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France : "Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit", réaffirme Nicolas Sarkozy à son procès en appel

France : "Je n'ai jamais corrompu qui que ce soit", réaffirme Nicolas Sarkozy à son procès en appel

L'ancien président français Nicolas Sarkozy s'est présenté à la barre ce lundi après-midi au palais de justice de Paris pour l'ouverture de son procès en appel pour corruption et trafic d'influence, dans l'affaire des "écoutes", aux côtés de son avocat Thierry Herzog et de l'ex-magistrat Gilbert Azibert.

Lors de sa prise de parole, Il a réaffirmé ne "jamais" avoir "corrompu qui que ce soit", déclarant vouloir "défendre son honneur qui a été bafoué par des moyens invraisemblables".

La présidente de la cour d'appel Sophie Clément a, comme il est d'usage, vérifié l'identité de l'ex-chef de l'Etat, debout à la barre en costume et cravate noirs sur chemise blanche, avant de lui rappeler son droit au silence et de lui demander s'il contestait sa culpabilité comme sa peine.

Le droit au silence, "je n'ai jamais utilisé ce droit, ce n'est pas ici que je vais commencer", a déclaré Nicolas Sarkozy, rejugé avec son avocat historique Thierry Herzog et l'ex-magistrat Gilbert Azibert, après avoir demandé à faire une déclaration liminaire.

ALAIN JOCARD/AFP
Thierry Herzog, l'avocat de l'ex-président Nicolas Sarkozy à son arrivée au tribunal de Paris, le 5 décembre 2022 - ALAIN JOCARD/AFP

"Nous allons entendre les écoutes, je m'expliquerai sur chacune des écoutes", a-t-il déclaré, faisant valoir que les conversations entre un avocat et son client étaient protégées par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme.

"Les mots sont forts, corruption, trafic d'influence. Je suis ancien président de la République, je n'ai jamais corrompu qui que ce soit et admettons que c'est une corruption étrange, sans argent, pas un centime pour personne, sans avantage, pas un avantage pour personne et sans victime, puisque personne n'a été lésé", a-t-il déclaré.

"J'ai été mis en garde à vue devant les caméras du monde entier, libéré à 3h30 du matin, mes conversations ont été écoutées, des commissions rogatoires internationales ont été engagées, une pluie d'écoutes, de fadettes, ont été réalisées, trois semaines devant le tribunal correctionnel de Paris, deux semaines devant la cour d'appel", a-t-il énuméré.

"Toute cette affaire m'a gravement nui et si je fais appel (...) c'est parce que le tribunal correctionnel a indiqué qu'un faisceau d'indices fait de Nicolas Sarkozy (...) un coupable. Madame la présidente, je suis avocat, j'ai toujours appris qu'avec des indices graves et concordants, on vous mettait en examen, mais pour condamner, il faut des preuves. Où sont les preuves ?" a-t-il lancé.

S'excusant de sa "véhémence", il a ajouté: "Quand on est innocent, on est indigné. Je viens ici défendre mon honneur qui a été bafoué dans des conditions invraisemblables. Je viens convaincre la cour que je n'ai rien fait", a-t-il tonné.

En première instance, à l'issue d'un procès électrique où Nicolas Sarkozy avait dénoncé des "infamies", l'ancien président, 67 ans, a été condamné le 1er mars 2021 à trois ans d'emprisonnement, dont un an ferme, devenant ainsi le premier chef de l'Etat de la Ve République condamné à de la prison ferme.

La même peine a été prononcée contre ses deux coprévenus, assortie pour Me Herzog, 67 ans, d'une interdiction d'exercer pendant cinq ans.

Tous les trois ont fait appel, ce qui suspend ces sanctions.

L'affaire des "écoutes téléphoniques"

Ce sinueux dossier trouve son origine dans les interceptions téléphoniques de conversations entre M. Sarkozy et Me Herzog début 2014.

A l'époque, les deux téléphones de l'ex-homme fort de la droite ont été "branchés" par les juges chargés de l'enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007, qui lui valent aujourd'hui une quadruple mise en examen.

Les enquêteurs découvrent alors l'existence d'une troisième ligne mise en service le 11 janvier 2014 sous l'alias "Paul Bismuth" - du nom d'une connaissance de lycée de Me Herzog - et dédiée aux échanges entre l'ex-président et son avocat et ami.

Au fil de conversations qu'ils pensent à l'abri des oreilles indiscrètes se dessine, selon l'accusation, un pacte de corruption noué avec Gilbert Azibert, avocat général à la Cour de cassation, qui aurait usé de son influence contre la promesse d'une intervention pour sa carrière.

Ce haut magistrat de 75 ans aujourd'hui retraité est accusé d'avoir œuvré en coulisses pour peser sur une décision qui intéressait au plus haut point l'ancien chef de l'Etat.

A l'époque, la Cour de cassation était saisie d'un pourvoi de Nicolas Sarkozy, qui voulait faire annuler la saisie de ses agendas présidentiels dans le cadre de l'enquête pour abus de faiblesse sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt.

M. Azibert est soupçonné d'avoir eu connaissance, en amont, d'informations confidentielles et tenté d'influencer des conseillers participant aux délibérations. En échange, selon l'accusation, d'un "coup de pouce" pour un poste prestigieux à Monaco.

Finalement, M. Azibert ne décrochera pas le poste convoité et la Cour de cassation rejettera le pourvoi de Nicolas Sarkozy. Le point de savoir s'il est intervenu auprès des autorités monégasques reste discuté.

Selon la défense, c'est la preuve que ces accusations relèvent du "fantasme".

Au contraire, le tribunal correctionnel a considéré que le pacte de corruption ressortait d'un "faisceau d'indices graves, précis et concordants". Selon la loi, il n'est pas nécessaire que la contrepartie ait été obtenue, ni que l'influence soit réelle pour caractériser les délits de corruption et de trafic d'influence.

La première instance et l'appel

Après sa condamnation, l'ex-président s'est dit victime d'une "injustice profonde" et la droite a crié haro sur le parquet national financier (PNF), qui avait confié l'enquête à deux juges d'instruction début 2014 et dont l'impartialité avait été mise en cause par la défense lors du procès.

Les débats devant la cour d'appel, prévus jusqu'au 16 décembre, promettent d'être moins orageux mais une zone d'ombre au moins demeurera.

Fin février 2014, un changement de ton dans les échanges entre M. Sarkozy et son avocat avait convaincu les enquêteurs qu'ils se savaient sur écoute - ce qu'ils contestent.

Une enquête distincte, ouverte par le PNF, n'a pas permis d'identifier une éventuelle "taupe" qui les aurait informés.

Mais elle a provoqué son propre séisme - l'affaire des "fadettes" - dont une des répliques est le renvoi en procès de l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, poursuivi pour avoir lancé des poursuites disciplinaires contre trois magistrats financiers.

A l'issue du procès en appel des "écoutes", la décision sera mise en délibéré à plusieurs semaines.

Et puis il y a l'affaire "Bygmalion"

Un autre rendez-vous attend Nicolas Sarkozy, entre les mêmes murs, en novembre et décembre 2023 : le procès en appel de l'affaire Bygmalion, dans laquelle il a été condamné en septembre 2021 à un an de prison ferme.