La bataille contre la réforme des retraites, c'est fini? Les dernières options des opposants

La bataille contre la réforme des retraites, c'est fini? Les dernières options des opposants

Ne pas s'avouer vaincu. Après le retrait de la proposition de loi sur l'abrogation de la réforme des retraites ce jeudi, vidée de sa substance après l'activation de l'article 40 par Yaël Braun-Pivet, la bataille est-elle terminée? Pas totalement. Même si un potentiel retour à la retraite à 62 ans semble lointain et que les manifestations ne sont plus à l'ordre du jour, quelques outils restent à la disposition des opposants.

• Une motion de censure pour renverser Borne

Premier outil à la main des députés pour contrer le gouvernement: la motion de censure. La Nupes a déjà annoncé vouloir dégainer cette cartouche.

Le groupe Liot pourrait faire de même et pousser la gauche à retirer son texte pour offrir plus de chances à une motion de censure transpartisane. C'est ce qui s'était passé en mars dernier après l'activation du 49.3 sur la réforme des retraites.

Si Élisabeth Borne n'avait échappé qu'à 9 voix près au renversement de son gouvernement lors de cette tentative, le succès de cette initiative semble très improbable. Plusieurs députés LR qui avaient soutenu la motion de censure, à l'instar d'Aurélien Pradié, ont déjà prévenu qu'ils ne la soutiendraient pas cette fois-ci. "Je ne pense pas que ce soit le moment", a fait valoir l'élu de droite sur LCI mardi.

Même en cas d'adoption de la motion de censure, rien ne contraindrait Emmanuel Macron à abroger la réforme des retraites. Il pourrait même sur le papier accepter la démission de sa Première ministre avant de lui demander de se maintenir à son poste.

La situation politique serait cependant particulièrement délicate pour le président, laissant entrevoir l'impossibilité pour la macronie de parvenir à des accords à l'Assemblée nationale sur de futurs projets de loi.

• Un troisième recours devant le Conseil constitutionnel

Si la réforme des retraites a été validée par le Conseil constitutionnel tout en tant expurgée de certaines dispositions en avril, les Sages avaient souligné le "caractère inhabituel" de la procédure suivie avec la multiplication d'articles de la Constitution.

Les députés Liot veulent faire valoir que les députés n'ont pas pu voter à une seule reprise sur la retraite à 64 ans. Ce qui serait, d'après eux, contraire à l'article 24 de la Constitution selon lequel "le Parlement vote la loi".

"On n'a pas pu voter à une seule reprise sur cette réforme qui engage des générations de Français", dénonce le député Liot Olivier Serva auprès de BFMTV.com. "Je ne vois pas comment le Conseil constitutionnel pourrait dire que tout va bien."

En première lecture, le gouvernement avait dégainé l'article 47.1, limitant les temps des débats à deux semaines dans l'hémicycle. Les députés s'étaient alors arrêtés à l'article 2, loin des 20 contenus par le texte. En seconde lecture, le projet de loi avait été adopté sans vote.

Cette fois, c'est l'article 40 qui permet de juger irrecevable une proposition de loi qui grève de façon disproportionnée les finances publiques qui a été actionné, bloquant les débats sur l'abrogation du recul de l'âge légal de départ à 64 ans.

La bataille des décrets d'application

Après une quatorzième journée de grève qui a bien moins mobilisé ce mardi, les mobilisations intersyndicales dans la rue sont désormais du passé.

"C'est la dernière manifestation sur la question des retraites sur ce format-là", a expliqué le numéro 1 de la CFDT Laurent Berger, tout en voulant "continuer à porter une contestation forte sur les retraites".

Les centrales veulent désormais se concentrer sur les décrets d'application de la réforme. Plusieurs d'entre eux sont déjà sortis, des dizaines d'autres sont encore attendus et pourraient être attaqués devant le Conseil d'État.

S'il semble peu probable qu'ils soient retoqués entièrement, un succès partiel est possible. En juin 2021, l'institution avait suspendu les nouvelles règles de calcul de l'assurance chômage après un recours des syndicats.

• Une nouvelle tentative de référendum d'initiative partagée au printemps prochain

Deux référendums d'initiative partagée (RIP) déposées par la gauche ont été retoqués par le Conseil constitutionnel en avril puis en mai. Mais Laurent Escure, le secrétaire général de l'Unsa veut déposer un nouveau recours le 14 avril 2024, soit un an pile après la promulgation de la réforme des retraites.

Cela permettrait de respecter l'une des conditions fixée par la Constitution: un RIP "ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an".

Si les Sages validaient cette procédure, un long parcours du combattant commencerait alors. Les oppositions devraient d'abord s'atteler à la recherche 4,87 millions de signatures, dans un délai de neuf mois. Si ce seuil était atteint, l'abrogation de la réforme des retraites ferait son retour au Parlement.

Si le Sénat et l'Assemblée nationale ne se prononçaient pas dans les six mois, le président aurait l'obligation de la soumettre au référendum. Autant dire que la probabilité que les Français se prononcent directement sur la réforme des retraites est extrêmement mince.

La gauche avait bien tenté en 2019 de contester la privatisation d'Aéroports de Paris par ce biais, mais sans succès, faute d'avoir récolté assez de signatures.

Article original publié sur BFMTV.com