"Huile de poisson", alcool et bain d'eau glacée... Le calvaire de Sanda Dia, bizuté à mort en Belgique

C'est une affaire de bizutage mortel comme il en existe malheureusement chaque année. Sauf que dans le cas de Sanda Dia, cet étudiant belge mort en 2018 après avoir été malmené, ses bourreaux n'ont écopé que de travaux d'intérêt général. Des peines clémentes pour un calvaire qui avait ému la Belgique toute entière.

Dix-huit camarades de l'étudiant ont été reconnus coupables, le 26 mai dernier, de coups et blessures ayant involontairement entraîné la mort par la cour d’appel d’Anvers. Ils ont tous été condamnés à des peines allant de 200, 250 ou 300 heures de travaux d’intérêt général, ainsi que 400 euros d’amende, sans compter les milliers d'euros de dommages et intérêts dus aux parties civiles.

Hypothermie et œdème cérébral

Sanda Dia a 20 ans quand il intègre la prestigieuse université catholique de Louvain à la rentrée 2018. Ce Belge, né d'un père mauritanien, entame des études d'ingénieur. Comme chaque année, quelques mois après la rentrée, le cercle étudiant Reuzegom, sorte de fraternité de "fils de bonnes familles", organise un bizutage pour les "bleus", les nouveaux étudiants qui viennent d'arriver.

Le calvaire de Sanda Dia débute le 4 décembre. La veille, les nouveaux arrivants s'étaient affrontés dans une épreuve de vente de roses en pleine rue. Arrivé dans les derniers, le jeune homme doit ingurgiter une quantité phénoménale d'alcool. Il boit plusieurs bières et un litre de gin à lui seul. Pour ne pas le laisser dessoûler, les "Reuzegommers" scellent le robinet du lavabo de son appartement de Louvain avec du ruban adhésif.

Le "baptême" continue le lendemain autour d'un chalet isolé de la périphérie d'Anvers. Cette fois-ci, les "Reuzegommers" obligent Sanda Dia à rester dehors, dans le froid, assis dans un trou rempli d'eau glacée. Ils ne s'arrêtent pas là et forcent l'étudiant, quasiment inconscient, à avaler quatre litres d’huile thaïlandaise de poisson. Ce n'est que deux heures plus tard que ses camardes appellent les secours.

Quand Sanda Dia est admis aux urgences, le 5 décembre au soir, il est en hypothermie. Sa température corporelle est tombée à 28,7 degrés. Son pronostic vital étant engagé, les médecins décident de le transférer en soins intensifs dans un autre hôpital. Il y décède deux jours plus tard. Lors de l'autopsie, les légistes détectent une teneur exceptionnelle de 117 grammes dans le sang, provoquée par l'huile de poisson, qui a entraîné un œdème cérébral mortel chez le jeune homme.

Des peines plus clémentes

Et les peines prononcées ce 26 mai sont bien plus clémentes que celles réclamées par le parquet, en mars dernier, qui demandait 18 à 50 mois de prison, assorties d’amendes s’élevant jusqu’à 8000 euros et de cinq ans de privation des droits civiques.

Et pour cause, la cour a écarté les chefs "d'administration de substance nocive ayant entraîné la mort" et de "non-assistance à personne en danger". Les membres de Reuzegom, fraternité aujourd'hui dissoute, "ont fait le nécessaire dès qu'ils ont vu qu'il (Sanda Dia) était en danger", a commenté une porte-parole de la cour d'appel citant les motivations de l'arrêt.

Après l'épisode du puits d'eau glacée, "ils lui ont donné des vêtements secs, ont essayé de le réchauffer", a ajouté cette porte-parole. Concernant la mixture, responsable de son œdème cérébral, les juges ont estimé que l'huile de poisson étant en vente libre, les étudiants pouvaient ne pas connaître ses effets potentiellement nocifs.

Aucune mention dans le casier

Une décision accueillie par la famille de Sanda Dia avec "soulagement" et "frustration", a déclaré Me Sven Mary, l'avocat du père du jeune homme. Ce dernier avait demandé que les étudiants ne soient pas condamnés à de la prison ferme, car "ça ne lui rendra(it) pas son fils". En revanche, la famille espérait pouvoir faire la lumière sur la responsabilité des uns et des autres lors de ce procès.

"Ils n’ont pas reçu les réponses qu’ils espéraient, en raison notamment du silence des Reuzegommers", a ajouté l'avocat.

Les dix-huit prévenus, une fois leur peine accomplie, pourront tourner la page et faire totalement oublier leur implication dans la mort de Sanda Dia. Et pour cause, aucune mention de leur condamnation ne sera inscrite dans leur casier judiciaire. "Ces jeunes veulent exercer des fonctions en vue: entrepreneur, juge ou politicien… Je trouve que l’opinion doit savoir ce qu’ils ont fait dans leur vie s’ils veulent voter pour eux", avait regretté Me Sven Mary, dans le journal De Morgen, le 27 mai.

Ce verdict signe la fin de plusieurs années d'attente judiciaire pour la famille de Sanda Dia. Si le procès en première instance a débuté à l'automne 2021 à Hasselt, dans l'est de la Belgique, il a finalement été suspendu au printemps 2022, le tribunal ne s'estimant pas compétent pour juger l'ensemble des faits qui se sont déroulés sur deux jours dans plusieurs endroits.

Article original publié sur BFMTV.com