Guerre en Ukraine : Le barrage de Nova Kakhovka détruit, ce que l’on sait

GUERRE EN UKRAINE - Le barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka, situé dans les zones de la région de Kherson occupées par la Russie dans le Sud de l’Ukraine, a été partiellement détruit ce mardi 6 juin. Depuis, Moscou et Kiev s’accusent mutuellement d’en être responsables.

Le HuffPost fait le point sur cette destruction, qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la suite de la guerre en Ukraine, ainsi que des conséquences environnementales et nucléaires majeures.

• Comment a été endommagé le barrage ?

Sur Telegram, le maire de la ville de Nova Kakhovka, Vladimir Leontiev, a affirmé que des explosions ont détruit dans la nuit de lundi à mardi les robinets-vannes du barrage et provoqué un « rejet d’eau incontrôlable ».

Dans l’après-midi, le patron de l’opérateur ukrainien Ukrhydroenergo a annoncé à la télévision ukrainienne que « la centrale ne peut pas être restaurée » et « qu’elle est complètement détruite ». « La structure hydraulique est en train d’être emportée », a-t-il ajouté.

Cette capture d’écran d’une vidéo publiée sur le compte Twitter du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 6 juin 2023, montre une vue aérienne du barrage de la centrale hydroélectrique de Nova Kakhovka après sa destruction partielle.
Cette capture d’écran d’une vidéo publiée sur le compte Twitter du président ukrainien Volodymyr Zelensky, le 6 juin 2023, montre une vue aérienne du barrage de la centrale hydroélectrique de Nova Kakhovka après sa destruction partielle.

Le barrage de Kakhovka, pris par l’armée russe dès le début de son invasion de l’Ukraine, permet notamment d’alimenter en eau la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par Moscou.

Aménagé sur le fleuve Dniepr en 1956, pendant la période soviétique, l’ouvrage haut de 30 mètres et long de 3,2 km est construit en partie en béton et en terre. Il s’agit de l’une des plus grandes infrastructures de ce type en Ukraine.

• Une inondation en cours, des villages évacués

Après l’explosion du barrage qui abritait un réservoir de 18 km3, plusieurs villages ont été « complètement ou en partie » inondés et des habitants ont commencé à être évacués.

« Environ 16 000 personnes se trouvent en zone critique », a déclaré sur les réseaux sociaux Oleksandre Prokoudine, chef de l’administration militaire de la région de Kherson.

« Selon les services de secours, l’eau est montée (...) à un niveau d’entre 2 et 4 mètres ce qui ne menace pas les grandes localités » situées plus bas que le barrage le long du fleuve, a de son côté déclaré sur Telegram Andreï Alekseïenko, chef du gouvernement de la région de Kherson, installé par la Russie.

Au total, les « territoires côtiers » de 14 localités où résident « plus de 22 000 personnes » sont menacés d’inondation, a-t-il précisé. « S’il le faut, nous sommes prêts à évacuer les habitants », a assuré Andreï Alekseïenko, en soulignant toutefois que leur vie n’est pas menacée et que « la situation est entièrement sous contrôle ».

En début d’après-midi, 24 localités étaient inondées, a affirmé le ministre ukrainien de l’Intérieur, Igor Klymenko, selon qui « environ un millier » de civils ont été évacués de la zone.

Par ailleurs, « 150 tonnes d’huile moteur » se sont déversées dans le fleuve Dniepr, ont indiqué les responsables ukrainiens, mettant en garde contre un risque environnemental.

• Quels enjeux pour la centrale nucléaire de Zaporijia ?

La destruction partielle du barrage pourrait potentiellement avoir des conséquences sur la centrale nucléaire de Zaporijia, occupée par les forces russes depuis mars 2022.

Le danger de « catastrophe nucléaire » à la centrale située à 150 km de là « augmente rapidement », a ainsi averti un conseiller à la présidence ukrainienne. « Le monde se retrouve une fois de plus au bord d’une catastrophe nucléaire, car la centrale nucléaire de Zaporijjia a perdu sa source de refroidissement. Et ce danger augmente désormais rapidement », a déploré Mykhaïlo Podoliak dans un message adressé à des journalistes.

Toutefois, la direction de la centrale nucléaire a affirmé que la destruction partielle du barrage dont l’eau sert à son refroidissement ne représente pas pour autant une menace pour l’installation. « À l’heure actuelle, il n’y a pas de menace pour la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijjia. Cinq blocs sont arrêtés à froid, l’un est à “l’arrêt à chaud”. Le niveau de l’eau du bassin de refroidissement n’a pas changé », a indiqué sur Telegram le directeur, installé par l’occupation russe.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a aussi estimé qu’il n’y avait « pas de danger nucléaire immédiat ». « Les experts de l’AIEA » présents sur le site « surveillent de près la situation », a ajouté l’instance onusienne dans un tweet, alors que la centrale utilise l’eau du fleuve pour refroidir le combustible des cœurs des réacteurs.

• Zelensky sur le pied de guerre, Ukraine et Russie se renvoient la balle

« Le monde doit réagir », a lancé le président Volodymyr Zelensky à la suite de l’attaque. « La Russie est en guerre contre la vie, contre la nature, contre la civilisation », a-t-il réagi sur Telegram, accusant les Russes d’avoir « miné » le barrage avant de le faire « exploser ».

« La Russie a fait exploser une bombe, causant des dommages environnementaux massifs », a affirmé Volodymyr Zelensky, dans un discours en visioconférence aux « Neuf de Bucarest », une organisation réunissant neuf pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Otan, selon une vidéo partagée par ses services. « Il s’agit de la plus grande catastrophe environnementale causée par l’homme en Europe depuis des décennies », a-t-il poursuivi.

L’attaque a « provoqué d’importantes évacuations civiles et de graves dommages écologiques », a ajouté le représentant ukrainien Anton Korynevych devant la Cour internationale de justice, la plus haute juridiction de l’ONU. « Les actions de la Russie sont les actions d’un Etat terroriste, un agresseur », a-t-il ajouté.

De son côté, le Kremlin a dénoncé un acte de « sabotage délibéré » de Kiev. « Il s’agit sans équivoque d’un acte de sabotage délibéré de la partie ukrainienne qui a été planifié et réalisé sur ordre de Kiev », a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en disant rejeter « fermement » les accusations des autorités ukrainiennes qui en imputent la responsabilité à Moscou.

Le président du Conseil européen Charles Michel a aussi affirmé que la Russie devrait rendre des comptes après cette destruction. « Choqué par l’attaque sans précédent sur le barrage de Nova Kakhovka », a tweeté Charles Michel. « La destruction d’une infrastructure civile est clairement un crime de guerre et nous demanderons des comptes à la Russie et à ses affiliés », a-t-il ajouté.

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg s’est pour sa part dit scandalisé par l’attaque, qui « démontre une fois de plus la brutalité de la guerre menée par la Russie ».

Le Royaume-Uni a lui dénoncé l’attaque comme un « acte odieux » relevant du crime de guerre. « La destruction du barrage de Kakhovka est un acte odieux. L’attaque intentionnelle d’infrastructures exclusivement civiles est un crime de guerre. Le Royaume-Uni est prêt à soutenir l’Ukraine et les populations touchées par cette catastrophe », a tweeté le chef de la diplomatie James Cleverly.

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