JEU DÉCISIF - COUPE DAVIS - Eh, les gars, attendez un peu pour les larmes !

A Lille, à partir de ce vendredi, la France reçoit l’Espagne -privée de Rafael Nadal- en demi-finales de la Coupe Davis, promise à une refonte totale l’an prochain. Noah et les siens doivent repousser au plus tard les adieux avec cette épreuve chérie.

En avril dernier, en s’envolant pour Gênes afin d’aller y affronter l’Italie, les joueurs de l’équipe de France, et bien des amoureux de la Coupe Davis avions en tête que oui, peut-être, nous allions vivre notre ultime rencontre. La réforme de cette épreuve, sous la forme que l’on sait, était dans les tuyaux mais pas encore officiellement votée et adoptée.

Depuis le 16 août, c’est fait. Nous vivons donc notre dernière campagne selon le système Home/Away qui a donné à cette compétition tout son charme, toute son âme, oserais-je. Dans ces conditions, chaque nouveau rendez-vous de l’équipe de France nous approche encore plus du point final ainsi, d’ailleurs, que de la fin du capitanat de Noah, épisode 3, après 1991 et 1996. Cette conclusion, on l’espère la plus tardive possible, le 25 novembre par exemple, ultime journée de la finale 2018, en France, si Noah et les siens devaient affronter la Croatie, ou aux États-Unis, face aux Américains donc. L’histoire serait belle, d’ailleurs, d’en terminer contre la nation face à laquelle tout avait commencé en 1927, sur le gazon du Germantown Cricket Club de Philadelphie où René Lacoste, Jean Borotra, Jacques Brugnon et Henri Cochet avaient subtilisé pour la première fois le Saladier à Bill Tilden et ses petits camarades.

Quatre-vingt-onze ans après Philadelphie, l’équipe de France va tenter d’accéder à la 19e finale de son histoire et rêver d’une onzième victoire, ce qui serait aussi le premier doublé des Bleus depuis 1927-1928. Là aussi, le symbole serait magnifique mais n’allons pas trop vite en besogne. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’Equipe d’Espagne se présente à Lille sans Rafael Nadal. Et comme le dit Sergi Bruguera, le capitaine ibère, « ça change tout ». Mais quand je dis bonheur, c’est évidemment en trompe l’œil. Oui, dans ces conditions, la France possède une vraie chance de l’emporter mais quel dommage que le numéro un mondial ne puisse se joindre à la fête, comme l’a d’ailleurs regretté Noah. On avait d’ailleurs envie que ces deux-là se croisent. Noah, souvenez-vous, ayant eu par le passé des propos ambigus concernant les performances du roi de Roland-Garros.

On en vient à se demander si le capitaine des Bleus ne porte pas la guigne à ses adversaires. Depuis son retour aux commandes en 2016, la France a affronté le Canada sans Milos Raonic, la République tchèque sans Tomas Berdych, le Japon sans Kei Nishikori, la Grande-Bretagne sans Andy Murray, la Serbie sans Novak Djokovic et donc l’Espagne sans Nadal. Une hécatombe à répétition et un joli coup de pouce du destin. Si la France accède à la finale, petit conseil à Marin Cilic ou John Isner : prenez bien soin de vous, les gars !

Nadal ou pas, l’Espagne reste la favorite de cette rencontre. Roberto Bautista Agut et Pablo Carreno Busta, tous deux top 30, sont de véritables pansements face auxquels il faut opposer une rigueur de tous les instants. L’espoir de l’équipe de France face à ces deux joueurs réside dans le fait que leur rendement respectif en Coupe Davis n’est pas peut-être pas encore à la hauteur de leurs éclats sur le circuit.

Restait à savoir quel Français allait se retrouver sur le terrain. Noah, on le sait, n’a jamais eu peur d’envoyer au feu des p’tits nouveaux, comme Adrian Mannarino face aux Pays-Bas en début d’année par exemple, ou Lucas Pouille en 2016. Le Cap’ a récidivé en choisissant d’aligner l’atypique Benoit Paire, onzième joueur différent utilisé par Noah depuis son retour et le 89e de l’histoire de l’équipe de France. L’Avignonnais en bleu, j’avoue que ça fait un moment que j’avais envie de voir ça. Connu pour ses colères et ses inconstances, mais aussi, évidemment, pour son talent protéiforme, Paire peut-il trouver avec la Coupe Davis un formidable terrain d’expression ? Avec Noah à ses côtés et la responsabilité de défendre ses couleurs et ses potes, je le crois. Attention, ça ne veut pas dire qu’il gagnera mais bien qu’il produira le ou les matches que l’on attend de lui où il saura doser à la fois concentration, rigueur et folie, dernier ingrédient sans lequel il ne serait plus lui-même.

Avec Lucas Pouille en revanche, Noah sait où il va. Et même si le régional de l’étape cafouille en ce moment sur le circuit, il reste sur du solide en Coupe Davis, où il avait été l’artisan de la victoire des Bleus en Italie, en quarts de finale. En double, il joue sur du velours avec ses vétérans Nicolas Mahut et Julien Benneteau, appelé… quatre jours après avoir pris sa retraite, en raison de la blessure de Pierre Hugues Herbert. Mais pour les Bleus, Bennet’ n’hésitera jamais à faire du rab’. Ce rab’ de Coupe Davis, la vraie, dont on a tous envie…