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Denis Bouanga: "Pour le prochain Mondial, il faut s’attendre à ce que les rues américaines soient pleines"

Denis Bouanga, passer de Saint-Etienne à Los Angeles, on peut dire que tu as changé de monde.

C’est vraiment une nouvelle vie. Tout est disproportionné ici, en arrivant j’étais totalement perdu. Mais j’avais ma femme et des amis et on a réussi à se créer notre nouvelle vie. Le temps ici… ça ne bouge pas. La chaleur est toujours présente, la nuit comme le jour, il faut s’y faire. J’ai aussi été impressionné par les "homeless". Il y a beaucoup de sans-abris, de tentes sur les routes et beaucoup de bouchons. En fait, c’est dix fois Paris.

En vivant à Los Angeles on doit forcément faire un choix: Lakers ou Clippers?

Oh, je préfère aller voir les deux équipes (rires). Mon enfance fait que je m’entends plus avec les Lakers pour Kobe Bryant et les autres grandes stars.

Un lien s’opère-t-il entre les différentes franchises d’une même ville?

Quand je suis arrivé on a eu beaucoup d’invitations car on avait gagné la MLS. Les Lakers, les Clippers (basket), les Rams (football américain) nous ont sollicité. On a eu la chance de voir les différents joueurs qui regardaient le trophée qu’on venait de remporter. Jamais je n’aurais pensé vivre ça un jour. Le jour de la rencontre avec les Lakers, LeBron James n’était pas là, il était blessé. Mais je suis retourné voir un de ses matchs avec ma femme et mes enfants.

Tu arrives en MLS et remporte le titre quelques semaines plus tard, c’est assez particulier!

C’est vrai que je suis vraiment arrivé sur la fin de saison donc je ne me sentais pas trop à ma place. J’étais surtout content pour mes coéquipiers. Après, c’était aussi le début d’une nouvelle ère. Je me suis concentré sur les play-offs, c’est là que j’ai vraiment commencé à jouer pour Los Angeles et c’était magnifique. (Il inscrit deux des trois buts lors du quart de finale remporté 3-2 dans le derby face au Galaxy).

Quelles ont été les raisons qui t’ont poussé à traverser l’Atlantique?

J’ai beaucoup hésité car j’avais beaucoup d’opportunités, en France comme en Allemagne. Mais je ne sentais pas qu’ils me voulaient absolument contrairement à Los Angeles. Ici, le Président et l’entraîneur m’appelaient à des heures tardives chez eux (9h de décalage entre Los Angeles et Paris). Ils me prouvaient qu’ils avaient vraiment envie que je vienne. J’ai pesé le pour et le contre avec ma famille et j’ai fait ce choix que je ne regrette pas.

Vivre une aventure en MLS à 28 ans. Tu le vois comme un aboutissement ou un nouveau tremplin?

Je le vois comme un championnat tremplin et pas de fin de carrière. Il y a ici beaucoup de bons joueurs. La MLS est peut-être encore peu regardé mais au fur et à mesure, je suis persuadé que ça deviendra un très bon championnat, que beaucoup de joueurs rejoindront ensuite l’Europe. Je pense que j’ai encore la capacité pour jouer en Europe mais quoi qu’il arrive, où que j’aille, je me donnerai à 100%.

Ressens-tu un enthousiasme particulier à l’approche d’accueillir la prochaine Coupe du Monde?

Ce n’est toujours pas le sport numéro un mais le soccer commence à être de plus en plus aimé, à entrer dans de plus en plus de têtes. Il y a de bonnes ambiances dans les stades à commencer par le nôtre. Je pensais qu’il n’y allait pas avoir beaucoup de supporteurs en arrivant vu que ce n’est pas le sport phare. Et bien je me suis trompé, j’aime trop jouer à domicile. En CONCACAF, on a joué au Costa Rica et l’ambiance était vraiment pas mal. Je suis pressé de découvrir d’autres stades parce que beaucoup de personnes suivent le soccer désormais. L’entraineur adjoint de mon club, qui parle français, est persuadé que l’engouement va devenir de plus en plus fort. Le fait que la Coupe du Monde se passe dans trois pays différents, ça va vraiment être le feu. Il faut s’attendre à ce que les rues soient pleines. Ils sont nombreux à n’attendre que ça, impatients de voir comment se déroule une Coupe du Monde. Un ami est loueur de voiture à Los Angeles. Il m’a dit que beaucoup d’étrangers commençaient déjà à se renseigner pour louer des voitures et aller dans les stades.

Il y a quelques jours, tu as connu une journée particulière. Deux matchs en presque 24h et plus de 16 000 kilomètres entre une rencontre qualificative pour la CAN avec ta sélection, le Gabon, et une rencontre de MLS sous le maillot de LAFC...

C’était interminable. La sélection et le club s’étaient mis d’accord pour qu’en cas de victoire face au Soudan, je rentre à Los Angeles. On gagne 1-0 et c’est là que le périple commence. Je fais 6h50 d’avion jusqu’en Turquie, j’attends 6h30 à l’aéroport d’Istanbul avant de prendre le prochain vol pour Los Angeles. Le vol a duré treize heures, j’ai dormi dix heures et le reste je l’ai passé sur Netflix. J’ai mis le Wi-fi sur le téléphone et je recevais beaucoup de messages dont un du coach et de son adjoint. Ils m’ont demandé si j’étais prêt à jouer vingt minutes (contre Dallas) à mon arrivée. Quand il s’agit de jouer au foot, je dis toujours oui. J’ai atterri à 17h15, je suis arrivé au stade à 17h46 et à 17h52 je devais sortir m’échauffer donc j’ai été rapide pour m’habiller. Après une mi-temps et vingt minutes (ndlr 65e) je suis rentré et j’ai donné la victoire à mon équipe (ndlr 84e, 2-1). C’était magnifique. Je me suis dit que j’avais passé une journée incroyable et qu’il fallait que je donne tout pour la terminer sur une victoire. C’est un but qui est venu au bon moment. Quand on me dit ici que je suis un malade, que beaucoup de personnes seraient rentrées chez elles, ça me fait chaud au cœur.

Comprends-tu que les supporteurs gabonais aient mal pris ton départ? D’autant plus que la sélection s’incline au retour.

Je le comprends et je l’ai dit, je suis vraiment désolé. Il n’y a pas à me remettre en question par rapport au pays car les gens qui me connaissent savent très bien l’attachement que j’ai pour le Gabon. Je comprends la déception surtout après la défaite mais il faudra batailler au prochain tour et je serai là et je donnerai le maximum pour cette qualification.

Ce match face à Dallas était un moyen de plus pour bien s’adapter même si tu sembles t’être rapidement fait à la MLS et au Los Angeles FC.

Oui je me suis bien adapté. L’équipe me met vraiment en valeur. Il y a des anciens, des jeunes, c’est très homogène. Je pense qu’on peut faire le back-to-back et remporter d’autres trophées ici. On a aussi les nfrastructures pour. C’est top ici, il y a des machines que je n’ai jamais vu en Europe, que je découvre. Il y a beaucoup de travail en salle, je pense qu’ils sont vraiment en avance sur ce point.

T’es-tu fixé un objectif comptable?

De but non, j’essaie d’être décisif à chaque match, de marquer ou faire marquer. Ici, c’est vraiment ouvert. Les équipes jouent sans pression vu qu’il n’y a pas de descente. Donc elles s’ouvrent de plus en plus. Plus le match avance, plus ça crée d’espaces. J’essaie de m’y engouffrer.

En partant de France, tu as laissé un Saint-Etienne en deuxième division…

J’y pense toujours. Ce n’est pas dans ma nature de faire descendre une équipe telle que l’AS Saint-Etienne. Je me sentais vraiment bien là-bas, c’est pour cela que j’y suis resté trois ans malgré des opportunités. Je voulais vraiment oublier cette descente, j’étais touché pour la ville qui pue le football, pour les supporteurs. Je comprends ces supporters qui voulaient des explications, parfois plus que des explications et ça pouvait devenir dangereux. Cette descente m’a suivi un bon bout de temps car je ne suis pas parti de suite. J’ai joué un match de Ligue 2 et je me suis fait expulser, j’avais toujours une haine en moi d’avoir fait descendre le club. L’arrivée de Pascal Dupraz m’avait remis sur des bons rails mais ç’a été malheureux pendant quelques mois après la descente.

Es-tu inquiet pour ton ancien club ?

Je le suis toujours. J’ai encore des amis là-bas et c’est un club auquel je resterai attaché… même si je fais partie de ceux qui ont fait descendre le club. J’espère qu’ils remonteront, je les vois dans une bonne passe. J’espère, comme a dit le coach Laurent Batlles, qu’ils mettront Niort à dix points (interview réalisée vendredi)

Bien avant Saint-Etienne tu es passé par Lorient ou Régis Le Bris était directeur du centre de formation. Il a prolongé cette semaine jusqu’en 2027 comme numéro un. Es-tu surpris de le voir endosser ce nouveau costume?

Non, c’est un coach avec beaucoup de valeurs, un coach vraiment intelligent. Dans chaque équipe qu’il a entraînée, il a fait progresser un paquet de joueurs. Je me suis entraîné sous ses ordres et on voyait qu’il avait la capacité d’entraîner en Ligue 1 tout comme Franck Haise qui lui m’a lancé dans le grand bain. Il est différent des autres dans sa manière de communiquer avec chaque joueur, ses joueurs sont comme ses enfants, il est là pour tout le monde et c’est ce qui fait un groupe. Je continue de suivre aussi les résultats de Lorient et je pense que le Président Loïc Ferry a eu raison de le prolonger jusqu’en 2027 car il fait tellement de bonnes choses. Grâce à lui, la ville de Lorient aussi pue le foot.

Article original publié sur RMC Sport