Édito PSG - Laissons Kylian Mbappé s’énerver !

Trois jours après sa moue boudeuse face à Nantes, Kylian Mbappé est de nouveau sorti frustré face à Montpellier. Une attitude critiquée, mais qui dénote surtout un mental de champion.

Il serait présomptueux de dire que l’on connait toutes les facettes de Kylian Mbappé, mais à force d’éplucher chaque jour les faits et gestes de l’attaquant, l’Hexagone commence à bien cerner le quotidien dans lequel le prodige navigue. Le plus difficile avec les champions aussi précoces, c’est qu’ils fascinent aussi vite qu’ils déçoivent, c’est qu’ils suscitent autant le fantasme que la critique exacerbée, parce qu’on attend beaucoup de leur talent. Parce que quand on revendique un tel statut, il faut forcément l’assumer. Et qu’en France, c’est un secret de Polichinelle que de dire que le succès comme les ambitions, c’est mieux quand on ne les verbalise pas.

« Je sens que c'est peut-être le moment d'avoir plus de responsabilités », réclamait le prodige la saison dernière, lors des Trophées UNFP, comme un pavé dans la mare. Il faut dire que personne ne s’attendait à voir le petit chouchou des Français, à la communication rafraichissante, tomber dans le seau de l’arrogance. C’est en tout cas comme ça que la plupart des observateurs ont vécu sa prise de parole, avant que ce dernier ne fasse lui-même un mea culpa, teinté d’une volonté réaffirmée de prendre plus d’ampleur dans la capitale : « Je m'excuse sans m'excuser car je le pensais aussi, je veux gagner des titres dans mon intérêt et celui du PSG ».

Il faut dire que l’intéressé avait porté son équipe à bout de crampons une partie de la saison, et avait même dû endosser seul la responsabilité d’un échec européen alors qu’il était orphelin de ses compères d’attaque. Pour certains, il était donc logique qu’il réclame les responsabilités qui lui incombaient. Pour d’autres, c’était le début des festivités médiatiques d’un jeune espoir qui avait déjà les yeux plus gros que le ventre. Pourtant, Mbappé n’avait caché ce trait de sa personnalité, cette envie débordante de débarquer dans la chronologie du foot sans frapper à la porte. C'est ce qui le définit. C'est le sens de sa carrière, de sa vie.

Reste que Mbappé grandit, et son appétit aussi. Le voir demander plus, chercher à gagner plus, et parfois même jouer un peu trop les solistes, fera forcément partie de son apprentissage. Mbappé a encore beaucoup à apprendre, sur le rectangle vert et en dehors. Mais nul ne peut lui reprocher l’envie démesurée de le faire.

Alors oui, cette saison, à mesure que les convoitises pleuvent sur lui, que les attentes grandissent et que les critiques s’abattent sur son jeu, logique aussi que Mbappé réclame du temps de parole pour répondre. Et la réponse se passe sur le terrain.

Cette saison, il suffit de voir quand le n°7 en fait « trop » pour comprendre. Blessé un mois en septembre, l’ancien monégasque avait ensuite enchainé une phase de reprise, se contentant de bouts de match à trois reprises… Avant de faire une entrée en jeu fracassante face à Bruges, pour sublimer la dernière demi-heure jusque-là morose des Parisiens. Résultat, un triplé lumineux, une passe décisive et de nouvelles déclarations : « Je voulais rentrer et montrer que c’était compliqué de se passer de moi. J’adore jouer au foot, c’est une passion, deux mois sans joueur au football c’est très douloureux. Je veux jouer tous les matchs et marquer des buts ».

De la frustration de ne pas avoir commencé, de la fierté d'avoir planté des pions importants : rien de bien méchant, en soit, et une réaction logique pour un joueur qui prétend à mieux que cirer le banc de touche. Mais de ce match-là, beaucoup ont davantage retenu l’insolence des mots que les filets qui tremblent.

D’ailleurs, depuis les propos un brin réducteur de Michel Platini, il faudrait être aveugle pour ne pas s’être rendu compte que Mbappé déploie tout un attirail technique sur le terrain pour tenter de répondre, sans grand succès. Le natif de Bondy n’est peut-être pas au mieux de sa forme, tout simplement, et ces tentatives maladroites ou désespérées de se montrer ne le servent pas toujours.

Face à Nantes en milieu de semaine et ce samedi face à Montpellier, le champion du monde est resté dans cette même démarche : avaler les records, enchaîner les matches et scorer à tout prix. Forcément, quand Thomas Tuchel le prive de la dernière part de gâteau, et même s’il en a déjà dévoré les trois quarts, Mbappé sort de table frustré et encore affamé.

« Kylian ne veut jamais sortir, c’est normal. C’était la 90e minute. C’est oublié. On doit respecter Choupo. Il mérite aussi de jouer », a d’ailleurs minimisé le coach après la rencontre.

Alors il y a deux manières de voir ces épisodes de frustration étalée sur la place publique. On peut considérer que Kylian Mbappé est encore un enfant qui fait son caprice le long du banc de touche. Où l’on peut comprendre que c’est dans la nature profonde d’un champion d’exiger toujours plus envers lui-même. Réclamer des responsabilités, ambitionner d’être incontournable dans son équipe, et ne jamais vouloir sortir du terrain : est-ce vraiment sujet à critique ? Ou doit-on voir que ces jours-là, Mbappé soulevait le trophée de meilleur joueur de son championnat, qu’il avait inscrit un triplé, ou qu’il était impliqué dans trois buts en deux matches consécutifs ?

Cette semaine encore, son attitude désinvolte et sa « chute » dans le classement Ballon d’Or ont fait couler beaucoup d’encre. Mais personne ne semblait enclin à rappeler que l’attaquant de 20 ans a éclos il y a seulement trois ans au niveau professionnel et qu’il a déjà squatté à trois reprises le top 10 des meilleurs joueurs du monde. Et si le prisme des récompenses et de la statistique ne résume pas le joueur qu’il est, son caractère le fait.

Agaçons-nous de ce qu’il produit sur le terrain, pas de ce qu’il transpire en dehors. Jugeons-le sur ses performances, pas sur son esprit décomplexé de compétiteur... Qui doit apprendre à se gérer.

N’en déplaise aux allergiques aux success-stories, Kylian Mbappé ne se contentera jamais d’autre chose que de la réussite. Ça ne veut pas dire qu’il a raison de bouder, ça ne veut pas dire qu’il sera un jour parfait, et encore moins qu’il n’a plus rien à prouver. Non, ça veut simplement dire que Mbappé place la barre très haut. Qu’à la manière dont il chasse les records de précocité, il n’est pas présomptueux d’avoir plus d’ambition que la moyenne, mais qu’il n’attendra justement aucun traitement de faveur. À lui aussi, peut-être, de régler un peu mieux le curseur pour que l’image n’entache pas le joueur.

Ça tombe bien, on l’attend déjà au tournant… Sur le terrain, et nulle part ailleurs.