Cauchemar, phobie, toc: les séquelles du confinement chez les enfants

Six semaines de confinement, des mois sans aller en classe et une situation sanitaire angoissante: pour certains enfants, la crise du covid-19 a laissé des séquelles.

Cauchemars à répétition, colères, phobie sociale, agoraphobie ou encore apparition de tocs: après six semaines de confinement, plusieurs mois de crise sanitaire et - pour un grand nombre d'entre eux - un trimestre sans aller à l'école, certains enfants conservent des séquelles psychologiques de la crise du coronavirus.

Phobie et lavage des mains

Emily, une petite fille scolarisée à Paris en classe de CM1, assure avoir "encore peur du coronavirus". "Ils font encore la pub: 'attention, le coronavirus est toujours là'", raconte-t-elle sur notre antenne. Des messages inquiétants auxquels elle n'était peut-être pas préparée.

Sa mère regrette ainsi d'avoir exposé sa fille à des images et des informations qui ont laissé des traces dans l'esprit de la fillette. "On aurait peut-être dû moins regarder la télévision et lui expliquer différemment, remarque Sabine Brulé sur notre antenne. C'est peut-être ça qui l'a aussi touchée, de voir des gens hospitalisés."

Un cas qui n'est pas isolé. Le pédopsychiatre Serge Hefez reçoit de plus en plus d'appels de parents inquiets. "Il y a des enfants qui ont développé une véritable phobie par rapport au risque de contamination, qui se lavent les mains 18 fois par jour", explique-t-il sur notre antenne.

"Il ne veut plus sortir de chez lui"

Imane Adimi, psychologue clinicienne et psychothérapeute, évoque le cas d'un petit garçon de CM2 devenu agoraphobe. "Il ne veut plus sortir de chez lui, raconte-t-elle à BFMTV.com. Que ce soit pour faire les courses ou simplement pour sortir les poubelles." Avant le confinement, l'enfant ne se montrait pourtant pas particulièrement hygiéniste et ne souffrait d'aucune phobie.

"J'ai reçu son père en consultation, mais lui pas encore. Je ne l'ai eu qu'au téléphone. Son père a essayé des petites sorties progressives, notamment pour jouer au ballon, ou pour un repas en famille, mais ça n'a pas marché. L'enfant me dit que quand il y a trop de monde, ça l'inquiète et ça l'angoisse."

Pour cette professionnelle, il est possible que ces enfants particulièrement anxieux aient été un peu trop confrontés aux informations concernant la crise sanitaire. La répétition des messages de prévention, ajouté aux bilans quotidiens du nombre de victimes sans compter les images de patients en réanimation, elle craint que ces enfants n'aient été choqués et incapables de prendre du recul.

"Les enfants sont des éponges, ajoute Imane Adimi. Si en plus les parents sont angoissés, ça devient très anxiogène pour eux."

Colère, irritabilité, problème de sommeil

C'est bien là le nœud du problème, estime Jean-Luc Aubert, psychologue spécialiste des enfants et auteur de la chaîne Youtube Questions de psy. "C'est souvent le ou les parents qui transmettent les peurs", pointe-t-il pour BFMTV.com.

Pour ce psychologue, la répétition de certains signes, comme des colères, un enfant plus irritable ou plus agressif, des problèmes de sommeil ou d'endormissement, des cauchemars même non liés au coronavirus ou des régressions du type énurésie nocturne, doivent appeler à la vigilance.

"Le souci avec les enfants, c'est que si les symptômes somatiques se manifestent, ils n'expriment pas à l'oral leur anxiété comme les adultes. Cela pose la question de l'interprétation de ces symptômes avec le risque pour les parents de ne pas les voir et de passer à côté."

Rassurer sans minimiser

Et selon Jean-Luc Aubert, si les parents peuvent transmettre les angoisses "par contagion", ils peuvent tout autant sécuriser l'enfant. "Un enfant sera d'autant plus rassuré si son parent l'est. S'il relativise, l'enfant abordera les choses avec plus de sérénité." C'est également le point de vue d'Imane Adimi.

"On peut tenter de rassurer l'enfant en lui faisant part des nouvelles positives, des patients qui guérissent, des enfants qui sont beaucoup moins touchés sans toutefois minimiser ses craintes qui sont légitimes dans cette période inédite."

En ce qui concerne le petit garçon que cette psychologue accompagne, il a récemment accepter d'aller acheter le pain. "On lui a promis qu'il pourrait s'offrir un gâteau pour l'occasion, ça l'a motivé et c'était une première victoire." Prochaine étape: le faire participer à un accompagnement scolaire organisé par le centre social de sa ville avec deux autres copains.

La rupture avec l'école et la collectivité

Plusieurs études du CNRS sont en cours pour évaluer l'impact du confinement sur les enfants. L'une s’intéresse aux effets de la crise sanitaire sur ceux de moins de 6 ans, l'autre se penche sur les effets de cette période sur l’acquisition du langage entre 8 et 36 mois. Ce que craint le plus la psychologue et psychothérapeute Imane Adimi, c'est la rupture avec l'école.

"On ne peut pas laisser les enfants livrés à eux-même, 95% de ceux que je suis à Paris et en Seine-Saint-Denis ne sont pas retournés en classe depuis le déconfinement. On est en train de préparer une génération de sédentaire."

Au mois de mai, si plus de 80% des écoles primaires et maternelles ont été rouvertes, elles n'ont accueilli que 22% des écoliers français. Au collège, ce sont 28% des collégiens de 6e et 5e qui ont pu retourner en classe. Pour Serge Hefez, il ne faut pas attendre septembre pour retisser un lien social. "Il faut y aller petit à petit. Il y a peut-être des choses que ces enfants apprécient: le sport, la musique en collectivité, un ou deux copains privilégiés qu'ils vont être très contents de retrouver."

Quant au risque de voir se développer les phobies scolaires à la rentrée, il est minime, juge Jean-Luc Aubert. Même s'il craint que ces presque six mois sans école ne causent "des soucis de réadapatation" pour les enfants "les plus en délicatesse" avec l'école.

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Article original publié sur BFMTV.com

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