JEU DECISIF - Coupe Davis - A quoi jouent l’ITF et l’ATP ?

Les deux instances qui régissent le jeu se chicanent sur le dos de cette pauvre Coupe Davis. C’est à pleurer.

On dit que l’histoire ne repasse pas deux fois les plats. En tennis, il semblerait que ce soit le cas. Le nouvel imbroglio ATP / ITF concernant la Coupe Davis new look et la renaissance d’une sorte de Coupe du Monde par équipes me rappellent une situation déjà vue au coeur des années 90 : la guéguerre entre le Masters (ATP) et la Coupe du Grand Chelem (ITF).

Afin de concurrencer le Masters de l’ATP, l’ITF avait inventé la Coupe du Grand Chelem, épreuve qui réunissait seize joueurs sur la base des résultats en Grand Chelem, mais aussi et surtout outrageusement dotée (1,5 millions de dollars au vainqueur), afin d’attirer les tout meilleurs à une période de l’année où ils aspiraient surtout à partir en vacances. Disputé à Munich, ce tournoi ne reposait sur aucune légitimité sportive et n’était que la conséquence de la rivalité ridicule que se livraient alors les deux organisations. Au final, les deux épreuves ont fusionné en 2000. Pour être tout à fait exact, le Masters a progressivement absorbé la Coupe du Grand Chelem, cette farce trop richement dotée.

Alors que l’ATP a évoqué l’idée d’une Coupe du Monde par équipes pour ouvrir la saison en Australie, l’ITF, elle, voudrait réformer la Coupe Davis pour en faire une épreuve reposant sur un principe équivalant : toutes les équipes regroupées en un même site sur une durée d’environ dix jours, fin novembre. Au-delà de l’abandon du format actuel de la Coupe Davis (mais j’y reviendrai), on pourrait donc se retrouver avec deux épreuves quasi identiques, l’une fin novembre en Asie, la deuxième début janvier en Australie. Bonjour la cohérence. Chacun fourbit donc ses armes.

L’ITF s’appuie sur le groupement d’investisseurs Kosmos, où sont associés le géant du e-commerce japonais Rakuten et le footballeur Gerard Piqué (Rakuten est le sponsor maillot du FC Barcelone, le club du joueur espagnol), prêt à débourser trois milliards de dollars sur 25 ans pour soutenir cette Coupe Davis revisitée. Précisons par ailleurs que Kosmos avait préalablement toqué à la porte de l’ATP… Passons. Une question : quel joueur aura envie de repartir en Asie fin novembre alors que les dernières étapes du circuit ATP se déroulent en Europe ? La défense des couleurs nationales a ses limites, à mon avis. Les chèques proposés aux nations ou aux joueurs vont devoir être très conséquents.

Le projet de l’ATP offre trois atouts majeurs : sa date (avant l’Open d’Australie), son lieu (l’Australie, la Fédération australienne voulant fortement s’impliquer) et des points ATP (1000 aux participants qui remporteraient tous leurs matches). Et repose sur une meilleure proximité avec les joueurs via l’ATP Player Concil.

Je ne sais pas comment ce combat de coqs ou cette course contre la montre (« eh, c’est moi qui ai monté mon événement en premier ! ») va se terminer. Il va de soi que l’éventuelle cohabitation de ces deux événements n’aurait aucun sens et serait totalement illisible pour le grand public. Cela dit, comme l’ATP et l’ITF ont déjà montré leur talent pour arriver à ne pas s’entendre, nous ne sommes pas à l’abri d’un accident industriel. En quelques mois, cette veille dame légendaire qu’est la Coupe Davis vient d’apprendre qu’elle doit subir un drôle de lifting et qu’elle pourrait se retrouver en concurrence avec une jeunette. Sale période, vraiment…