Guerre d'Algérie : « Les appelés étaient les témoins de ce que la France n'était pas ce qu'elle disait être »

Des soldats français en opération de « nettoyage » en Algérie dans la région de l'Aurès procèdent à l'arrestation de « suspects » le 3 novembre 1954, au début de la guerre d'Algérie. 
Des soldats français en opération de « nettoyage » en Algérie dans la région de l'Aurès procèdent à l'arrestation de « suspects » le 3 novembre 1954, au début de la guerre d'Algérie.

Dans son nouvel ouvrage Papa, qu'as-tu fait en Algérie ?, Raphaëlle Branche interroge et sonde un silence, celui des appelés d'Algérie. Ils ont été 1,5 million de jeunes conscrits partis pour un pays dont ils ne savaient pas grand-chose et pour une guerre dont ils ignoraient tout. Pendant cesdits « événements d'Algérie » et encore après, le silence a constitué le puits sans fond dans lequel cette expérience a pu se perdre, se taire, être étouffée aussi. Un silence sourd que Raphaëlle Branche, professeure à l'université de Paris-Nanterre, avait déjà décelé dans ses précédents livres, dont La Torture et l'armée pendant la guerre d'Algérie [1954-1962]**.

Dans Papa, qu'as-tu fait en Algérie ?, elle travaille divers matériaux, journaux intimes, lettres, carnets de notes, témoignages, pour rendre au mieux cette perte de l'innocence qu'a été pour beaucoup d'appelés cette guerre sans nom. Explorant avec nuance et délicatesse les trames et liens familiaux pris dans les rets de l'Algérie, Raphaëlle Branche reconstitue l'envers d'une guerre, en débusque les silences personnels comme le grand silence du récit officiel. Elle suit aussi à la trace les signifiants comme les non-dits à travers ces expériences singulières, qu'elle ramène alors dans le même mouvement dans l'histoire dont ces appelés avaient été parfois exclus. Ou dans laquelle ils avaient pu se sentir perdus. Un travail magistral d'archéologie des affects. Interview.

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