Coronavirus: faut-il fermer les écoles après les vacances de la Toussaint?

La reprise des cours dans une école de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, le 14 mai 2020 (photo d'illustration)  - Martin Bureau-AFP
La reprise des cours dans une école de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, le 14 mai 2020 (photo d'illustration) - Martin Bureau-AFP

C'est une petite chanson que l'on entend de plus en plus ces jours-ci. Pour tenter d'endiguer la reprise du coronavirus en France, des voix s'élèvent pour fermer les écoles après les vacances de la Toussaint.

Fin septembre, Jean-Michel Blanquer affirmait que "l'école n'était pas le nid du virus". Pourtant, 814 clusters en milieu scolaire et universitaire étaient comptabilisés par Santé Publique France au 15 octobre, soit le deuxième lieu de foyers de contaminations après les entreprises. Surtout, les épidémiologistes s'inquiètent que les plus jeunes contaminent les plus âgées, particulièrement vulnérables face au Covid-19. Mais l'expérience du dernier confinement inquiète les professeurs quant à la faisabilité de faire l'école à la maison.

"Un risque majeur"

Pour Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l'Institut de santé globale de l'université de Genève, les écoles représentent désormais "un risque majeur" pour la circulation du virus. À notre antenne, il recommande de ne pas rouvrir les établissements scolaires après la Toussaint:

"Il ne faudrait pas que les écoles rouvrent à la rentrée des vacances de la Toussaint, en tout cas les écoles secondaires et les universités dans leur enseignement en présentiel. Par ailleurs, les écoles primaires pourraient rester ouvertes mais devraient imposer le port du masque même aux enfants de plus de six ans", estime-t-il.

C'est l'option qui a été choisie en Belgique francophone. Pour tenter de freiner l'épidémie, les autorités ont prévenu dimanche soir les collèges et lycées qu'ils devraient organiser les cours en ligne à compter de mercredi pour trois jours. Cela concerne 360.000 élèves.

Mais de l'autre côté des Ardennes, les réticences sont nombreuses. "On appelle le plus longtemps possible au maintien des cours en présentiel", affirme à BFMTV Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du Syndicat des personnels de direction de l'Éducation nationale (SNDPEN), tout en reconnaissant "une accélération du nombre de cas positifs dans les établissements" en octobre.

Effets dévastateurs

Le souvenir de l'école à la maison au printemps dernier n'a pas laissé de bons souvenirs aux enseignants: "On a perdu en qualité", "des écarts se sont creusés entre des élèves qui ont pu suivre les cours à distance et ceux qui n'ont pas pu le faire", explique-t-il.

"Il faut déjà voir ce que le couvre-feu va faire sur le flux de patients arrivant aux urgences et en réanimation", poursuit à notre antenne Frédéric Adnet, chef du service d'urgences-SAMU-SMUR à l'hôpital Avicenne de Bobigny, affirmant que les effets seront visibles "ces jours-ci".

Pour ce praticien de Seine-Saint-Denis, la fermeture des écoles aurait des effets devastateurs à long terme, avec un "coup sociétal" important:

"Ça veut dire que les enfants n'ont plus de cantine, ca veut dire que les parents devront rester à domicile et ne plus travailler. L'appauvrissement que cela va entraîner, les dégâts économiques, ça va aussi se payer en santé publique car il y a le Covid certes, mais il y a toutes les autres pathologies", prévient-il. Pour lui, renouer avec la fermeture des établissements scolaires est à éviter à tout prix.

Des solutions médianes écartées trop vite?

Le Syndicat national des Lycées, collèges, école et du supérieur regrette surtout la politique du gouvernement, qui a fermé la porte ces dernières semaines à des alternatives:

" Ça fait un mois qu'on avertit le ministère et qu'on demande la mise en place du plan de continuité pédagogique dans tous les départements à risque. A minima, dans des situations où l'on enseigne à demi-classe afin de limiter le brassage et permettre la distanciation physique dans nos établissements. Ca fait un mois qu'on parle dans le vide", déplore sur notre antenne son président, Jean-Rémi Girard.

Pour lui cette solution médiane aurait dû être mise en place dès le début du mois d'octobre: "On aurait pu et probablement du mettre en place afin d'éviter d'avoir des solutions plus drastiques auxquelles on va peut-être finir par arriver."

" Ça ne marche pas"

A une semaine de la reprise des cours, les professeurs ne sont pas prêts à recommencer l'enseignement à distance.

"Il faut trouver des locaux, du matériel informatique, des encadrants également pour que ces élèves puissent travailler à distance mais pas chez eux car on sait très bien que pour beaucoup ce n'est pas possible, ça ne marche pas", insiste Jean-Rémi Girard.

Un avis partagé par Bruno Bobkiewicz, du SNDPEN:

"Il faut nous laisser un peu de temps pour organiser tout ça. On l'avait difficilement vécu au mois de mars. Là, on est un peu plus prêts mais ça ne se fait pas en claquant des doigts", conclut-il.

Article original publié sur BFMTV.com