas fait passer, à son arrivée en 2019 à la prison d'Arles, par le quartier d'évaluation de la radicalisation (QER).

Pourtant, à son arrivée dans cette prison en 2019, l'homme n'était pas passé par le quartier d’évaluation de la radicalisation (QER), comme la procédure le veut pour un détenu classé "terroriste islamiste".

Selon l'ex-directrice de la prison d'Arles, Corinne Puglierini, le "comportement" de Franck Elong Abé, atteint de troubles psychiatriques, "ne permettait pas une évaluation au QER".

Mais selon elle, l'homme avait évolué positivement. Une amélioration qui avait conduit à lui accorder fin 2021 un poste convoité d'"auxiliaire", pour faire le ménage dans les salles de sport de la prison. Un traitement "aux antipodes" de celui d'Yvan Colonna, "excessivement rigoureux", estime la commission.

Une agression filmée

D'autant que les élus corses, ainsi que les familles d'Yvan Colonna, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, eux aussi condamnés à la perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac, réclamaient depuis des années la levée de leur statut DPS. Un statut qui bloquait toute possibilité que les trois détenus soient transférés vers la Corse. Ce n'est que quelques jours après l'agression d'Yvan Colonna que le statut DPS de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi a été levé. Les deux hommes avaient été transférés dans la foulée dans une prison corse, avant de se voir accorder une semi-liberté début 2023.

Et ce n'est pas tout. Le rapport devrait aussi revenir sur d'autres points, comme celui de la longueur de l'agression d'Yvan Colonna. Cette dernière, qui a duré pendant près de huit minutes, s'est déroulé sous le regard d'une caméra de surveillance, sans qu'aucun surveillant n'intervienne. "La réalité peut hélas dépasser la fiction", avait reconnu le directeur de l'administration pénitentiaire Laurent Ridel devant la commission qui s'étonnait de l'étrange "alignement des planètes" ayant permis l'agression.

Quant aux "zones d'ombre", comme les motivations de l'agression mortelle - Franck Elong Abé l'a justifiée par une série de "blasphèmes" d'Yvan Colonna - la commission devrait espérer les voir éclaircies par l'enquête judiciaire, dans laquelle il est mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.

Article original publié sur BFMTV.com