Pour arrêter de fumer, la méthode d’Allen Carr est « incomplète », selon cet addictologue

La méthode d’Allen Carr pour arrêter de fumer omet l’aspect physique et l’aspect comportemental de l’addiction.
La méthode d’Allen Carr pour arrêter de fumer omet l’aspect physique et l’aspect comportemental de l’addiction.

SANTÉ - Un livre pour arrêter de fumer ? C’est la promesse du best-seller La Méthode simple pour en finir avec la cigarette, écrit par le Britannique Allen Carr (1934-2006) en 1983 et vendu à plus de 10 millions d’exemplaires dans le monde. Cet ancien expert-comptable, ex très gros fumeur, y décrit la façon dont il a mis fin à son addiction. Sa méthode, qui comprend uniquement du coaching, continue d’être plébiscitée aujourd’hui.

« Allen Carr présente dans son livre ce qu’il a réussi à mettre en place pour arrêter de fumer. C’est un accompagnement psychologique », nous explique Hervé Martini, secrétaire général d’Addictions France, tabacologue et addictologue que nous avons contacté par téléphone. Mais il alerte : « Sa méthode n’est pas complète, car chaque fumeur a un rapport au tabac différent. »

Outre le livre, le site allencarr.fr propose un programme qui reprend la méthode : il comprend une séance de groupe de parole de quatre heures, un recours à une assistance téléphonique pendant un an et tout un arsenal de suivi (composé d’une vidéo thérapie de suivi, de documents PDF et audios à télécharger ou encore d’un forum privé après-séance…).

Une méthode incomplète…

Là ou le bât blesse, c’est qu’Allen Carr se focalise uniquement sur la dépendance psychologique à la cigarette - autrement dit, les bénéfices que l’on associe psychologiquement au tabac, comme la réduction du stress. Pour lui, la principale difficulté pour les fumeurs est la peur d’arrêter. Il bannit ainsi l’usage de produits pharmaceutiques compensant le manque de nicotine qui rendent, selon ses dires, le sevrage plus difficile.

Mais il omet totalement les deux autres volets de l’addiction. La dépendance pharmacologique, c’est-à-dire le manque physique de nicotine dans l’organisme, et la dépendance comportementale, qui regroupe toutes les habitudes prises par le fumeur qui associe certains moments à la cigarette - comme celle que l’on se grille après manger, avec le café.

« C’est l’action des trois qui provoque l’addiction, à des degrés divers, rappelle Hervé Martini. La littérature scientifique le montre. Il faut toujours évaluer ces trois plans. Des personnes peuvent avoir une dépendance physique importante et une dépendance psychologique faible. Ou l’inverse. Puis, il faut adapter les traitements. »

Concernant les substituts nicotiniques, l’addictologue estime qu’ils ne sont pas un frein à l’arrêt : « Ils ont pour objectif de limiter la sensation de manque physique, qui se manifeste par l’envie de fumer, une irritabilité, l’envie de manger… Les études ont montré que lorsque l’on associe des substituts, il y a de plus grandes chances de réussite de sevrage. »

...mais qui fonctionne sur certains

Pourtant, la méthode Allen Carr a porté ses fruits pour certains anciens fumeurs. Le site officiel revendique même 66 % de réussite, un an après le suivi des séances. Alors que dit la science ? « La supériorité de cette méthode ne fait pas consensus chez les scientifiques », selon Hervé Martini. Mais il reconnaît qu’il est « possible d’arrêter uniquement avec du coaching pour les personnes faiblement dépendantes physiquement ». Et donc fortement dépendantes psychologiquement.

« Le sevrage est une sensation désagréable. On a des habitudes et des modes de fonctionnement construits autour de la cigarette. Certains se disent que ça va être trop dur. D’autres se disent qu’ils n’y arriveront pas. C’est une angoisse, c’est pour ça qu’on accompagne avec des coachs », rappelle-t-il.

« Mais si quelqu’un me dit qu’il a réussi avec cette méthode, je lui dirai que c’est une partie du travail qui a été fait. Car c’est l’association de thérapies spécifiques, de substituts de nicotine et un accompagnement plus ou moins intense » qui a le plus de chance d’aboutir à l’arrêt du tabac. Mais pour certains, un livre suffira.

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