TOUT COMPRENDRE. Regain de tensions entre la France et certains pays musulmans sur les caricatures

Deux personnes manifestent contre Macron et la France au Koweït, samedi 24 octobre 2020 - AFP - BFMTV
Deux personnes manifestent contre Macron et la France au Koweït, samedi 24 octobre 2020 - AFP - BFMTV

"Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins." Les déclarations d'Emmanuel Macron, prononcées mercredi lors de l'hommage au professeur Samuel Paty, ont déclenché des manifestations et des appels au boycott dans des pays musulmans. Cet enseignant a été tué, après avoir montré dans un cours sur la liberté d'expression, les caricatures du prophète Mahomet de la revue satirique Charlie Hebdo.

"Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d'autres reculent, nous offrirons toutes les chances que la République doit à toute sa jeunesse sans discrimination aucune", avait déclaré le président français.

L'Organisation de coopération islamique, qui réunit les pays musulmans, a déploré vendredi "les propos de certains responsables français (...) susceptibles de nuire aux relations franco-musulmanes". Dans la foulée, la Turquie, l'Iran, la Jordanie ou encore le Koweït ont dénoncé les publications des caricatures du Prophète.

• Erdogan s'en prend à Macron

Samedi, la situation a dégénéré sur le plan diplomatique entre Ankara et Paris, à la suite de déclarations tenues par le président turc Recep Tayyip Erdogan à l'encontre d'Emmanuel Macron.

"Tout ce qu'on peut dire d'un chef d'État qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c'est: allez d'abord faire des examens de santé mentale", a déclaré Recep Tayyip Erdogan, dans un discours télévisé. "Macron a besoin de se faire soigner", a-t-il affirmé, ajoutant également: "Quel problème a l'individu nommé Macron avec l'Islam et avec les musulmans ?".

L'Élysée a dénoncé des propos "inacceptables" dès samedi. "La France note par ailleurs l'absence de messages de condoléances et de soutien du Président turc après l'assassinat de Samuel Paty", a poursuit la présidence. Le courroux français s'est traduit par le rappel immédiat de l'ambassadeur de France à Ankara.

• Manifestations en Israël

En Israël, un rassemblement a débuté samedi après la prière du soir à Jaffa, ville en grande partie arabe jouxtant la métropole Tel-Aviv. Environ 200 personnes sont allées manifester devant la résidence de l'ambassadeur de France pour dénoncer les propos d'Emmanuel Macron sur les caricatures du prophète Mahomet.

Le prophète "est la chose la plus sacrée dans l'islam et celui qui atteint son honneur, atteint tout un peuple", a déclaré à la foule Amin Bukhari, un manifestant accusant le président français de faire le jeu de "l'extrême droite".

Ce rassemblement devant l'ambassade s'est ensuite dispersé sans incident, selon l'Agence France-Presse (AFP). Dans la bande de Gaza, d'autres manifestants ont brûlé des photos du président français.

• Boycotts de supermarchés au Koweït et au Qatar

Sur les réseaux sociaux, les appels au boycott de produits français se sont multipliés depuis vendredi, à travers les hashtags en arabe. En Jordanie, le Front d'action islamique, un parti d'opposition, a appelé les citoyens à boycotter les produits français. Au Qatar, les chaînes de distribution Al-Meera et Souq al-Baladi ont ainsi annoncé qu'elles "retireraient" les produits français des magasins jusqu'à nouvel ordre.

Au Koweït, des images montrant les fromages Kiri et Babybel retirés des rayons de certains magasins ont été relayées sur les réseaux sociaux. Une soixantaine de sociétés coopératives, qui sont de grands distributeurs au Koweït, ont annoncé un boycott des produits français, a précisé à l'AFP le vice-président de la Fédération des coopératives, Khaled al-Otaibi.

"Nous avons retiré tous les produits français, à savoir les fromages, crèmes et cosmétiques des rayons et les avons restitués aux agents agréés de ces marques au Koweït", a-t-il expliqué.

• De précédentes manifesations contre les caricatures

Des caricatures du prophète Mahomet ont déjà, et à plusieurs reprises déclenché des tollés à l'étranger, dans des États musulmans. En 2015, quelques jours après les attentats meurtriers qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo, 800.000 personnes avaient manifesté à Grozny, capitale de la Tchétchénie, contre la publication de caricatures.

Plus récemment, des manifestations ont eu lieu au Pakistan ou encore en Turquie, contre des caricatures du prophète publiées début septembre par cette même revue. Un appel au boycott des produits français avait également été lancé.

Article original publié sur BFMTV.com