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Le coprésident de l'ONG Memorial devant la justice russe accusé de "discréditer" l'armée

Le procès de l'un des responsables de l'ONG Memorial, Oleg Orlov, accusé d'avoir "discrédité" l'armée russe et qui risque jusqu'à cinq ans de prison, s'est ouvert jeudi à Moscou, un nouvel épisode de la répression des voix critiques de l'offensive russe en Ukraine.

Figure de Memorial, co-lauréate du prix Nobel de la paix, M. Orlov, 70 ans, qui a critiqué à plusieurs reprises l'opération russe sur le territoire ukrainien, rejette toutes les accusations le visant.

Peu avant le début de l'audience, le défenseur des droits humains, vêtu d'une veste et chemise bleues, s'est montré confiant devant la presse couvrant son procès. "Tout ira bien", a assuré cet homme aux cheveux gris, en souriant.

"Je suis un défenseur des droits humains, j'ai eu affaire pendant de longues années avec des violations des droits humains et des normes du droit humanitaire dans la zone du conflit (...). Cela oblige", a déclaré Oleg Orlov à l'AFP à la veille de son procès.

"Quelqu'un pourrait se dire qu'il vaut mieux se taire. Mais toute ma vie et ma position m'ont toujours obligé et m'obligent à ne pas me taire", a-t-il souligné.

M. Orlov est accusé d'"a**ctivités publiques visant à discréditer" les forces armées russes**, un article du code pénal utilisé contre les détracteurs du conflit en Ukraine - un texte répressif qui a récemment encore été durci.

De nombreuses personnalités et anonymes russes ont été incarcérés sur ce motif.

"Je serai condamné, personne n'en doute"

M. Orlov, qui qualifie d'"idiotes" les poursuites le visant, se voit notamment reprocher d'avoir manifesté en solitaire contre l'offensive russe en Ukraine et d'avoir fait publier un article critique des autorités russes, intitulé "Ils voulaient le fascisme, ils l'ont eu".

"Je serai condamné, personne n'en doute. Sera-ce une condamnation sévère ? Il y a des points de vue selon lesquels il faut s'attendre à des peines de prison réelles", a assuré à l'AFP Oleg Orlov, à la veille de l'audience.

Son procès fait suite à l'ouverture début mars d'une affaire pour "réhabilitation du nazisme" contre Memorial.

D'après Memorial, les autorités l'accusent d'avoir inclus dans sa liste des victimes des répressions soviétiques les noms de trois personnes qui auraient été condamnées pour "trahison" ou collaboration avec le régime nazi. L'ONG qualifie ces poursuites d'absurdes.

Fondée en 1989, l'ONG Memorial a documenté pendant plus de 30 ans les crimes de l'URSS, en rassemblant des archives, en montant des expositions et en faisant pression sur l'Etat pour qu'il reconnaisse sa responsabilité.

En parallèle, elle a lutté pour la défense des victimes de violations des droits humains à travers la Russie, en particulier dans le Caucase.

Fin 2021, la justice russe a ordonné sa dissolution, alors que le régime de Vladimir Poutine accentuait la répression des voix critiques, quelques semaines avant l'attaque contre l'Ukraine.

En octobre dernier, Memorial s'était vu décerner le prix Nobel de la Paix, aux côtés du Centre ukrainien pour les libertés civiles (CCL) et du militant bélarusse Ales Beliatski, emprisonné dans son pays.

"Dans les conditions actuelles, il est d'autant plus important pour l'avenir de la Russie et pour son présent que le monde puisse entendre une voix en provenance de Russie", dit M. Orlov.

"Ma voix en provenance de Russie se fait entendre beaucoup mieux grâce à ces poursuites pénales", estime-t-il.