JEU DECISIF - Nadal et Federer, for ever…

Plus leur rivalité s’étire, plus elle est belle. Le Suisse et l’Espagnol, opposés ce dimanche matin en finale à Shanghaï, continuent d’écrire le scénario d’un mano a mano absolument unique. Jusqu’où ?

<strong>(AP Photo/Andy Wong)</strong>
(AP Photo/Andy Wong)

Je ne sais pas s’il existe d’autres exemples dans l’histoire du sport où deux adversaires, dont les destins sont si intimement liés, montrent à chacune de leurs confrontations ou presque, combien ils évoluent à des années lumières de leurs contemporains, et ce, dans la durée. Alain Prost et Ayrton Senna par exemple étaient sans doute de cette race-là, dans un contexte différent puisque la course automobile n’est pas qu’un simple duel, mais il existe bien quelque chose d’à part lorsque Roger Federer et Rafael Nadal se retrouvent sur un court. Une alchimie unique à laquelle Novak Djokovic n’a jamais pu vraiment se mêler, même s’il a souvent évolué aux même altitudes que ces deux là.

On sait combien Rafael Nadal a fait de Roger Federer un meilleur joueur. Et inversement. Parce qu’ils se respectent et se craignent, ces deux fauves trouvent encore le moyen de nous surprendre. Et ce, malgré 38 confrontations, comme ce dimanche en finale du Masters 1000 de Shanghaï.

Ce ne fut pas un énorme match en termes de suspense, certes, mais il fut formidable dans son entame. Nadal, en pleine confiance, avait choisi de servir, avec visiblement la volonté de taper fort d’entrée, d’essayer d’asphyxier son dauphin au classement mondial. Il a eu le droit à l’effet boomerang, avec un Federer réglé au millimètre, en mode ping pong, l’oeil vif et les idées claires. Sur une surface rapide, comme celle du Qi Zhong Stadium, le toit fermé qui plus est, l’Espagnol n’a jamais eu le temps de mettre en place son jeu, contraint de tenter le coup gagnant bien plus rapidement qu’il n’aime le faire. A jouer -un peu- contre nature, le numéro un mondial s’est forcément exposé.

Ce qui me fascine le plus chez Federer, c’est justement cette capacité à hisser le curseur d’un cran lorsqu’il affronte Nadal. Le Federer de ce dimanche n’avait rien à voir avec celui qui n’avait pas été loin de se faire chiper le premier set de son quart de finale contre Richard Gasquet par exemple. Ni même de sa demi-finale face à Juan Martin Del Potro. Oui, il devient presque un autre, comme s’il avait la possibilité de régler des paramètres différents dans son logiciel à l’heure d’aborder Rafa. Cela ne veut pas dire qu’il s’impose à chaque fois, loin de là, parce qu’il en va de même pour Nadal d’une certaine manière. Pas ce dimanche toutefois où le Majorquin a aussi semblé légèrement handicapé dans sa capacité à trouver de bons appuis.

Cela dit, ce 94e titre pour Federer -ce qui lui permet d’égaler Ivan Lendl au nombre de trophées remportés- est venu confirmer une tendance : il est -en ce moment- au-dessus. Comme l’Espagnol le fut à d’autres périodes. Federer vient d’aligner une cinquième victoire de rang, dont quatre pour cette année, ce qui ne lui était jamais arrivé. Nadal lui, a déjà réussi cette série de cinq succès consécutifs à trois reprises et mène toujours largement dans leur tête à tête, 23 à 15.

Cette période faste pour le Suisse s’explique notamment par le fait que leurs derniers duels se sont déroulés sur dur, surface qui avantage tout de même Federer, mais aussi et surtout par le « reboot » de son revers, dont on vante les qualités depuis la finale de l’Open d’Australie. Le plus intéressant de leurs affrontements est lorsque l’un bat l’autre sur son terrain de prédilection. Et justement, je croyais ce Nadal, fort de son succès à l’US Open, capable de l’emporter aujourd’hui, malgré la rapidité de la surface. A l ‘inverse, j’aimerais bien voir ce Federer-là contre Nadal sur terre battue, ce qui a toujours constitué l’ultime défi du Suisse. Mais ça n’arrivera sans doute pas. Soit parce que Federer a définitivement fait une croix sur l’ocre. Soit parce qu’il n’évoluera peut-être plus à ce niveau parfois stratosphérique au printemps prochain. Wait and see…

En tout cas, pour Nadal, les choses sont claires : s’il veut remporter le Masters le mois prochain, unique grand titre qui lui manque, il va devoir trouver une recette nouvelle pour perturber son meilleur ennemi. Après ce rendez-vous de Shanghaï, il serait vraiment formidable que nos deux duettistes de l’au-delà terminent 2017 par une finale au Masters. Un feu d’artifices pour clôturer cette saison improbable qui les a vu redevenir, à des âges où beaucoup songent ou sont à la retraite, les deux meilleurs joueurs du monde. Mais vraiment les meilleurs.