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Attaque à Annecy : tout le monde ne peut pas être un héros comme Henri (et c’est même déconseillé)

Henri lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Annecy, le 9 juin 2023 F
Henri lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron à Annecy, le 9 juin 2023 F

ATTAQUE - En moins de 24 heures, son prénom s’est affiché sur toutes les chaînes d’infos en continu. Henri, où le héros aux sacs à dos qui a tenté à plusieurs reprises d’arrêter l’assaillant d’Annecy, ce jeudi 8 juin. Âgé de 24 ans, c’est un tour de France des cathédrales qui l’a porté en Savoie. Le jeune homme n’était d’ailleurs pas le seul « héros » présent à côté du lac jeudi : des agents d’entretien ont essayé d’arrêter l’assaillant avec des pelles, un homme qui poursuivait l’assaillant a essuyé un coup de couteau, une femme s’est interposée entre ce dernier et un bébé… Le président les a remerciés et salués lors de son déplacement.

Si ce vendredi, Henri estimait qu’il avait agi « instinctivement », « comme tout Français l’aurait fait », dans la réalité les choses sont beaucoup plus compliquées. Et agir en « héros » a plutôt tendance à être conseillé comme la dernière issue.

Dans ses conseils aux citoyens sur comment réagir face à une agression du harcèlement sexistes et sexuels, le site du gouvernement explique que « certains réflexes simples et actions concrètes », peuvent faire la différence, mais surtout que « votre intervention doit dépendre de la dangerosité de la situation ». Et d’insister à nouveau un peu plus loin : « évitez d’adopter des comportements qui vous mettraient en danger, vous ou la victime ».

Fuir, se cacher, alerter

Dans le cas d’une attaque au couteau ou à l’arme blanche, le dispositif Vigipirate contre le terrorisme préconise de fuir le lieu si c’est possible en toute sécurité, ou de se cacher, puis une fois en sécurité de prévenir les forces de l’ordre en appelant le 17 ou le 112.

Sur Twitter, Pierre-Alexandre Chaize, doctorant en histoire médiévale et auteur d’une thèse sur les arts martiaux en Occident insiste : « Sauf si vous avez une formation ET un entraînement régulier face à une arme, blanche ou à feu, vous allez vivre des choses que vous ne maîtrisez pas : effet tunnel, peur de la douleur, focalisation sur le bras de la personne armée. J’appuie : VOUS ALLEZ PERDRE LE CONTROLE ».

Ce n’est que dans le cas où s’échapper et se cacher ne serait pas possible qu’on peut envisager de résister. Pour cela le plan Vigipirate préconise d’agir en groupe, en distrayant l’agresseur et en se protégeant avec des vêtements ou des sacs. La loi envisage bien la non-assistance à personne en danger mais il n’est pas question de se mettre en danger soi-même. Le minimum restant encore et toujours de prévenir les secours et la police.

Sidération, effet spectateur…

Dans les faits, c’est aussi souvent la sidération qui peut s’emparer des témoins d’une attaque, et qui les immobilise malgré eux. Face à une situation de stress, le cerveau peut en générer lui-même pour nous préparer à nous défendre ou à fuir. Dans la foulée, face une saturation de stress, le cerveau peut décider que la meilleure solution est de ne pas bouger et donc nous immobiliser.

« Il y a des situations tellement terrorisantes, tellement imprévues, inhumaines ou d’une cruauté si impensable, qu’elles entraînent une surcharge de stress et peuvent menacer la vie d’une personne, notamment en provoquant un arrêt cardiaque. Dans ce cas-là, le cerveau bloque tous les processus psychiques, ce qui empêche la victime de penser l’événement sur le moment », expliquait à notre confrère de Doctissimo, la psychiatre Muriel Salmona.

Dans d’autres cas qui ne vont pas jusqu’à la sidération, les psychologues parlent de l’effet spectateur. Cela est souvent dénoncé dans les cas d’agression ou de harcèlement dans les transports en commun. « L’effet spectateur, c’est le fait que plus il y a de témoins, moins on est poussé à agir parce que la réaction individuelle est influencée par celle des autres », expliquait il y a quelques années, Olivia Mons, porte-parole de la fédération France Victimes, à franceinfo.

L’association se tient d’ailleurs aussi à la disposition des personnes qui culpabiliseraient parce qu’elles n’auraient pas osé intervenir : « nous allons leur dire que c’est normal, que c’est humain, que chacun est différent et qu’on réagit avec ses faiblesses et ses forces ».

Secourir pendant ou après

Qu’est-ce qui pousse finalement des gens comme Henri, sans formation militaire ou policière, à aller au-devant du danger ? La réponse n’est pas figée là encore. Auprès de nos confrères de 20 Minutes, la psychologue clinicienne Michèle Vitry évoquait en 2016 les trois héros de l’attentat de Nice. Selon elle, il y a deux profils. Ceux qui « ont besoin d’être reconnus, ils sont idéalistes, leur objectif dans la vie est de changer le monde » et ceux qui « ne veulent pas être des héros ». Qu’il soit plutôt l’un ou l’autre, en utilisant son sac à doc et en distrayant l’assaillant, Henri a résolument des réflexes remarquables, et aussi beaucoup de chance.

Au-delà de l’assaillant, si les conditions de sécurité sont réunies pour porter les premiers secours à une personne blessée par arme blanche -en attendant l’ambulance- le mieux est d’effectuer une pression avec un objet absorbant et propre sur la zone. Si l’arme est toujours dans la plaie, ne la retirez pas. Tous les héros ne portent pas de cape ou de sac à dos.

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