Billets de train France-Allemagne gratuits : Clément Beaune détaille le dispositif - EXCLUSIF

Clément Beaune, ministre des Transports, photographiés à Matignon au mois de décembre (illustration)
Clément Beaune, ministre des Transports, photographiés à Matignon au mois de décembre (illustration)

POLITIQUE - C’était l’une des annonces fortes du sommet organisé en janvier à l’occasion du 60e anniversaire de la signature du Traité de l’Élysée entre la France et l’Allemagne. Accompagné du chancelier Olaf Scholz, Emmanuel Macron promettait le 22 janvier dernier le « premier billet de train franco-allemand pour les jeunes ». Un dispositif annoncé pour l’été 2023, et qui devait concerner 30 000 Français et 30 000 Allemands.

Alors que la saison estivale approche à grands pas, le ministre des Transports Clément Beaune détaille en exclusivité pour Le HuffPost le fonctionnement de ce « passe », qui permettra aux intéressés de faire plusieurs destinations en Allemagne ou en France. Celui-ci sera disponible la semaine prochaine sur la plate-forme « Passe France Allemagne », et les heureux détenteurs du sésame pourront commencer à voyager dès le 1er juillet. Entretien.

Quand cette opération va-t-elle commencer ?

Dès lundi ! Accessible à tous les jeunes de 18 à 27 ans, le Passe France-Allemagne permettra à 30 000 Français de se rendre en Allemagne entre le 1er juillet et jusqu’au 31 décembre, et de bénéficier de 7 jours de voyages illimités et gratuits sur tout le réseau ferroviaire allemand. Ces 60 000 Passes France-Allemagne, 30 000 côté français et 30 000 côté allemand, seront accessibles sur la plateforme passefranceallemagne.fr. Chacun peut en faire la demande avec la logique du « premier arrivé premier servi » : dépêchez-vous ! Côté français, nous avons souhaité avoir aussi une approche sociale : 15.000 Passes seront réservés à des publics prioritaires : les étudiants boursiers ou les jeunes apprentis par exemple.

Et comment cela va-t-il fonctionner concrètement ?

Avec ce passe, chaque bénéficiaire pourra se rendre gratuitement en Allemagne et circuler librement pendant sept jours sur le réseau allemand, sur une période d’un mois. Ces jeunes pourront aller où ils le souhaitent : Berlin, Hambourg, Dresde, Munich, … Même chose pour les Allemands en France, que ce soit sur le réseau des trains régionaux ou en TGV.

Comment seront distribués ces pass aux publics prioritaires ?

Nous avons fait le choix d’allouer 15 000 de ces passes à des jeunes qui ont moins l’occasion de voyager que d’autres ou moins de moyens. Pour les étudiants boursiers, les passes seront distribués par le CNOUS, et pour les apprentis, par les centres de formation. J’ai souhaité que notre dispositif revête une forte dimension sociale. Le droit au voyage, à la découverte de l’autre et des cultures différentes devrait être un droit universel. Les heures les plus sombres de notre histoire sont nées de l’ignorance et du mépris.

Un billet unique franco-irlandais combinant bateau et train sera lancé l’an prochain

Sera-t-il possible de réserver plusieurs places pour voyager en groupe ?

Il n’y a pas d’options groupe. Si vous souhaitez voyager avec vos amis, allez vite commander votre Passe dès lundi !

L’autre annonce faite fin janvier, c’est le rétablissement du train de nuit entre Paris et Berlin. Est-ce toujours d’actualité ?

Absolument. Fin 2023, nous allons ouvrir le train de nuit Paris-Berlin, qui est très attendu et très important. Et en 2024, on aura une liaison directe de jour entre les deux capitales, à grande vitesse.

Je souhaite qu’on expérimente le billet unique dès l’an prochain

Puisqu’on parle de l’Allemagne et de la nécessité de mettre l’accent sur le ferroviaire, pourquoi ne pas instaurer en France un pass mensuel illimité comme c’est le cas là-bas ?

C’est une piste que je regarde. Il y a des exemples intéressants en Allemagne, mais aussi dans d’autres pays. On commence par des choses très concrètes, comme ce passe. C’est inédit. Un billet unique franco-irlandais, avec une offre intégrée et écologique combinant bateau et train, afin d’éviter de prendre l’avion, sera également lancé prochainement.

Par ailleurs, j’ai demandé à la SNCF de prolonger ou développer des offres TGV Max ou Ouigo Classique, ou de mettre en place des offres pour les jeunes cet été. Aujourd’hui, nos offres sont trop dispersées, avec une répartition très peu lisible entre l’État et les régions sur les TGV, les Intercités et les TER. Je souhaite que l’on avance rapidement sur une offre de billet unique, et qu’on réfléchisse avec les régions à des offres communes à des prix attractifs. Je souhaite qu’on expérimente le billet unique dès l’an prochain.

N’y a-t-il pas un sujet sur le prix du train ? Entre 2021 et 2022, les tarifs ont augmenté de 15%. Début janvier on annonçait encore 5% de hausse sur 2023 et une augmentation du même ordre est attendue en 2024… C’est devenu un moyen de transport de riches..

Le train a vocation à devenir plus compétitif par rapport à l’avion. Objectivement, si vous regardez le prix que paie l’usager en France par rapport à l’usager en Europe, on a le train le plus subventionné d’Europe, juste derrière le Luxembourg. Parce que les régions font des offres à des prix très compétitifs, comme le train à 1 euro en Occitanie ou le Passe Jeune à 29 euros en région Grand Est. C’est souvent le TGV qui tire les prix à la hausse, parce qu’on a la meilleure offre à grande vitesse d’Europe. D’ailleurs, quand on parle du passe allemand, c’est hors TGV, soit l’équivalent des TER ou des transports type Transilien ici en France. Donc en budget transport, on est compétitif par rapport à beaucoup de pays européens. Mais on peut et on doit faire mieux. Si on veut un TGV moins cher, il faudrait qu’on ait plus d’opérateurs et plus de trains. Des commandes de TGV ont été faites par la SNCF, et j’assume de mettre d’abord l’argent public dans l’achat de nouveaux trains et l’amélioration du réseau, puisque c’est là-dessus qu’on a le plus de retard.

Faire croire qu’on peut avoir des routes gratuitement est une escroquerie, et c’est totalement contraire à la transition écologique.

Reste que pour le moment, l’avion est parfois moins cher que le train…

Il faut plus de trains et plus de lignes. Quelques métropoles sont mal reliées à Paris, et du coup l’avion écrase le marché, comme sur Paris-Toulouse ou Paris-Nice. C’est pour cela qu’on construit sur ces liaisons des lignes TGV. Dans certains cas, de manière organisée, il faut aussi de la concurrence. Regardez Paris-Lyon : depuis l’arrivée de Trenitalia, vous avez plus de voyageurs et les prix ont baissé de 20%. C’est écologique, car on a plus de voyageurs qui ont voyagé pour moins cher. On voit aussi que la SNCF a gagné des clients, donc ce n’est pas au détriment du service public. À côté de ça, je suis pour que l’avion paie le vrai prix. L’avion ne paie pas de taxes sur le kérosène, ce qui induit que le coût environnemental n’est pas reflété dans le billet d’avion. Nous avons une discussion au niveau européen pour supprimer cette dérogation.

Vous avez demandé mercredi « une ristourne » aux sociétés d’autoroute pour cet été, ce que l’opposition a immédiatement décrit comme un aveu d’impuissance de votre part. Que leur répondez-vous ?

Nous devons soulager le porte-monnaie des Français et investir dans la transition écologique. À l’approche des départs en vacances, j'ai exigé des concessionnaires d’autoroutes une réduction du prix des péages pendant l’été. L’an dernier, à ma demande, elles avaient mis en place une ristourne de 10% à partir de mi-juillet. Cette année, j’ai demandé un geste fort beaucoup plus tôt, dès le premier week-end de grand départ en vacances. Cela a porté ses fruits et les sociétés autoroutières ont annoncé une ristourne deux fois plus élevée que l’été dernier. Je n’ai jamais connu un été où l’on obtient moins 20-25% sur le péage autoroutier.

Par ailleurs, on peut faire de la démagogie, mais ce n’est pas LFI qui remplit les poches des Français. J’ai entendu le député insoumis Antoine Léaument réclamer une loi, je ne suis pas sûr que ce soit le plus efficace, quand en moins de 12 heures après avoir mis la pression, les sociétés d’autoroutes se sont exécutées. C’est rapide et concret. Il y a un débat de fond sur les concessions d’autoroutes, sur ce qu’on paie, sur leur caractère public ou privé, et j’y suis ouvert. Mais faire croire qu’on peut avoir des routes gratuitement est une escroquerie, et c’est totalement contraire à la transition écologique ! Il vaut mieux faire payer l’usager de la route que le contribuable, et utiliser l’impôt pour financer le rail.

Nous sommes à un an des élections européennes, et d’aucuns disent que vous avez le profil pour être tête de liste de Renaissance… Faites-vous acte de candidature ?

Cela me flatte, mais j’ai été élu député de Paris il y a un an, et ça a été une grosse bataille personnelle et politique. Je tiens à mon engagement parisien. Après ce n’est pas une découverte, je suis très engagé pour l’Europe, et très attaché à cette cause. Vais-je m’engager, m’impliquer dans la campagne, proposer des idées et participer à des meetings ? Oui ! Je suis responsable Europe au sein de Renaissance, donc je participerai activement à cette bataille. Mais il y a différentes façons de le faire, et me concernant, je suis un parisien, élu à Paris.

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