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Charles Leclerc, un talent brut programmé pour gagner

FORMULE 1 – A Bahreïn, Charles Leclerc a signé la première pole de sa carrière, pour son deuxième Grand Prix avec Ferrari, confirmant ainsi les espoirs placés en lui. Lui que les tifosi imaginent un jour champion du monde avec le Cheval cabré

En ce samedi 30 mars au soir, les étoiles brillaient au-dessus du circuit de Sakhir. Mais l’une d’elle avait sûrement plus d’intensité que les autres. De là-haut, nul doute que Jules Bianchi venait d’assister à l’exploit de son “petit” protégé avec une immense fierté. Car ce dimanche, c’est bien Charles Leclerc, 21 ans et seulement une course avec Ferrari au compteur, qui s’installera sur la pole position de la grille du Grand Prix de Bahreïn.

Un talent pressé

Le Monégasque signe là la première pole position de sa jeune carrière. Une carrière à l’image de sa qualification : réalisée pied au plancher. Il n’est encore qu’un gamin lorsqu’il découvre les joies du sport auto. Il s’essaie au karting en 2005, sur le circuit de Brignoles géré par Philippe Bianchi, le père de Jules. Des débuts plus que réussis car dès sa première saison en championnat régional (PACA) de MiniKart, il décroche le titre avec 15 victoires à son actif. Rebelote l’année suivante. Son passage chez les minimes est également un succès avec les titres de vice-champion régional puis national.

En 2010, il s’attaque au monde en faisant notamment ses gammes sur la piste de South Garda, la Mecque du karting internationale. Trois ans plus tard, il s’y imposera malgré un matériel peu fiable, face entre autre à un Max Verstappen plus aguerri. S’il remporte en 2011 la coupe du monde, tout a bien failli s’arrêter là pour lui, faute de financement. Mais Jules Bianchi, son ami, a vu le potentiel du gamin et appelle son manager Nicolas Todt pour l’aider à réaliser son rêve. Car depuis que, gosse, il a aperçu pour la première fois une voiture rouge en action alors qu’il jouait sur le balcon d’un ami lors du Grand Prix de Monaco, Charles Leclerc ne rêve que d’une chose – enfin de deux choses : piloter une Formule 1 floquée du Cheval cabré et décrocher le titre mondial sous les couleurs de Ferrari.

Sous la protection du fils de Jean Todt, il grimpe les échelons. ART Grand Prix le retient en 2016 pour la saison de GP3 Series. Un choix judicieux car le jeune pilote décroche le titre avec 25 points d’avance. Son aisance au volant, sa pointe de vitesse et son rythme impressionnant en course lui ouvre les portes de la Formule 2 la saison suivante, où là encore, il s’impose à l’issue du championnat avec une facilité déconcertante. Suffisant pour décrocher à seulement 20 ans un volant de titulaire en Formule 1.

En 2016, Charles Leclerc s’impose à Silvsertone en Formule 3.
En 2016, Charles Leclerc s’impose à Silvsertone en Formule 3.

Essere Ferrari

Après une saison plus que réussie chez Sauber Alfa Romeo sous les ordres de Frederic Vasseur, Charles Leclerc obtient sa titularisation chez Ferrari. Sentant le potentiel de son nouveau poulain – et donc le risque d’affrontement entre ses pilotes -, Mattia Binotto avait prévenu avant l’entame de la saison. Si les circonstances l’exigeaient durant les premières courses, la priorité serait donnée à Sebastian Vettel. Quadruple champion du monde oblige. Obéissant et dévoué à Ferrari, le Monégasque a opiné du chef, expliquant que la position de boss était parfaitement compréhensible. Ainsi, à Melbourne, lorsqu’il lui fut demandé de lever le pied et de ne pas attaquer Vettel, il obtempéra sans rechigner.

Mais derrière la gentillesse se cache un pilote déterminé. Ainsi, il a rapidement fait savoir, avant même l’ouverture de la saison, qu’il n’avait pas rejoint Ferrari pour jouer les porteurs d’eau à son illustre coéquipier, et qu’il jouerait sa propre partition dès qu’il aurait trouvé ses marques. Une ambition parfaitement comprise par Binotto, qui ne souhaite qu’une chose : voir triompher sa Scuderia, peu importe l’identité du pilote, au fond.

Car en cette année 2019, ramener le titre mondial à Maranello revêt une importance toute particulière pour les Rouges. Il faut d’abord faire oublier l’exercice 2018, où les lauriers étaient finalement restés du côté de Woking, la faute à un Vettel fébrile en fin de saison et à plusieurs erreurs stratégiques et managériales chez Ferrari. Alors que le Cheval cabré promet depuis plusieurs saisons son retour en haut du classement, les tifosis s’impatientent. D’autant que cette année, les amoureux de la Scuderia célèbrent les 90 ans de l’écurie, quand Enzo Ferrari fonda sa propre équipe pour faire courir des Alfa Romeo en 1929.

Pour l’état-major italien, il convient donc de ramener le titre à la maison. Et si les dirigeants de Ferrari étaient prêts à laisser quelques courses à Leclerc pour gagner en performance, le jeune homme n’aura donc pas eu besoin de roulage. Un plus pour Ferrari qui pourra donc compter tout de suite sur ses deux pilotes. Mais une pression supplémentaire pour Charles qui devra répondre aux attentes de tout un peuple.

Sur les traces de Jules Bianchi

Pas de quoi toutefois faire peur à Charles Leclerc, qui a fait du mental une force au cours des dernières années. “La pression s’intensifie au fil des saisons mais je crois avoir une mentalité qui, au cours de ces trois ou quatre dernières années, m’a beaucoup aidé en me permettant de faire abstraction des attentes autour de moi, confiait-il en début de saison à Sport Auto. Faire le vide, ça n’a pas toujours été facile au début, mais je pense avoir trouvé la bonne réponse. Les événements qui m’ont malheureusement frappé au cours des dernières années m’ont aussi fait beaucoup grandir en tant que personne. Ça m’a endurci et fait prendre une certaine distance avec les choses.

Il faut dire que la vie n’a pas épargné le jeune homme de 21 ans. Le 17 juillet 2015, il perdait son ami, son mentor, son “grand frère”, Jules Bianchi, décédé des suites des blessures de son accident survenu lors du Grand Prix du Japon neuf mois plus tôt. “Son expérience était énorme. Il était mon idole, un pilote et un homme qui m’inspirait“, expliquait le Monégasque l’an dernier Auto Hebdo.

Deux ans plus tard, alors qu’il mène le championnat de Formule 2, il perd son père, Hervé, son premier fan. ” Papa, Je t’aime… Merci pour tout. Tu vas nous manquer. Jules sera super content de te retrouver. 1963-2017″, publie-t-il sur Twitter. Malgré la douleur, il impressionne le monde du sport auto en s’alignant deux jours plus tard au Grand Prix d’Azerbaïdjan, où il signe la pole et remporte la première course du week-end. “La plus grande réussite de ma carrière“, dira-t-il.

De ces blessures, il tire sa force. Alors forcément, quand il rejoint Ferrari, c’est à ces deux hommes qu’il pense en premier. C’est à eux aussi qu’il dédie sa première pole position. Son père, qui ne l’aura jamais vu se glisser dans une de ces monoplaces rouges dont il rêvait étant enfant. Son mentor qui aurait dû enfiler avant lui la combinaison de la Scuderia pour décrocher les étoiles. À plusieurs reprises, le natif de Monaco a expliqué qu’il comptait bien réussir à Maranello pour lui, mais également pour réaliser ce que Jules Bianchi aurait dû accomplir si le Destin n’en avait pas décidé autrement. Une mission que le gamin méditerranéen s’est confié.

Symbole d’avenir

Dans cette quête de victoire chez les Rouges, il sait qu’il pourra compter sur le soutien des tifosi qui lui vouent déjà un amour inconditionnel. Bien que plus réservé que Jean Alesi, Charles Leclerc bénéficie du même capital sympathie de l’autre côté des Alpes. Il faut dire que comme tout Monégasque qui se respecte, le jeune premier parle l’italien depuis l’enfance. Et maîtriser la langue de Dante vous offre toujours une place à part dans le coeur des tifosi.

Sa pointe de vitesse et son habileté derrière un volant ont fini de séduire les supporters du Cheval cabré, qui voient en lui le futur champion de la Scuderia. Car c’est bien cela que représente Charles Leclerc : l’avenir. Ferrari l’a bien compris en rompant avec sa tradition et en le titularisant si vite. La Scuderia n’a que très rarement confié les commandes de ses monoplaces à des pilotes avec si peu d’expérience de la F1. Et alors que pour les tifosi, Sebastian Vettel porte la responsabilité de l’échec de 2018, Charles Leclerc incarne déjà les espoirs de tout un peuple. Sa pole position dès son deuxième Grand Prix avec Ferrari a confirmé ces attentes. Mais comme il l’a rappelé lui-même après cette qualification d’anthologie, les points se marquent le dimanche et la moitié du boulot reste à accomplir. Mais quelque soit le résultat de la course à Bahreïn, le gamin de Monaco a déjà marqué les esprits et prévenu son voisin de garage : il faudra compter avec lui cette année.