Publicité

Attaque au couteau à Annecy: comment en parler aux enfants? Les conseils de psychologues

Attaque au couteau à Annecy: comment en parler aux enfants? Les conseils de psychologues

Depuis ce jeudi, un récit d’une extrême violence circule sur nos écrans et dans les cours de récréation: celui de l’attaque qui a grièvement blessé quatre enfants en bas âge et deux autres personnes dans un parc à proximité du lac d’Annecy (Haute-Savoie).

Comment donc informer et rassurer les plus jeunes face à ces évènements? Les experts interrogés par BFMTV insistent sur l'importance de ne pas reculer devant leurs questionnements.

• Ne pas projeter sa propre angoisse

Les attentats, notamment ceux de 2015, avaient souvent été l’occasion de discuter des manières de gérer de faits effrayants et brutaux avec les enfants. Mais à Annecy, l’assaillant a spécifiquement ciblé des tout-petits, âgés de 22 mois à 3 ans.

"Dans la fantasmatique de l’horreur qu’on a tous en tant qu’adulte, cette information est intraitable pour le cerveau", explique à BFMTV Ariane Calvo, psychologue à Paris et autrice de L’autonomie émotionnelle (éd. Robert Laffont). "Quand l’inconcevable fait irruption sur nos cerveaux, on a beaucoup de mal à maîtriser l’angoisse."

Elle conseille aux parents de reconnaître leur propre peur, afin de ne pas la projeter sur leur progéniture. "Ce qui impacte surtout les enfants, c’est de voir leurs parents effrayés et complètement désemparés, dans un sentiment d’impuissance terrible", affirme-t-elle.

"Or dans l’idéalisation de l’enfant, celui-ci se représente ses parents comme des personnes insubmersibles à qui rien ne fait peur, qui sont toujours en capacité de les protéger."

Nathalie Fuvel, psychologue clinicienne à Annecy, invité ce vendredi de BFMTV, confirme ainsi avoir reçu la veille dans son cabinet des parents d’enfants de l’âge des victimes qui étaient "dans l’effroi".

• Protéger des images violentes et établir un dialogue

Cette praticienne conseille avant toute chose d’écouter son enfant, afin d'"établir ce qu’on appelle une "enveloppe contenante" pour l’enfant, c’est-à-dire "un lieu d’accueil psychique de ses affects et de sa parole".

Sa consœur Ariane Calvo préconise de jauger en amont le niveau de connaissance de l’affaire par votre enfant: "Posez-lui la question: de quoi vous avez parlé aujourd’hui à l’école, est-ce que quelque chose t’a marqué? Si la réponse est oui: est-ce que tu as vu des images, est-ce que je peux te raconter ce que je comprends de ce qui s’est passé?"

Dans l’idéal néanmoins, "s’il y a un conseil à donner, c’est de tout faire pour ne pas exposer les enfants à des images concrètes", "qu’ils ne peuvent pas mettre à distance et retraiter", insiste-t-elle.

• Pour les plus jeunes, formuler simplement et rassurer

Aux plus jeunes, Ariane Calvo conseille d'expliquer à ceux qui ont entendu parler de l'attaque d'expliquer qu'"un monsieur, qui était probablement très fou, parce qu’il a vécu des choses très difficiles, a tué des enfants probablement sans se rendre compte de ce qu’il faisait, et qu’il va être enfermé et soigné".

"Ce qui est important c’est de ne pas rien dire, en adaptant le vocabulaire à l’âge de nos enfants" afin de l’aider à "anticiper psychiquement un certain nombre de choses", estime Hélène Romano, psychothérapeuthe spécialiste de la prise en charge d’évènements traumatiques, interrogée sur RMC.

Pour les plus petits, elle propose par exemple de le formuler sous la forme: "Il y a quelqu’un qui a fait du mal à des enfants, mais il y a eu des secours, les gens ont été soignés, et cette personne a été arrêtée."

De son côté, Nathalie Fuvel considère qu'"il faut adopter des mots simples et vrais ; c’est important pour les enfants qu’ils rentrent dans une réalité de la vie, avec des mots adaptés, de ne pas tronquer la réalité".

À partir d’un certain âge, il devient mission presque impossible des détails de l’évènement. "À partir de 12 ans, je prendrais les devants", indique ainsi Ariane Calvo. Quitte à être un peu plus précis sur les faits, mais toujours en rassurant.

• Évoquer les adultes qui sont intervenus

La psychologue conseille dans tous les cas de leur mentionner "qu’il y a eu des adultes courageux qui sont intervenus et se sont interposés", et qui seraient prêts à les défendre si jamais ils craignent que cette situation leur arrive.

"Il faut leur dire qu’on a des moyens d’action, qu’on n'est pas dans cette impuissance qui fait peur", insiste-t-elle.

Lors d’évènements similaires, comme le meurtre de Lola - cette jeune fille retrouvée morte dans une malle à Paris - elle a constaté que "les enfants restaient angoissés relativement longtemps, parfois plusieurs semaines". Alors s’ils craignent par exemple d’aller seuls à l’école, mieux vaut continuer à les accompagner tant qu’ils ne sont pas prêts, sous peine de rajouter au traumatisme et à la peur.

Article original publié sur BFMTV.com