Déforestation : l’UE interdit l’importation de produits y ayant contribué, comme le cacao et le soja

A trucks drives carrying timber along the BR-230 (Transamazonica) highway in Manicoré, Amazonas state, Brazil on September 22, 2022. (Photo by MICHAEL DANTAS / AFP)
MICHAEL DANTAS / AFP A trucks drives carrying timber along the BR-230 (Transamazonica) highway in Manicoré, Amazonas state, Brazil on September 22, 2022. (Photo by MICHAEL DANTAS / AFP)

CONSOMMATION - Boire son café avec l’assurance de ne pas contribuer à la disparition de forêts à l’autre bout du monde : l’UE a scellé ce mardi 6 décembre un accord sans équivalent à ce jour pour interdire l’importation de produits s’ils contribuent à la déforestation.

Le cacao, le café, le soja, mais aussi l’huile de palme, le bois, la viande bovine et le caoutchouc sont concernés, ainsi que plusieurs matières associées (cuir, ameublement, papier imprimé, charbon de bois...), selon cet accord conclu à l’issue de longues tractations entre le Parlement européen et les États membres de l’UE.

« Il s’agit d’une première dans le monde ! C’est le café du petit-déjeuner, le chocolat que nous mangeons, le charbon dans nos barbecues, le papier de nos livres. C’est radical », s’est félicité Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement européen.

À l’origine de 16 % de la déforestation mondiale par le biais de ses importations (majoritairement de soja et huile de palme, chiffre de 2017), l’UE est le deuxième destructeur de forêts tropicales derrière la Chine, selon l’ONG WWF.

L’importation dans l’UE sera interdite si ces produits sont issus de terres déboisées après décembre 2020. Les entreprises importatrices, responsables de leur chaîne d’approvisionnement, devront prouver la traçabilité via des données de géolocalisation des cultures, qui pourront être associées à des photos satellitaires.

L’extension aux savanes en suspens

Le texte avait été proposé en novembre 2021 par la Commission européenne, et repris dans ses grandes lignes par les États. Mais les eurodéputés avaient voté en septembre pour le renforcer significativement, en élargissant la gamme de produits concernés, en particulier au caoutchouc, absent de la proposition initiale.

Le Parlement européen avait aussi réclamé d’étendre le champ du texte à d’autres écosystèmes boisés menacés, comme la savane du Cerrado (Brésil/Paraguay/Bolivie), dont provient une grande partie des importations européennes de soja. L’accord trouvé entre eurodéputés et États stipule finalement que cette extension « à d’autres terres boisées » devra être envisagée au plus tard un an après l’entrée en vigueur du texte.

De même, après deux ans, la Commission est tenue d’étudier une possible extension à d’autres produits (comme le maïs, que les eurodéputés voulaient cibler dès maintenant), à d’autres écosystèmes riches en stockage de carbone et en biodiversité (tourbières...), mais aussi au secteur financier, une autre demande forte du Parlement.

L’UE pourrait ainsi envisager d’obliger les institutions financières à refuser des services financiers ou des crédits si ces derniers risquent d’être associés à des activités de déforestation.

Des garanties pour protéger les droits des peuples autochtones

En revanche, « nous avons obtenu une définition beaucoup plus robuste de la dégradation des forêts » pour couvrir l’ensemble des forêts, et non pas seulement les forêts primaires, a observé Christophe Hansen (PPE, droite), négociateur pour le Parlement.

De même, contrairement à la proposition initiale, le texte inclut « des garanties pour protéger les droits des peuples autochtones, nos meilleurs alliés contre la déforestation », a-t-il fait valoir.

Les importateurs devront « vérifier la conformité avec la législation du pays de production en matière de droits de l’homme, et s’assurer que les droits des populations autochtones ont été respectés ».

Une avancée majeure, mais avec des failles

À l’orée de la COP15 biodiversité à Montréal, la décision de l’UE « non seulement change les règles du jeu de la consommation en Europe, mais créé une incitation énorme pour les autres pays à changer leurs pratiques », a salué Anke Schulmeister-Oldenhove, de WWF.

Elle salue les règles de mise en œuvre : au moins 9 % des volumes importés depuis les pays où le risque de déforestation est élevé devront être contrôlés (seulement 1 % pour ceux où le risque est le plus faible), et les amendes, calculées selon les dommages environnementaux, pourront atteindre jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel total dans l’UE.

Pour autant, le texte est « imparfait », insiste-t-elle, notant l’absence des savanes, « ce qui ferait une immense différence pour des écosystèmes en danger permanent », et une définition de la déforestation limitée à « la conversion » en terres cultivées, sans inclure tous les dommages au sein d’aires forestées.

« Qu’on ne se trompe pas, c’est une avancée majeure (...) Mais les gouvernements européens devraient avoir honte de laisser des failles », a abondé John Hyland, de Greenpeace, jugeant que les peuples autochtones ne recevaient qu’une protection « très précaire » puisque s’appuyant sur le droit local, inégal selon les pays.

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