JEU DECISIF - Un circuit pas très « gilets jaunes »

L’année 2019 démarre avec un nouvel ordre mondial dont sont exclus les joueurs les plus mal classés. Objectif affiché par la Fédération internationale : rendre plus difficile l’accès au professionnalisme. Quelle drôle d’idée !

Un circuit pas très « gilets jaunes »
Un circuit pas très « gilets jaunes »

Ici souffle le vent de la révolte depuis cinq semaines. Le jaune pour symbole et une idée fil rouge : rappeler aux élites qu’elles le sont beaucoup trop et demander un meilleur partage des richesses. Sur la planète tennis, on vient d’assister à l’effet inverse avec la réforme du classement mondial et des modes de participation aux tournois. Les riches ont fermé la porte aux plus démunis. La troisième division, celles des tournois Future, ne fait plus partie de la famille, enfin pas complètement, mais beaucoup moins.

Les joueurs disputant ces tournois n’apparaitront plus dans le classement ATP mais dans un classement à part régit par l’ITF. Ça s’appelle le World Tennis Tour et les mieux classés de ce circuit pourront glaner des places dans les tableaux des tournois Challenger, la deuxième division. Sept pour être précis : quatre dans le tableau final et trois pour un pré-tour qui concernera aussi une wild-card.

L’objectif affiché par les instances du jeu est de rétrécir l’accès au tennis professionnel considérant qu’il y avait trop de joueurs/joueuses classés -est-ce qu’être classé 1245e mondial a du sens ?- en réduisant ainsi le champs à environ 750 joueurs (ce qui vient d’être fait en retirant à tous les concernés leurs points en Future). L’ITF est parti du constat qu’économiquement, en dessous de la 300e place mondiale, il est quasi impossible de s’en sortir financièrement. Pourquoi alors laisser voguer tous ces galériens ? Soit. Sauf que ce n’est pas parce qu’ils auront disparu du classement, qu’ils n’existeront plus. Ils seront beaucoup à continuer à croire à leur rêve sauf qu’il le sera plus difficile d’y arriver. L’idée est que certains lâchent prise plus rapidement.

La beauté d’un sport est son côté ouvert et universel. L’ex-classement ATP très étendu en était une illustration, très facile à comprendre par le grand public qui plus est. La Coupe Davis où un mal classé pouvait affronter un cador en était une autre. Avec la réforme, près 1 000 joueurs ont disparu du classement ATP. Ils ont forcément le sentiment d’avoir été mis de côté, de devoir aller jouer dans leur cour, avant, par le biais de quelques strapontins, pouvoir être invité dans le grand monde et peut-être glaner quelques vrais points ATP.

Cette démarche des instances du tennis s’inscrit dans un mouvement global démarré depuis une quarantaine d’années dans le sport pro : constituer des ligues fermées comme aux Etats-Unis (rêve de certains grands clubs de foot européen également), favoriser l’entre-soi, ne prêter qu’aux riches. C’est dommage parce que jusqu’alors, l’ITF a toujours agit inversement comme avec le retour du tennis aux JO voulu par Philippe Chatrier par exemple, afin d’internationaliser encore plus ce sport, ou avec le fonds de développement du tennis à destination des pays les moins riches. Là, cette réforme s’inscrit dans une philosophie inverse. Tout comme celle de la Coupe Davis d’ailleurs, qui sous-entend, elle aussi, une certaine forme d’élitisme (il y aura par exemple deux wild cards pour la phase finale). Le tennis fait bien sa révolution. Mais dans l’autre sens.