France-Espagne : Une image juste ou juste une image ?

Le match France – Espagne a relancé le débat de la vidéo. Ses défenseurs et ses opposants se déchirent. Avant de parler de ce principe, il est important de parler de philosophie…

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Cette semaine, le vénérable hebdomadaire anglais titrait en lettres rouges sur fond noir : “la fin de la vérité”. Une des références journalistiques mondiale admettait, la mort dans l’âme, la difficulté aujourd’hui de délivrer une information vraie, recoupée et fiable. Aujourd’hui, les fake news de Donald Trump, les manipulations de Vladimir Poutine, la tyrannie des sondages ou encore les théories complotistes d’internet ont brisé les métiers de l’information.

Le monde du football est atteint, semble-t-il, de la même maladie mortelle : la vérité. Les intégristes du football défendent un sport sans vidéo pour conserver l’erreur humaine, source de tragédie et de conte épique, genre Séville 1982. Au contraire, les progressistes y voient un grand pas en avant pour la justice. Ainsi, ce France-Espagne (0-2) devient un cas d’école important. Pour la première fois de l’histoire du foot (si on oublie l’expulsion de Zidane en finale de la Coupe du monde 2006 déjà due à la vidéo), le sort d’un match a été décidé par un car régie niché dans les entrailles du parking du Stade de France.

La vidéo a annulé un but pour l’équipe de France qui avait été validé par l’arbitre. Elle a aussi corrigé une erreur de l’arbitrage en offrant un but aux Espagnols qui avait été refusé pour un hors-jeu inexistant. Alors, quel chemin choisir : celui de la vérité de l’image, froide mais droite ? Sachant, comme le disait Jean-Luc Godard, qu’il n’existe pas « une image juste. Mais qu’Il y a juste une image ». En fonction de l’axe de la caméra ou du positionnement du révélateur, la sentence peut être différente.

Doit-on préserver un football nourri d’authenticité, de rythme, d’émotions et de jugements fragiles ? Si le football reste une école de la vie incroyable, comme le disait mieux que nous Albert Camus, il doit rester vulnérable à l’erreur humaine, à l’injustice et à la colère. Sinon, nous allons entrer dans l’ère de Big Brother où tout deviendra suspect. En Espagne, une image est disséquée ce matin : celle de la proposition d’échange de maillot de Piqué avec celui du jeune Kylian Mbappé. Dans sa « contre-chronique », José Félix Dias dénonce, avec sa mauvaise foi, « l’innocence » de Mbappé, qui a osé échanger son maillot avec un Barcelonais. « Le pauvre », écrit-il ! Il aurait ainsi compromis son éventuel transfert au Real Madrid. Pourtant, à la page 8 du quotidien sportif, le lecteur voit aussi le jeune Kylian relever Sergio Ramos, la légende du Real, dans un geste de complicité évident. Que dit la vidéo dans ce cas précis ? Où est la vérité si un média choisit telle ou telle image ? L’objectivité de l’objectif de la caméra n’existe pas. Elle dépend du réalisateur et de son ambition éditoriale. Le football doit garder cette force de l’instant. Dans un monde où tout le monde se filme, le football restait un îlot protégé. Injuste, certes. Mais authentique.