Face à la sécheresse, ces pêcheurs se transforment en sauveteurs de poissons

Des pompiers ramassent des poissons morts ale 06 juillet 2008 dans la rivière Agly sur la commune de Saint-Laurent de la Salanque. Image d'illustration.
RAYMOND ROIG via AFP Des pompiers ramassent des poissons morts ale 06 juillet 2008 dans la rivière Agly sur la commune de Saint-Laurent de la Salanque. Image d'illustration.

RAYMOND ROIG via AFP

La pêche de sauvetage se fait dans de nombreuses régions alors que les cours d’eau sont à sec.

ENVIRONNEMENT - « 17 000 poissons sauvés depuis juin grâce aux opérations de pêche de sauvetage », un bon bilan dont Guillaume Gourdy ne peut pas vraiment se réjouir. Le chargé de mission à la Fédération pour la pêche et la protection des milieux aquatiques de Haute-Savoie nous raconte au téléphone qu’il n’a jamais vu les cours d’eau aussi secs dans son département depuis la canicule de 2003.

Alors que les hécatombes de poissons se multiplient, comme à Fegersheim près de Strasbourg ce lundi 15 août, Le HuffPost a interrogé des acteurs locaux qui viennent à leur rescousse.

En Haute-Savoie, c’est le ruisseau du Chamburaz, affluent de l’Hermance, qui ne coule plus. Résultat : il ne reste plus que des flaques où les poissons agonisent par manque d’oxygène. « On intervient en priorité dans les cours d’eau où il y a des gouilles, des sortes de poches d’eau où les poissons restent bloqués car ils ne sont plus connectés aux rivières », explique Guillaume Gourdy. D’autant plus que lorsqu’il y a peu d’écoulement, l’eau se réchauffe très vite et les poissons d’eau douce tolèrent mal un bassin à plus de 20 °C.

Même les chasseurs se mettent à pêcher

Les fédérations et associations doivent donc agir vite pour déplacer les poissons vers des cours d’eau dont les débits sont suffisants et les températures tolérables. Leurs interventions consistent à récupérer les poissons « à l’aide d’un groupe électrogène pour pouvoir les remettre dans un cours d’eau ». Plus précisément, une décharge électrique est envoyée dans l’eau attirant les poissons sans les électrocuter, puis l’animal est récupéré à l’épuisette, mis dans un seau ou un vivier et il est relâché dans un autre cours d’eau.

Ces opérations de sauvetage demandent énormément d’endurance, 56 ont été nécessaires pour sauver 17 000 poissons en Haute-Savoie. Les pêcheurs n’hésitent pas à partager leur expertise lors de ces missions : « Ils nous servent de sentinelles, ils connaissent parfaitement les milieux aquatiques et transmettent par mail des descriptions et photographies sur l’état des rivières et lacs aux associations locales », rapporte Guillaume Gourdy.

Les pêcheurs sont soucieux de la dégradation des milieux aquatiques, et certains chasseurs se joignent à leur cause. En Normandie, des chasseurs havrais ont décidé de sauver les carpes et anguilles de l’estuaire de la Seine, en partie classé en réserve naturelle nationale. Sans autorisation légale, le président de l’association ACDPM, Sacha Devillers, a donné l’aval à son équipe pour une opération il y a dix jours : « On descend dans l’eau, on attrape les carpes avec des épuisettes, on les met dans des grandes bassines et on les remet en Seine », décrit-il au HuffPost.

Si ces chasseurs sont intervenus, c’est que selon eux le gestionnaire de l’estuaire n’a rien fait : « Ils pouvaient ouvrir les vannes pour que l’eau revienne. Certains étangs n’ont pas d’arrivées d’eau, mais ici nous sommes connectés à la Seine. Comme personne n’a fait rien alors on a pris nous-mêmes nos épuisettes. »

Déplacer un poisson n’est pas sans risque

Bien évidemment, les sauvetages locaux ne sauveront pas tous les poissons. « On essaie de répondre à l’urgence sur un cours d’eau qui sèche quand on a des signalements, mais on ne peut pas être partout, il y a 2 000 km de rivière dans le département », remarque Laurent Fridrick, responsable technique de la Fédération de pêche du Lot, interrogé par France Bleu. Il ajoute que si la technique ne blesse pas les espèces halieutiques, déplacer un poisson dans un autre bassin n’est pas sans risque : surpopulation, compétition entre les espèces déjà présentes, et « il y a aussi le risque que le poisson soit porteur de maladie ».

Ces limites font de la pêche de sauvetage une technique non viable sur le long terme. Par ailleurs, les espèces aquatiques sont de plus en plus vulnérables aux aléas climatiques, alors faut-il interdire la pêche lors des sécheresses pour préserver la biodiversité ?

« Je ne pense pas, nous répond Guillaume Gourdy, déjà parce que les pêcheurs sont essentiels pour veiller sur les écosystèmes, l’état de sécheresse, et les épisodes de pollution plus fréquents quand les débits d’eau sont réduits et qu’il y a moins de facteurs de dilution. Ensuite, parce qu’en Haute-Savoie nous avons des lacs en altitude avec des températures assez fraîches, où il n’y a pas de danger pour les poissons et donc pas de raison d’interdire la pêche. Enfin, parce que la pêche se régule par elle-même. » Il explique qu’à partir de 19 °C dans l’eau, le poisson stresse, cesse de s’alimenter et n’est ainsi plus attiré par les appâts des pêcheurs.

Pêche ou pas pêche, la solution la plus efficace pour sauver les poissons serait d’agir à la source. Les sécheresses seront en effet de plus en plus intenses avec le réchauffement climatique et pour en limiter les effets, il faut dès à présent réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre.

Voir aussi sur Le HuffPost : Face à la sécheresse en Suisse, l’eau livrée par hélicoptères à des éleveurs

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