Dans le film "Rose", les stéréotypes sur les femmes âgées volent en éclat

"Rose", le premier long-métrage d'Aurélie Saada, questionne les injonctions qui pèsent sur le corps et la vie des femmes au fur et à mesure qu'elles vieillissent.

CINÉMA - “Elle aime ce qu’elle a vécu et ce qu’elle devient”. Rose, personnage principal du film éponyme, est une femme âgée aux cheveux grisonnants, ménopausée, qui vient de perdre son mari. Le long-métrage d’Aurélie Saada, en salles de cinéma dès ce mercredi 8 décembre, dépeint une femme en pleine révolution intime.

Ce film nous raconte le parcours de Rose, incarnée par l’actrice Françoise Fabian, une femme âgée qui doit faire face aux critiques de la société et à la dévalorisation du corps des femmes de plus de 50 ans. À cette occasion, Le HuffPost a pu rencontrer la réalisatrice du film. Pour elle, il est important que ces femmes puissent être représentées au cinéma. “Je trouve terrible le fait que la sexualité et le désir (de la femme, NDLR) puissent devenir tabou avec l’âge”, regrette-t-elle.

“Révolution intime”

À travers son film, Aurélie Saada entend bien ne pas simplement décrire une mère, une grand-mère ou même une veuve. “Je voulais raconter une révolution intime. Elle finit par aimer son corps. Elle le découvre ou plutôt le redécouvre”, explique-t-elle. Malgré les obstacles, Rose apprend à s’aimer réellement. Se posant comme un miroir sur les femmes âgées, le personnage se sent laissé de côté. “C’est un chemin de soi à soi. Elle ne renie pas ce qu’elle a fait avant mais elle essaye de construire d’autres choses nouvelles”, explique la réalisatrice.

Après la mort de son mari, Rose, âgée de 78 ans, est par exemple invitée à aller au spa. Devant la glace et face à son corps, plus tout jeune, elle s’interroge: ”À quoi bon?”. Derrière cette question se cachent les injonctions à des corps jeunes et parfaits qu’Aurélie Saada souhaite dénoncer. “Je trouve que les pires limites sont celles que l’on s’impose, peut-être sont-elles même plus fortes que celles que nous fixent les autres”, déclare-t-elle.

Au cours du film, Rose doit également faire face à ses enfants. Sa fille, tout en riant du fait que sa mère ait pu trouver un nouveau partenaire, l’emmène dîner. Son fils se monte très dur avec elle. “Ses enfants sont à la fois la clé et l’obstacle. D’une certaine manière, on a toujours peur pour nos parents quand ils vont mal, mais aussi quand ils vont trop bien. Je voulais aussi raconter la difficulté de voir ses parents fatigués, en train de lâcher la rampe”. C’est pourquoi Rose se retrouve à expliquer à ses enfants ses questionnements, ses espoirs autour d’une table.

Stigmatisation et invisibilisation

Dans un monologue, écrit avec beaucoup de justesse, le personnage se livre alors. “Elle raconte toutes les questions qu’elle se pose et toutes les possibilités qui s’offrent à elle”, déclare Aurélie Saada. Pour la réalisatrice, il était important que Rose prenne la parole pour sensibiliser à l’invisibilisation.

Cette invisibilisation, cette stigmatisation des femmes âgées, Camille Froidevaux-Metterie, philosophe et féministe, la décrivait en mars 2019, à l’occasion de la Journée mondiale des droits des femmes. Elle estimait que “notre culture esthétique valorise les quinquagénaires quand ce sont des hommes, elle les stigmatise quand ce sont des femmes. Pour elles, la cinquantaine demeure associée à la ménopause qui exclut les femmes de la catégorie des procréatrices, mais aussi de celle des femmes désirantes. Elles n’ont pas le droit de vieillir comme elles l’entendent”, explique-t-elle dans une interview à Madame Figaro.

“Chaque être humain a une place et une voix qu’on doit écouter. Quand elle s’exprime dans ce monologue, c’est au nom de toutes les femmes. Ces paroles sont pour tous les êtres humains qui ont l’impression de ne pas avoir osé jusque-là. Elle ose, Rose”, raconte la scénariste du film.

“Quand j’ai contacté Françoise Fabian pour lui proposer le rôle, elle m’a dit ‘merci’ car on ne lui présentait que des rôles secondaires de grand-mère. Ce film est pour toutes les générations qui n’ont pas envie de voir leurs corps devenir un tabou parce qu’on peut se sentir vieux à n’importe quel moment de sa vie”, conclut la réalisatrice.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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