"Un déferlement de violence": à Niort, six SDF jugés pour meurtre, viol, torture et acte de barbarie

Vue des dossiers d'un magistrat réalisée le 10 décembre 2007 à la cour d'Assises de Lyon (PHOTO D'ILLUSTRATION). - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP
Vue des dossiers d'un magistrat réalisée le 10 décembre 2007 à la cour d'Assises de Lyon (PHOTO D'ILLUSTRATION). - JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Rarement la cour d'assises de Niort n'aura eu à juger des faits d'une telle cruauté. À partir de ce lundi et pour trois semaines, six hommes sans domicile fixe comparaissent pour meurtre, viol, torture et acte de barbarie commis sur quatre individus entre avril et juillet 2016 dans le centre-ville de Niort (Deux-Sèvres). Dans ce sordide huis-clos entretenu par l’alcool et les dettes, ces marginaux sont accusés d'avoir fait subir les pires sévices à d'anciens compagnons de rue.

Thierry N., présenté comme le "big boss"

Au printemps 2016, Gilbert R., la soixantaine, arrive à Niort après 17 années de rue dans son Hérault natal et à travers le Limousin. Celui qui a toutes les épreuves de sa vie tatouées sur son corps est plutôt du genre solitaire. Mais "Bébert" rencontre "des SDF grégaires qui font la manche devant une supérette. Il se greffe au groupe pour aller squatter un appartement", explique à BFMTV.com son avocat, Me Lionel Bethune de Moro.

L’un des jeunes, Thierry N., exige de la future victime, Vincent Papet, qu'il lui rembourse l’argent qu'il lui doit. Très vite, le ton monte. En quelques minutes, "Bébert" assiste à "un déferlement de violences", selon son avocat.

Thierry N., Loan M., Loïc C. et Pascal G. s’en prennent à Vincent Papet. Il est frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance, à mains nues puis à l’aide d’une guitare électrique et d'une pelle de chantier. Gilbert R. donne "trois coups" à la victime, sous la contrainte, dit-il, de Thierry N., présenté comme le "big boss". Tandis que Vincent Papet est ligoté et déshabillé, les agresseurs lui urinent dessus et procèdent aux pires humiliations.

Le sans-abri héraultais profite d'une sortie de réapprovisionnement d'alcool pour prendre la fuite. Une dizaine de jours plus tard, il franchit les portes du commissariat de Nantes et narre aux fonctionnaires la soirée d'horreur à laquelle il a participé. Dans l'appartement niortais, la police découvre un cadavre gisant dans la baignoire, avec pas moins de 70 plaies, dont 18 au crâne. Mais les fonctionnaires ne sont pas au bout de leur peine.

Sur un terrain vague, des fragments humains

Interpellés et placés en garde à vue, Loan M. et Thierry N. détaillent la suite des sévices infligés au corps inanimé.

"Couper un morceau d'oreille (...) et le donner à manger au chien", le violer "avec le goulot d’une bouteille de vin mousseux", décrivent-ils aux enquêteurs. Et Vincent Papet n’est pas la seule victime.

Sur un terrain vague, la police découvre sous un amas de terre "plusieurs fragments humains dont une cuisse droite, une jambe gauche, un bras gauche, un tronc puis une tête." Il s’agit de Pascal Hardy, locataire de l’appartement squatté. Après de nouvelles fouilles, ils déterrent "un second corps démembré en cinq parties." Voici Malik Yazazaine, âgé de 18 ans.

Pour le premier comme le second, les médecins légistes concluent à la présence de plaies multiples réalisées avec des objets contondants. Certains coups ont été "portés du vivant, d’autres postérieurement à la mort". Dans les deux cas, des traces de sévices sont également observées sur les parties génitales.

Le périple des enquêteurs marque un ultime arrêt dans un immeuble du centre-ville de Niort frappé d’un arrêté de péril. Dans une cave, un cadavre en décomposition avancée, celui de Damien Porcher, est découvert sous des déchets. Là encore, de nombreuses légions traumatiques sont constatées, avec notamment un orteil sectionné "après le décès".

Un "sadisme considérable"

Les quatre compagnons d’infortune reconnaissent les faits devant les enquêteurs, ajoutant toutefois avoir agi à des degrés divers, souvent moindres que celui de Thierry N., que chacun présente comme le "maître à tous". Deux autres individus sont également interpellés pour leur participation à au moins l’un des meurtres. L'un s’est suicidé en 2019.

Le parcours chaotique des accusés en dit beaucoup sur cette population mise à l’écart de la société. L’un est issu d’une fratrie de dix enfants, dont seul un frère a les mêmes parents. La mère d’un autre s’est donné la mort, le laissant seul avec un père violent. Tandis que plusieurs évoquent des consommations de stupéfiants et d’alcool, la plupart sont connus des autorités pour des faits de vols ou de violences.

Le casier judiciaire le plus lourd est attribué à "Bébert", avec 18 condamnations dont l’une pour viol sur personne vulnérable. Son avocat espère tout de même que la cour sera clémente face à son client qui a permis l’interpellation des tortionnaires présumés. L’avocat assure par ailleurs que les parties civiles lui en sont "reconnaissantes".

Mis à part un retard mental significatif constaté chez Loïc C., aucun ne souffre de problèmes mentaux majeurs. Lors de l’expertise psychiatrique de Thierry N. il a toutefois été noté "une absence complète d’empathie et un sadisme considérable".

Article original publié sur BFMTV.com