Une enseignante de SVT menacée après avoir utilisé une photo de Soprano dans un cours sur l'évolution

Le rappeur Soprano lors d'une séance photo à Paris, le 18 novembre 2021 - JOEL SAGET © 2019 AFP
Le rappeur Soprano lors d'une séance photo à Paris, le 18 novembre 2021 - JOEL SAGET © 2019 AFP

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Elle souhaitait intéresser ses élèves, des élèves qui, un jour, s'étaient plaint que seul l'homme blanc soit représenté dans les documents utilisés pour enseigner la théorie de l'évolution. Pour répondre à cette critique, cette enseignante de 34 ans, affectée dans un collège de Trappes dans les Yvelines, avait décidé d'utiliser une photo du chanteur Soprano pour illustrer ses cours sur la place de l'Homme à ses élèves de 3e.

L'Australopithecus afarensis, l'Homo habilis, l'Homo erectus, ou encore l'Homo neanderthal pour arriver à l'Homo sapiens, l'homme, "l'homme moderne". Sur le document de la professeure, chaque espèce est associée à un visage. A celui de l'homme moderne, il y a la photo de Soprano. Selon ses déclarations, il lui arrive également d'utiliser le visage d'autre personnalité, comme l'actrice Josiane Balasko.

Un post Facebook

Mais ce 8 décembre 2020, comme le révèle Le Parisien, une collégienne ne retient que le visage du rappeur marseillais, un chanteur noir, d'origine comorienne, et y voit une comparaison raciste. Deux mois plus tard, c'est son père qui publie sur Facebook le document du cours avec comme message:

"Y a rien qui vous choque. Ma fille elle m'a dit papa c pas normal en cours de SVT (...) Education nationale de merde. Faites tourne svp on dois pas accepté".

"Elle est désignée, on a les termes 'faites tourner'", déplore sur BFMTV l'avocat de l'enseignante Me Stéphane Colmant.

"Elle est clairement accusée de racisme alors même qu’à ce moment précis il n’y a pas eu de rendez-vous entre le parent d’élève et l’enseignante. Elle n’a pas pu lui expliquer sa démarche pédagogique." Ce rendez-vous aura lieu quelques jours plus tard. Et finalement, le père de famille retirera son post.

L'enseignante a dû quitter la région

Trop tard, l'enseignante a été menacée. Les services de police lui conseillent même de quitter l'Île-de-France, et notamment les Yvelines encore sous le choc de l'assassinat terroriste de Samuel Paty et du placement sous surveillance policière de Didier Lemaire, professeur de philosophie à Trappes également, après ses propos sur l'islam. La professeure suit les conseils des autorités, et porte plainte.

"Elle a abandonné la vie qu’elle menait, déplore son avocat. Elle avait choisi d’enseigner dans cet établissement, ce sont dix années de vie d’enseignante détruite."

Le père de famille a été jugé le 15 novembre dernier et a été condamné à six mois de prison ferme. Le procureur, lors de l'audience, avait dénoncé la "fatwa numérique" mise en place par cet homme. L'homme a fait appel, mais la défense de l'enseignant y voit toutefois une première victoire, qui selon lui fera jurisprudence.

"La justice a marqué une frontière entre ce qui est acceptable et ce qui est inacceptable dans la relation entre les parents et les enseignants, se félicite Me Colmant. Il ne revient pas à un parent d’élève de condamner sur les réseaux sociaux un enseignant et tout du moins de le livrer à la vindicte."

Article original publié sur BFMTV.com