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Castings, ateliers d'écriture... La "Shtar Academy" sort un nouvel album avec des détenus de Fresnes

Castings, ateliers d'écriture... La "Shtar Academy" sort un nouvel album avec des détenus de Fresnes

21 titres, quatre rappeurs amateurs, des grands noms du rap Français et déjà des centaines de milliers de vues sur Youtube... Le projet musical de la "Shtar Academy" (mot d'argot pour définir la prison) sort son deuxième album ce vendredi. Derrière des textes habilement ficelés: quatre détenus de la prison de Fresnes triés sur le volet par Mouloud Mansouri, fondateur de l'association Fu-Jo.

"On a commencé les castings avec une cinquantaine de volontaires. Après un freestyle et quelques entretiens, on en a sélectionné dix. Parmi eux, certains sont sortis de prison, d'autres ont été transférés vers d'autres établissements. À la fin, on en a donc gardé quatre", raconte Mouloud Mansouri à BFMTV.com.

Ateliers d'écriture et rencontres

Ce producteur de musique, passé derrière les barreaux pendant dix ans pour trafic de drogue, les a choisis pour "leur motivation et leur bonne conduite en détention", explique-t-il. Pendant plus d'un an, ils ont travaillé ensemble les mélodies, peaufiné leur prose et posé leur voix dans un studio d'enregistrement installé au sein de la prison, dans l'espace dédié à l'enseignement.

"On allait les voir deux à trois fois par semaine et on organisait des ateliers d'écritures, des rencontres avec d'autres artistes" dont certains sont présents sur l'album, comme Fianso, PLK ou encore S.Pri Noir.

Au printemps dernier, ils ont également tourné quatre clips - déjà en ligne et visionnés plusieurs centaines de milliers de fois - dans la cour, les couloirs et des cellules de la prison de Fresnes, indique à BFMTV.com Cédric Boyer, délégué du syndicat FO-Pénitentiaire de la prison de Fresnes. Lui ne voit pas d'un très bon œil cette initiative.

"On peut se demander quelle est la pertinence de ce genre d'activité dans le cadre de la réinsertion des détenus", glisse le syndicaliste.

"Kohlantess est passé par là..."

Cédric Boyer fait un parallèle avec la polémique suscitée par l'événement "Kohlantess" organisé par des associations au sein de la prison de Fresnes en juillet dernier et soutenu par le directeur de l'établissement. Ce "Koh Lanta des cités" avait enflammé les débats après la diffusion d'une vidéo sur laquelle trois équipes - détenus, surveillants et habitants de Fresnes - s'affrontaient lors d'épreuves variées: questionnaire, karting, mime ou tir à la corde au-dessus d'une piscine.

Plusieurs élus, notamment de droite et d'extrême droite, avaient vivement critiqué l'organisation de ces "activités estivales pour les détenus".

Pas de quoi destabiliser Mouloud Mansouri qui précise que l'administration pénitentiaire a validé tous leurs textes, sans censure. Il lance, amusé: "S'ils viennent polémiquer, on saura quoi leur répondre et même, les faire changer d'avis". Il concède toutefois: "On avait un cinquième clip à tourner, mais Kohlantess est passé par là, et on n'a plus le droit d'entrer dans la prison..."

Malgré quelques écueils, le producteur quadragénaire reste convaincu des vertus de son projet. Il y voit un exécutoire pour les détenus, une manière de s'occuper l'esprit entre des murs où le temps semble s'être arrêté.

C'est l'occasion "de sortir plus souvent de leur cellule, de voir du monde, d'échanger. Ils ont un meilleur rapport avec le monde extérieur, c'est primordial pour la réinsertion".

Raconter la vie en prison

Quant au public qui écoute leurs textes, souvent axés sur l'incarcération, il prend conscience des conditions de vie trop souvent délétères en prison, entre "les cafards, les rats, la bouffe dégueulasse et l’absence de soins médicaux en détention", détaille-t-il à Mediapart.

"C'est aussi une super carte de visite s'ils veulent ensuite continuer dans la musique", nous précise Mouloud Mansouri.

Ryan, l'un des quatre rappeurs de ce deuxième opus, semble bien persévérer dans cette voie. Bénéficiant depuis peu d'une libération conditionnelle, il s'est produit mercredi soir en direct dans le Planète rap de la radio Skyrock. Un accomplissement qui consacre le succès de cette initiative née huit années plus tôt entre les murs de centre pénitentiaire d'Aix-Luynes.

En 2014, Mouloud Mansouri - déjà très investi dans le milieu carcéral - y organise un festival au cours duquel des détenus se produisent sur scène. "On avait un bon groupe" constitué de Badri, Malik et Mirak, se souvient le fondateur de l'association Fu-Jo. "Je me suis dit qu'on ne pouvait pas en rester là alors j'ai cherché une maison de disques et on a pu produire le premier album", poursuit-il. Depuis, Malik et Mirak poursuivent la musique de leur côté, Badri, lui, est toujours incarcéré.

Article original publié sur BFMTV.com