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Edito - L'arbitre, ce grand muet


Karim Abed, l’arbitre de PSG – Rennes
Karim Abed, l’arbitre de PSG – Rennes

Il aura donc fallu en arriver là. Une erreur de jugement d’une grossièreté insondable pour, qu’enfin, un arbitre de L1 ose (ou puisse) s’exprimer sur un fait de jeu. Hélas, le mea culpa de M. Abed suite à son erreur lors de PSG-Rennes restera très certainement l’exception qui confirme la règle. Car pour connaître un peu les arcanes de l’arbitrage français, on peut affirmer sans grand risque de se tromper que cette déclaration à l’AFP intervenue au lendemain du fiasco a été ordonnée en très haut lieu, histoire d’éteindre au plus vite une polémique devenue virale. Une polémique qui, une fois de plus, aura alimenter le débat sur la faiblesse des arbitres français.

Une faiblesse indiscutable si l’on se fit au « palmarès » récent de la DTA (Direction Technique de l’Arbitrage) : depuis vingt-quatre ans aucun arbitre français n’a dirigé un match du dernier carré de Coupe du monde. C’était en… 1994 avec le talentueux Joël Quiniou au sifflet. Tous ceux qui l’ont côtoyé vous le diront, Quiniou était un homme de dialogue. Comme Michel Vautrot peu avant lui. Coïncidence troublante, Vautrot a également dirigé une demie de Mondial (en 1990) et même une finale de C1 (1986). Depuis, l’arbitrage français a donc sombré et s’est refermé sur lui-même. A moins que ce ne soit l’inverse…

Sans même parler du fantasque et fantastique M. Wurtz des années 80, la comparaison entre les arbitres actuels et leurs prédécesseurs dans l’attitude est sans appel. La plupart des référents du jeu sont désormais hautains et/ou austères. Fonctionnant en vase-clos et dans un système quasi-féodal, ils forment une caste à part et se sont exclus du spectacle. Un comble au moment où l’importance de leurs décisions n’a jamais porté tant d’enjeux. Pour résumer ce fonctionnement, l’ancien arbitre, Tony Chapron, confiait récemment dans L’Equipe : “Quand tu es arbitre (en France), tu te tais et tu es contraint de tout accepter.”

Une chape de plomb voulue par la DTA qui peut, ainsi à sa guise, commander son petit monde. L’omerta est donc totale. Jamais un arbitre n’a droit à la parole. Là encore un comble, dans un sport où la communication est devenue capitale. Car rêvons un peu et imaginons une Ligue 1 où à la mi-temps ou en fin de match, l’arbitre prendrait 30 secondes pour expliquer, si besoin, ses décisions et même, soyons fous, reconnaître ses erreurs. Une hérésie ? Et pourquoi donc ? Les joueurs, les entraîneurs, les présidents le font bien et analysent, à peine le match terminé, leurs performances mais l’un des principaux acteurs du spectacle, lui, devrait rester muet… Troublant mais c’est en tout cas la règle officieuse, quitte à se planquer derrière des excuses douteuses comme lorsque M. Abed explique ce dimanche “avoir besoin de souffler” quand le directeur sportif du PSG lui demande des explications sur sa décision irrationnelle. Pauvre chose.

Le mal est donc profond et double. Car au-delà du débat sur leurs aptitudes techniques, ce refus de communiquer des arbitres français (pendant ou après le match) contribue pour beaucoup à la détérioration de leur image. On ne compte plus les joueurs étrangers débarquant en Ligue 1 et fustigeant leur autoritarisme. En vain, leur parole n’est pas entendue : pensez-vous ! Nous, les Français en football de clubs, on n’a pas de leçon à recevoir de l’étranger… Peut-être mais pendant ce temps-là, l’arbitrage tricolore coule en silence, ajoutant ainsi un fardeau de plus à une Ligue 1 déjà bien embarrassée pour demeurer compétitive face à ses rivaux européens.