Guerre en Ukraine : le point sur la situation à Kakhovka au lendemain de la destruction du barrage

GUERRE EN UKRAINE - Le Premier ministre ukrainien évoque déjà « l’une des pires catastrophes environnementales ces dernières décennies ». Au lendemain de la destruction partielle du barrage de Kakhovka dans le sud de l’Ukraine, les évacuations de civils se poursuivent ce mercredi 7 juin, alors que les craintes d’une catastrophe environnementale et humanitaire d’ampleur se précisent.

Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, la destruction partielle de la centrale hydroélectrique du barrage de Kakhovka -dont s’accusent mutuellement Moscou et Kiev- a entraîné l’inondation de nombreuses localités le long du fleuve Dniepr et l’évacuation de milliers de personnes, suscitant un tollé international. Le HuffPost fait le point sur la situation.

· Évacuations côté ukrainien et russe

Plus de 2 700 personnes ont été évacuées des zones inondées à la suite de la destruction du barrage de Kakhovka dans le sud de l’Ukraine, ont affirmé ce mercredi les autorités ukrainiennes et celles d’occupation russe, qui contrôlent chacune une rive du Dniepr dans cette région.

« Plus de 1 450 personnes ont été évacuées », a ainsi indiqué à la télévision ukrainienne un porte-parole des services d’urgence, Oleksandre Khorounejiï. Les autorités installées par Moscou ont quant à elle annoncé avoir évacué « 1 274 personnes » à ce stade.

« La situation la plus difficile a lieu dans le district de Korabelny de la ville de Kherson. Jusqu’à présent, le niveau de l’eau s’est élevé de 3,5 mètres, plus de 1 000 maisons sont inondées », dans cette cité reprise aux Russes par les Ukrainiens en novembre dernier, a fait savoir mardi soir le chef de cabinet adjoint de la présidence ukrainienne, Oleksiï Kouleba.

La carte de la région d’Ukraine où a été détruit le barrahe de Kakhovka mardi 6 juin 2023.
La carte de la région d’Ukraine où a été détruit le barrahe de Kakhovka mardi 6 juin 2023.

« Plus de 40 000 personnes risquent d’être en zones inondées », a prévenu le procureur général ukrainien Andriï Kostine. « Malheureusement, plus de 25 000 civils se trouvent sur le territoire sous contrôle russe », a-t-il ajouté. Vladimir Leontiev, le maire mis en place par Moscou à Nova Kakhovka, où se trouve le barrage, a indiqué que sa ville était sous les eaux et que 900 de ses habitants avaient déjà été évacués.

· L’approvisionnement en eau potable menacée

« Le plus grand mal et la menace future entraînée par cet acte de terreur est la dévastation écologique qu’elle inflige au Sud de l’Ukraine », a affirmé ce mercredi le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal qui s’exprimait en ligne depuis l’Ukraine, à l’occasion d’une réunion de l’OCDE à Paris.

Selon le dirigeant ukrainien, « des dizaines de villes et de villages vont se retrouver aux prises avec les problèmes de l’eau potable, de l’accès aux provisions d’eau pour l’irrigation, qui cesseront, entraînant des sécheresses et de mauvaises récoltes ».

« Cela menace la sécurité alimentaire mondiale », a encore dit Denys Chmygal, qualifiant l’explosion imputée par son gouvernement à la Russie d’« acte de terreur », de « crime contre l’humanité » et d’« écocide ».

Mais ce n’est pas tout, puisque la destruction du barrage de Kakhovka signifie qu’« au moins 150 tonnes d’huile de machine se sont déversées dans le fleuve, avec le risque que 300 tonnes supplémentaires s’infiltrent », représentant « une menace pour la faune et la flore », a encore déclaré le Premier ministre de l’Ukraine, conscient que son pays est l’un des principaux pourvoyeurs mondiaux de céréales.

· L’état de la centrale de Zaporijjia

Après cette destruction, la centrale de Zaporijjia, occupée par l’armée russe, est une nouvelle fois fragilisée en raison de l’importance du barrage, dont l’eau est utilisée pour refroidir le combustible et ainsi éviter un accident nucléaire. Toutefois, « il n’y a pas de danger nucléaire immédiat », affirmait mardi matin sur Twitter l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).

Même diagnostic du côté de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), qui écarte par ailleurs « tout risque d’inondation puisque le barrage est en aval, et non en amont », à 150 km, a précisé à l’AFP la directrice générale adjointe Karine Herviou.

La direction, installée par l’occupation russe dans la zone, a pour sa part assuré que la situation était sous contrôle. « À l’heure actuelle, il n’y a pas de menace pour la sécurité. Cinq blocs sont arrêtés à froid, l’un est à l’arrêt à chaud », a indiqué sur Telegram le directeur, Iouri Tchernitchouk.

Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA a par ailleurs indiqué mardi qu’il se rendrait sur le site de la centrale « la semaine prochaine avec une équipe renforcée » pour continuer de « surveiller de près la situation ».

· Des impacts sur la contre-offensive ukrainienne ?

« Il est physiquement impossible de (le) faire sauter d’une manière ou d’une autre de l’extérieur, avec des bombardements », a de son côté argumenté le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui alertait déjà sur un tel scénario devant le Conseil de l’Europe en fin d’année 2022.

« Le monde doit réagir. La Russie est en guerre contre la vie, contre la nature, contre la civilisation », a-t-il martelé, assurant toutefois que cela « n’affecterait pas la capacité de l’Ukraine à libérer ses propres territoires », après avoir précédemment indiqué que Moscou cherchait à « freiner » ses troupes avec cette explosion.

Si les lignes défensives russes le long du Dniepr vont être submergées, cela pourrait avoir des conséquences sur la potentielle opération militaire ukrainienne dans cette région. D’autant plus que l’Ukraine avait affirmé lundi avoir gagné du terrain près de Bakhmout, alors que la Russie dit pour sa part repousser ces attaques d’envergure, tout en reconnaissant des pertes militaires, un fait plutôt rare.

· Les réactions à l’international

Condamnée de manière quasi unanime sur la scène internationale, la destruction du barrage a provoqué la « vive préoccupation » de Pékin « concernant les dommages au barrage de la centrale hydroélectrique de Kakhovka », a indiqué lors d’une conférence de presse régulière Wang Wenbin, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a lui suggéré mercredi aux présidents ukrainien et russe la création d’une commission d’enquête internationale.

« Nous sommes profondément préoccupés par l’impact humain, économique et écologique qui en résulte et nous appelons toutes les parties au conflit à respecter le droit international humanitaire ».

Pour le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, c’est « une nouvelle conséquence dévastatrice de l’invasion russe de l’Ukraine », lancée fin février 2022. « Les attaques contre les civils et les infrastructures civiles essentielles doivent cesser », a-t-il répété.

Lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité mardi, le responsable de l’ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, a décrit une catastrophe dont « l’ampleur ne pourra être pleinement évaluée que dans les prochains jours » mais dont les conséquences seront « graves et de portée importante » des deux côtés de la ligne de front.

À voir également sur Le HuffPost :

Guerre en Ukraine : Le barrage de Nova Kakhovka détruit, ce que l’on sait

Guerre en Ukraine : l’armée ukrainienne réclame du silence sur sa contre-offensive