Gérald Darmanin interpellé à l'Assemblée après ses propos polémiques sur l'abolition de l'esclavage

Gérald Darmanin à Mayotte le 31 décembre 2022 - Gregoire MEROT / AFP
Gérald Darmanin à Mayotte le 31 décembre 2022 - Gregoire MEROT / AFP

Des propos qui ne passent pas. Après la participation de Gérald Darmanin à un colloque sur les Outre-mer, ses déclarations sur l'abolition de l'esclavage dans les Antilles ont fortement déplu dans les rangs des parlementaires ultramarins. Le ministre de l'Intérieur a été interpellé à pas moins de 3 reprises sur le sujet ce mardi après-midi.

Le Nordiste est en effet pointé du doigt depuis plusieurs jours. Aux côtés du ministre délégué aux Outre-mer Jean-François Carenco, Gérald Darmanin avait jugé jeudi que "contrairement à ce que l’on raconte (…), c’est la République française qui a aboli l’esclavage".

"La France a sans doute mis, dans des conditions extraordinairement difficiles, les populations colonisées dans des états désastreux, mais c’est la République qui a aboli l’esclavage", a encore avancé le ministre de l'Intérieur lors d'une journée de conférence organisée par la rédaction du Point.

"Nous exigeons des excuses"

Ses propos ont alors suscité un tollé dans les rangs des députés des territoires ultramarins. 17 d'entre eux - qui sont au nombre de 27 à l'Assemblée nationale - ont signé une tribune qui "condamne" les "propos" de Gérald Darmanin "avec la plus grande fermeté.

"Au relativisme moral des puissances colonisatrices (…), semble avoir succédé une forme nouvelle de révisionnisme historique", peut-on y lire.

C'est Perceval Gaillard, élu insoumis de la Réunion, qui a été le premier à ouvrir les hostilités lors des questions d'actualité au gouvernement ce mardi. Le député ultramarin a accusé le patron de la place Beauvau d'avoir tenu "des propos révisionnistes et paternalistes concernant l'esclavage".

"Nous exigeons des excuses", a encore lancé le parlementaire, jugeant Gérald Darmanin "disqualifié".

Un "révisionnisme historique"

Gérald Darmanin a de son côté assumé l'entièreté de ses propos.

"Par deux fois la République a aboli l'esclavage", a avancé à nouveau le ministre de l'Intérieur, avant de se faire à nouveau interpellé.

"L'abolition de l'esclavage, c'est aussi et surtout la lutte des esclaves qui n'ont jamais accepté ce système", l'a tancé le député de Guadeloupe Maxime Mathiasin (LIOT).

Réponse du ministre de l'Intérieur: "c'est la République qui a aboli par deux fois l'esclavage et il est évident que cela faisait suite à une longue lutte de personnes qui étaient soumises à l'esclavage comme à ceux qui n'y étaient pas soumis".

Un parallèle avec Nicolas Sarkozy

Toujours proche de l'ancien président Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin se retrouve en difficulté sur la question mémorielle. En 2005, alors que l'ex-chef de l'État était lui-même le patron de la place Beauvau, il avait dû affronter une polémique sur une loi sur les rapatriés qui soulignait le "rôle positif de la présence française outre-mer".

C'est avec la loi Taubira adoptée en 2001 que la France a reconnu que la traite négrière était un crime contre l'humanité - une première mondiale. Si cette avancée a mis en lumière le passé esclavagiste du pays, le sujet reste très inflammable politiquement.

"Ce sont les esclaves eux-mêmes qui ont rendu, par leur combat, leur libération inévitable", a encore souligné Karine Lebon, député communiste de La Réunion dans l'hémicycle ce mardi après-midi.

Inquiétudes sur les retraites en outremer

Gérald Darmanin a alors repris la parole en alertant: "Attention de ne pas faire du révisionnisme à l'envers".

Cette polémique arrive également au moment où plusieurs députés ultramarins regrettent l'absence de prise en compte des spécificités de ces territoires dans la réforme des retraites. Les habitants d'Outre-mer sont ceux qui perçoivent les plus petites pensions, de 12 à 28% en moins par rapport à la métropole selon le territoire. En outre, l’âge moyen réel de départ à la retraite est de 65 ans dans ces territoires contre 63 ans en France.

Article original publié sur BFMTV.com