Pour faire pression sur l’immigration, l’attaque d’Annecy utilisée par la droite et son extrême

Droite et extrême droite utilisent le drame d’Annecy pour faire pression sur le gouvernement avant la loi immigration (photo de Borne et Darmanin à Annecy ce 8 juin)
Droite et extrême droite utilisent le drame d’Annecy pour faire pression sur le gouvernement avant la loi immigration (photo de Borne et Darmanin à Annecy ce 8 juin)

POLITIQUE - Attention à « l’emballement. ». Le mot est venu d’Élisabeth Borne, dans l’après-midi de ce jeudi 8 juin. La Première ministre s’est rendue à Annecy, en Haute-Savoie, quelques heures après l’attaque au couteau qui a fait plusieurs blessés, dont des enfants en bas âge, dans un parc de la ville.

L’occasion pour la cheffe du gouvernement d’affirmer « toute la solidarité de la Nation » après ce drame, alors que quatre enfants de moins de trois ans sont encore en urgence absolue. Mais aussi de réclamer le respect du « temps de l’émotion, de l’unité », « avant de s’emballer sur les conclusions. » Une petite phrase qui vise, sans les nommer, les responsables tentés de tirer des analyses politiques immédiates de ces tentatives d’assassinats. Et ils sont nombreux.

Au-delà d’Aurore Bergé, accusée de « récupération » par la gauche pour avoir demandé que « l’humanité » prenne le dessus sur les débats sur les retraites, la droite et l’extrême droite se relaient dans les médias et sur les réseaux sociaux, avec un message : l’attaque, opérée par un réfugié syrien de 32 ans, est l’illustration de la nécessité, selon eux, de mieux contrôler les flux migratoires.

Retailleau en profite pour pousser ses propositions

Une offensive qui accentue nécessairement la pression sur le gouvernement. Qui plus est à l’heure où celui-ci essaie tant bien que mal d’investir ce débat avec un projet de loi prévu à l’automne prochain.

En ce sens, Olivier Marleix, l’un des responsables Les Républicains les plus allants sur l’immigration, n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, le drame d’Annecy est la preuve que « l’immigration massive incontrôlée tue ». « Plutôt que de nous lamenter à chaque nouveau crime, mettons enfin un coup d’arrêt à l’immigration de masse », a-t-il exhorté sur les réseaux sociaux, moins de deux heures après la survenue du drame, à l’unisson de plusieurs de ses collègues de la rue de Vaugirard particulièrement prompts à réagir.

Dans son sillage, Bruno Retailleau, le chef des sénateurs LR est même allé jusqu’à citer unes des mesures proposées par le parti gaulliste comme une réponse à ce qui s’est joué en Haute-Savoie. « L’attaquant d’Annecy était un demandeur d’asile syrien. Ce type de cas se multiplie », écrit ainsi l’élu Vendée, sur Twitter. Avant d’ajouter : « C’est pourquoi il est indispensable que les demandes d’asile soient effectuées en dehors du sol national, comme nous le demandons à LR. »

Fin mai, les Républicains ont effectivement présenté deux textes, très à droite, sur l’immigration, qui prévoient entre autres de faire primer le droit français sur les règles européennes, de revenir sur l’Aide médicale d’État ou d’instaurer des quotas d’accueil. Une façon, déjà, de peser sur le débat et de contraindre l’exécutif à se positionner, lui qui a besoin des voix de droite pour faire voter une quelconque loi sur le sujet.

Pour Bardella, « la situation échappe au gouvernement »

Dans le contexte de l’attaque à Annecy, l’extrême droite n’est pas en reste. Si Marine Le Pen se borne pour l’instant à partager son « effroi » sur les réseaux sociaux, Jordan Bardella a lui aussi enfourché le cheval de la politisation. Sur Twitter, le président du Rassemblement national réclame un « débat urgent » sur « notre politique migratoire et un certain nombre de règles européennes », règles que son parti honnit depuis des décennies.

Selon lui, la France, « doit se donner les moyens d’agir et de reprendre le contrôle d’une situation qui échappe au gouvernement. »

Sa collègue la députée Laure Lavalette a elle aussi cinglé « l’impuissance intolérable de Gérald Darmanin » dans les couloirs de l’Assemblée nationale.

Encore plus à droite, on pourrait également évoquer la réaction d’Eric Zemmour qui, sans un mot pour les victimes, anticipe déjà le procès en récupération qui lui sera fait en évoquant des « francocides ». Et ce dans un contexte où des rumeurs insistantes laissent entrevoir un rassemblement de militants d’extrême droite ce soir dans les rues d’Annecy. Et tant pis pour l’apaisement.

Un empressement… Et des erreurs

Notons également que l’empressement - malvenu pourrait-on dire - de certains élus s’accompagne parfois d’erreurs factuelles sur le drame. C’est ainsi que l’on a vu Olivier Marleix parler de vêtement « vert » (à tort), et de « turban », dans un sous-entendu assez clair sur les motivations supposées de l’auteur. Ou son collègue Meyer Habib (apparenté LR) évoquer carrément une « suspicion d’attaque terroriste djihadiste » sur les réseaux sociaux.

Problème, pour ces réactions quelque peu biaisées : l’assaillant s’était déclaré « chrétien de Syrie », selon une source policière, dans sa demande d’asile. Il a crié « au nom de Jésus Christ » au moment de l’attaque et « aucun mobile terroriste apparent » n’a jusqu’à présent été relevé, comme l’a clairement exprimé la procureure d’Annecy.

Élisabeth Borne s’était d’ailleurs elle aussi fendue d’une courte mise au point à la mi-journée, en rappelant les détails du profil de l’agresseur : de nationalité syrienne, il a vécu pendant dix ans en Suède où il a obtenu le statut de réfugié. Il est donc entré en situation régulière sur le territoire français. Pas de quoi tarir, pour autant, les questions que la droite veut continuer à mettre à l’ordre du jour. Ni ses obsessions.

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