« Chacun sa chambre, chacun ses courses : la colocation amoureuse m’a sauvée de la charge mentale »

« Je me demande comment font les autres couples. Sans cette organisation particulière, comment on ferait pour continuer à se faire plaisir et à se plaire ?  »
« Je me demande comment font les autres couples. Sans cette organisation particulière, comment on ferait pour continuer à se faire plaisir et à se plaire ? »

TÉMOIGNAGE - J’ai toujours eu du mal à m’imaginer dans un couple classique. Adolescente, je disais à ma mère « Quand je serai grande, je serai mariée mais chacun aura sa propre maison » - et c’était très sérieux ! Mais, en parallèle de cette envie d’indépendance, j’ai aussi intériorisé très tôt qu’être une femme, c’était vivre pour les autres, s’occuper de sa famille, de ses amis, et surtout, des hommes. Alors, il y a cinq ans, quand j’ai rencontré Béranger et que nous nous sommes mis en couple, puis installés ensemble, ces automatismes ont refait surface.

Je me suis rapidement retrouvée sous une pression énorme : plus ou moins consciemment, j’avais intégré qu’être en couple avec un homme voulait dire s’occuper de tout. En plus de ma vie professionnelle, il fallait gérer les tâches domestiques, faire les courses et la cuisine, le satisfaire affectivement et sexuellement, le soutenir et l’aider psychologiquement…

Dans mon couple, la charge mentale m’étouffait

J’ai tenu à ce rythme pendant trois ou quatre ans, pendant lesquels j’avais l’impression de faire ce que tout le monde faisait. On s’aime, on est un couple qui avance ensemble, c’est à cela que ça doit ressembler, non ? Pourtant, la situation est devenue de plus en plus lourde à porter. J’avais le sentiment d’en faire toujours trop, et qu’il m’en demandait toujours plus. Je n’avais plus de temps pour moi, de passion « à moi » ou d’espace. En bref, je me sacrifiais tout entière.

Globalement, je ne respirais plus sous toute cette charge mentale. Pour survivre à la fois en tant qu’individu, mais aussi en tant que couple, j’ai commencé à remettre en question le modèle sur lequel nous vivions tous les deux et à chercher à réinventer les règles de cette norme du couple hétérosexuel en ménage. Entre autres, en réinventant complètement notre manière de vivre : ensemble, nous avons mis en place ce que nous appelons affectueusement notre « colocation amoureuse ».

La colocation amoureuse, mode d’emploi

Nous avons commencé par déménager, et par trouver une maison dans lequel nous aurions une chambre chacun. C’était le premier principe de notre nouveau mode de vie et une étape importante dans le fait de me retrouver ! Avoir un espace juste à moi, dans lequel je serai obligée de me mettre au centre, c’était important. Et puis, j’étais ravie d’avoir mon lit à moi. Dormir à deux toutes les nuits pendant des décennies, je ne vois pas comment c’est possible !

Ensuite, en fonction de nos discussions et de nos envies, nous avons progressivement établi de nouvelles règles. D’abord, chacun fait ce qu’il veut au sein de sa chambre : l’autre n’a rien à en dire, c’est notre espace à nous et on le gère comme on veut ! Ensuite, on ne rentre pas dans la chambre de l’autre sans son autorisation, on respecte cet espace d’individualité.

Pour les pièces communes, sur lesquelles se jouait une grande partie de cette charge domestique et mentale qui m’avait tant pesé, nous avons établi un planning avec deux pièces par semaine à gérer chacun, et un roulement le dimanche. Si ce jour-là, on constate qu’une partie du ménage n’est pas faite, celui qui a manqué à ses obligations doit mettre 10 € dans une tirelire à « amendes » qui sert à financer des sorties à deux. Bien sûr, on se fait confiance. Personne ne surveille l’autre, et dans les semaines où l’un de nous deux est surchargé et que l’autre a plus de temps, on en discute et on s’arrange. Le but, ce n’est pas d’avoir un cadre de vie trop rigide.

Côté cuisine, chacun fait ses propres courses et cuisine pour lui seul. Nous mangeons souvent séparément. En gros, notre principe est simple : si tu as besoin de quelque chose pour toi, tu t’en occupes !

Une « semaine de couple » chaque mois

Nous fonctionnons sur ce rythme très indépendant sans se rendre de comptes pendant trois semaines. Puis, une semaine par mois, nous faisons une « semaine de couple » où notre organisation change. Ces jours-là, nous faisons notre planning quotidien à deux : on cuisine ensemble, on se balade, on fait des soirées skincare devant une série, on dîne au restaurant… Chaque mois, durant cette semaine, on organise aussi à tour de rôle une grosse sortie pensée pour faire plaisir à l’autre.

Ce sont des moments très précieux, lors desquels on se laisse beaucoup plus de temps pour tout. On flâne ensemble, on se regarde et on s’écoute avec attention et on apprécie vraiment la présence de l’autre plutôt que de se laisser aller à un quotidien mécanique. Parce que le reste du temps, quand on passe 40 heures par semaine à travailler et qu’en plus il faut faire le ménage, la cuisine, et répondre à ses impératifs, c’est épuisant ! Je me demande souvent comment font les autres couples. Si on n’avait pas cette organisation particulière, comment on ferait pour continuer à se faire plaisir et à se plaire ?

Ces règles ont aussi changé la donne d’un point de vue charnel : notre vie sexuelle est bien plus épanouie depuis la colocation amoureuse ! J’ai souvent l’impression que la passion de nos débuts est de retour. Inviter l’autre dans sa chambre ou à dîner alors qu’on vit ensemble, je trouve ça très sexy.

Faire chambre à part m’a aidée à me retrouver

Cette organisation séparée n’a pas été simple tout de suite, bien au contraire. J’ai dû apprendre à me faire violence et à ne pas retomber dans certaines mauvaises habitudes, à arrêter de vouloir faire les choses à sa place même si « ça irait plus vite » et à accepter qu’il allait apprendre. Pour mon conjoint, c’est la solitude qui a été plus difficile à gérer les premiers temps, il a dû apprendre à apprécier sa propre compagnie.

Petit à petit, nous avons chacun trouvé beaucoup de force dans cette organisation et dans la solitude. Bérenger a trouvé qui il était et ce qu’il aimait, il s’est affirmé. Moi, j’ai retrouvé du temps pour prendre soin de moi, retrouver mes passions et réapprendre à m’aimer. Nous nous sentons plus libres aussi, parce que nous créons ensemble l’univers dans lequel nous voulons vivre et ses règles, qui nous permettent de nous épanouir aussi bien ensemble que séparément. On s’est donné les moyens de vivre selon nos critères, sans essayer de reproduire ce que faisaient les autres et pour nous, ça fonctionne très bien !

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