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JEU DÉCISIF - Polémique Federer - L’éthique, c’est toc !

Le pataquès autour de l’éventuel traitement de faveur réservé à Roger Federer dans certains tournois (re)met en lumière une situation sur laquelle tout le monde ferme les yeux : le conflit d’intérêts dans le sport professionnel.

J’aurais bien aimé ne pas évoquer Roger Federer de nouveau mais force est de constater que l’actualité, une fois encore, tourne autour de lui. Et justement, c’est le tout le sujet. « Federer EST le tennis masculin » a même déclaré John Isner, invité à réagir aux propos de Julien Benneteau, sur RMC, au sujet du traitement de faveur dont serait l’objet le Maestro, notamment en terme de programmation. Isner n’est donc pas choqué et trouve même ça normal, eu égard au service rendu à ce sport par le champion suisse. Idem pour Novak Djokovic, très dans la com’ une nouvelle fois.

Oui, Federer a sans doute parfois bénéficié d’un traitement avantageux. Parfois, non, également, mais on n’en a rien su. Sur ce sujet, il faut simplement que les organisateurs des tournois du Grand Chelem se souviennent que leur épreuve est plus forte que les champions eux-mêmes et d’agir en conséquence, comme l’a fait Wimbledon cette année en envoyant Federer disputer son quart de finale sur le court n°1 (et puis le court 1 à Wimbledon, ce n’est quand même pas infamant, bref…). Voilà.

Mais Federer, selon moi, a commis une erreur : lancer sa Laver Cup, dont le format est excitant, reconnaissons-le, alors qu’il est encore lui-même sur le terrain. Si le monde du tennis regorge de personnages aux fonctions multiples (agent/coach/consultant médias/organisateur/élu), ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes éthiques, le Suisse, en devenant promoteur d’une épreuve via sa société, y est allé franco. Dans quel autre sport un champion en activité est-il également un organisateur ? Dans quel autre sport un champion en activité paie -et ô combien grassement- d’autres champions afin qu’ils viennent disputer son épreuve? Dans quel autre sport, un champion en activité fait travailler le patron d’un rendez-vous majeur, l’Open d’Australie en l’occurrence, tournoi qu’il dispute encore en tant que joueur ? Je ne sais pas vous mais je trouve ça un chouïa étrange. Alors voyons le verre à moitié plein : peut-être que tout ça se déroule en toute transparence et en toute intelligence, mais ce genre de situation est également la porte ouverte à la suspicion (retour ici sur la thématique programmation favorable, donc) Et lorsqu’en sport, le doute pointe le bout de son nez, c’est le début de la fin.

Je ne suis pas naïf. Ce qui arrive avec Federer dans le tennis se retrouve sous d’autres formes dans de nombreuses disciplines, où le sportif, les intérêts économiques, le législatif sont souvent aux mains des mêmes personnes. Ce terrain propice aux petits arrangements entre amis (bon exemple récent, le rugby), voire à l’iniquité, est la conséquence d’une situation très simple : la professionnalisation du sport, à partir des années 80, le basculement vers ce tout business, s’est effectué sans garde fou, chacun apprenant son métier sur le tas et multipliant des fonctions pourtant parfois incompatibles, sans que personne n’y trouve rien à redire.

Aujourd’hui, même si certaines instances tentent d’infléchir les choses, le pli est pris. Dans un monde merveilleux, l’ATP et l’ITF auraient dû demander à Federer d’attendre sa retraite pour mettre en route son projet. Mais la puissance et l’influence du Suisse ont tout balayé sur leur passage. Les deux organisations concernées n’ont même pas moufté. Quand un joueur, fut-il le plus grand de l’histoire, réduit au silence les deux principales entités qui régissent son sport, désolé, mais y’a comme un truc qui ne fonctionne pas.