Didier Drogba, voici pourquoi nous t’avons tant aimé

À 40 ans, Didier Drogba vient de raccrocher les crampons d’une carrière exceptionnelle marquée par des titres et beaucoup de buts. Durant son parcours, l’Ivoirien aura croisé la route de l’OM pour une histoire d’amour extraordinaire qui n’a duré qu’un an. Retour sur cette année folle.

Cher Didier,

J’étais abonné au Virage Sud du Stade Vélodrome lorsque tu as porté ce merveilleux maillot bleu et blanc. Grâce à toi, j’ai vécu des moments inoubliables gravés à jamais dans ma mémoire, et pour cela j’avais envie d’écrire un mot pour t’en remercier.

(Je vais séquencer mon propos en plusieurs paragraphes, cela fait très scolaire ou journalistique mais ne te formalise pas, c’est simplement pour mieux organiser mes idées.)

Un niveau footballistique stratosphérique

Un footballeur est surtout jugé et aimé pour ses performances, c’est logique. Les tiennes à l’OM sont absolument folles : 32 buts toutes compétitions confondues. Cela peut paraitre dérisoire à une époque où certains dépassent les 50 buts sur une saison, mais il y a 15 ans c’était une véritable performance.

Pourtant, je dois t’avouer quelque chose. Tout avait moyennement commencé entre toi et moi. Au début de saison, la star, pour moi, c’est Mido. Et c’est lui qui réussit le mieux ses débuts (il marque dès la 2ème journée, avant toi). Mon père souhaite m’offrir le maillot de l’OM, je choisis alors le flocage « MIDO 9 ». Terrible erreur. Dans la foulée, tu ne vas plus t’arrêter. Comment oublier ce premier but contre Sochaux, ton visage souriant, tes tresses plaquées… Au stade, on a tous senti la même chose : c’est le début d’une grande histoire.

Le futur nous as donné raison, tes performances sortaient du lot, elles éclaboussaient à la face de l’Europe. Les plus grands comme Mourinho n’avaient d’yeux que pour toi. Chaque match était un « Show Drogba ». Cette célébration en glissant sur les genoux, ce but à Montpellier, ce doublé contre Newcastle… La devise du club “Droit au but” prenait tout son sens avec toi. J’ai rarement vu un joueur qui paraissait autant inarrêtable. Et c’était encore plus fort car tu semblais seul sur le terrain.

Un homme seul qui amène son équipe en finale européenne

Ce qu’il faut bien comprendre lorsqu’on évoque ton passage à l’OM et tout l’amour qu’il s’en dégage, c’est que tu évoluais dans une équipe assez moyenne. J’ai énormément de respect pour beaucoup de joueurs de cette époque, la plupart étaient de véritables guerriers. Mais tu étais tellement au-dessus du lot ! La tactique était simple, claire, limpide, efficace : « passez la balle à Didier et il s’occupe du reste. ».

Je suis resté plusieurs saisons abonné, jamais je n’ai ressenti cette dépendance pour un seul homme à part quelques années plus tard avec Marcelo Bielsa. Les gens ne venaient plus voir l’OM, ils venaient voir Didier Drogba ! Barthez est une légende, mais il était en fin de carrière, Beye est un super défenseur, Meriem un technicien, etc… Mais ils n’avaient pas ton talent, ni ton aura.

Alex Ferguson a déclaré un jour : « donnez-moi 10 bouts de bois et Zinedine Zidane et je gagnerais la Ligue des Champions ».
Toi, avec 10 bouts de bois, tu es arrivé jusqu’en finale de la Coupe UEFA. Et attention, pas en éliminant des petites équipes mais excusez du peu : l’Inter, Liverpool, et Newcastle. Voilà pourquoi les gens t’ont aimé, parce que tu leur as apporté ce qu’ils cherchent : du rêve !

En championnat, nous n’avions que peu d’occasions de vibrer. Mais à chaque fois que nous vibrions, cela venait de toi. Notre seule satisfaction, ce fut le parcours en coupe d’Europe, et encore une fois c’était grâce à toi. Voilà pourquoi il y a eu une véritable adoration pour toi, car tu étais celui qui nous as donné du bonheur. Je mets au défi n’importe quel supporter de n’importe quelle équipe de ne pas tomber amoureux d’un joueur comme toi. C’est impossible.

Un joueur qui respecte les supporters et partagent tout avec eux

Si tu as tant été aimé, c’est aussi parce que tu es tombé amoureux de nous. Tu n’as cessé de le répéter mais tu n’as pas fait que ça. Parce que dire « je t’aime », c’est facile et c’est donné à tout le monde. Mais le montrer, c’est difficile. Toi, tu nous l’as montré comme peu d’autres joueurs l’ont fait.

Je ne peux pas oublier le chant à ta gloire que nous chantions pratiquement durant 90 minutes (j’exagère je suis marseillais). Je ne peux pas oublier tes remerciements auprès des virages, plusieurs minutes après le coup de sifflet final. Je ne peux pas oublier ton « c’est ça l’OM » après un but à Lille. Je ne peux rien oublier, car je l’ai vécu de près. Et car je l’ai que trop rarement vécu par la suite.

Les anciens sont la mémoire de notre club, quand ils parlent on les écoute. Je suis allé en interroger un à ton sujet, il fait partie des membres fondateurs du CU84. Une pointure, il en a vu des légendes, je peux te le dire. Voici ce qu’il dit sur toi :

Didier Drogba fait partie d’une catégorie à part de grands attaquants passés par l’OM : Papin, Boksic, Anderson (ceux que nous avons connus vus du stade). Ils ont été capables de soulever la passion, les cœurs et les chants du virage. Même si son passage a été bref, Drogba a conquis les virages par une attitude, une conduite de balle, une puissance alliée à une technique et une capacité à perforer l’équipe adverse. C’est ce joueur-là que l’on veut retenir, celui qui faisait résonner dans le ciel marseillais l’inoubliable Didier Drogba LALALALALAAAAAA !

Ce qui est dingue avec toi Didier, c’est que lorsque les gens qui ont vécu comme moi ton passage à l’OM parlent de toi, on a l’impression qu’ils évoquent un joueur qui est resté 5 ans et qui a gagné des titres. Mais tu n’es resté qu’un an. Et tu n’as rien gagné.

Tu es parti mais tu n’es jamais revenu

Je vais encore te raconter quelque chose Didier. Je suis un amoureux de l’OM, à ce titre je ne porte que le maillot de mon club et jamais celui d’un autre club. Quand tu es parti, l’amour était encore tellement fort que j’ai acheté le maillot de Chelsea, manches longues, le away noir. Avec ton nom floqué derrière. C’est ma preuve d’amour, et tu peux croire qu’elle a de la valeur !

Durant des années, j’ai continué à t’aimer car je savais que tu reviendrais. Mais, au fil du temps, tu m’as déçu comme l’on est déçu par une petite amie, puis par une ex. Mon amour a pris de la distance pour laisser place à de l’indifférence. Je sais, c’est fort mais c’est aussi à la hauteur de l’amour que je te portais.

Tu aurais pu revenir, ne nous raconte pas d’histoires car même si elles sont vraies, nous ne les croirons pas. Maintenant c’est du passé, et au final, c’est peut-être mieux que tu ne sois pas revenu. Tu laisses au moins une trace indélébile, magnifique, marquante. Et unique.

Bonne route Didier. Et encore merci pour cette saison inoubliable.

LinoTreize