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Jeux Olympiques : l'incroyable machination qui a failli priver les hockeyeuses espagnoles des JO 2008

Malgré sa qualification sur le terrain, l’équipe espagnole féminine de hockey sur gazon a failli être suspendue pour les Jeux de 2008 après de mystérieux tests positifs à l’ecstasy.

Dans le football, on entend souvent ces histoires de fans qui chantent sous les fenêtres de l’hôtel de leurs adversaires pour les empêcher de dormir. Une broutille par rapport au scandale hallucinant qui a touché le monde du hockey sur gazon en 2008, quand l’Azerbaïdjan a apparemment voulu mettre des bâtons dans les roues de l’équipe féminine d’Espagne pour l'évincer des JO de Pékin.

Quatre mois avant les Jeux d’été de Pékin, l’équipe espagnole semble être en bonne position pour aller en Chine. Elle remporte effectivement haut la main les premiers matchs de qualification en enchaînant cinq victoires d’affilée dans la ville de Bakou, en Azerbaïdjan. L’équipe du pays hôte la talonne et est censée la rencontrer en finale, espérant lui ravir le précieux sésame pour Pékin.

Mais le parcours des hockeyeuses ibériques jusqu'aux Jeux va se révéler plus périlleux que prévu. Les péripéties commencent à Bakou, avec de nombreuses tentatives de sabotage, et ne prendront fin qu'à l'arrivée à Pékin, quelques jours seulement après que l’Azerbaïdjan a essayé d'évincer l'Espagne en portant des accusations de dopage.

"C’est l’histoire la plus effarante que je connaisse en termes de magouilles internationales, se souvient Claire Middleton, la journaliste qui a fait éclater le scandale dans le Daily Telegraph. Elle est tellement incroyable qu'on n'aurait pas pu l’inventer."

Deux joueuses positives à l'ecstasy

Avant un match de qualification avec le Kenya, l’Espagne signale que quatre joueuses ont perdu connaissance dans leur hôtel après avoir respiré un gaz provenant du système de climatisation. Les officiels espagnols se plaignent aussi d'appels téléphoniques et d'alarmes incendie en pleine nuit, tandis que certaines joueuses tombent malades après avoir bu de l’eau fournie par les organisateurs du tournoi. Par ailleurs, le directeur du tournoi aurait reçu des menaces et des intrus se seraient immiscés dans le contrôle antidopage.

La veille de la finale contre les Azerbaïdjanaises, l’équipe espagnole décide d'aller dîner en ville dans un restaurant italien de Bakou. Le jour suivant, l’Espagne remercie Silvia Muñoz pour ses prouesses face à l’Azerbaïdjan, avec une victoire finale 3-2. Du pur bonheur.

Mais lors du contrôle anti-dopage obligatoire d'après match, deux joueuses sont testées positives à une substance très étrange dans ce contexte, l’ecstasy. Selon la Fédération internationale de hockey (la FIH), si plus d’une joueuse est testée positive, toute l’équipe doit être disqualifiée du tournoi. La course aux Jeux olympiques de l’équipe espagnole semble alors compromise.

Aucune preuve de sabotage

Il est vite apparu que les Espagnoles avaient mangé sur deux tables séparées la veille de la rencontre. Et heureusement, un membre de la FIH avait eu le nez assez fin pour prélever des cheveux de chaque joueuse. Les résultats ont révélé que la majorité des convives, y compris l’épouse de feu Marti Colomer, alors président de la fédération, était positive à la MDMA sur une des tables.

Le tollé en Espagne a évidemment été général : pourquoi, la veille du match devant leur ouvrir les portes des Jeux Olympiques, les joueuses et des membres de la fédération se seraient-ils amusés à prendre de la drogue ? La FIH va finalement opter pour une sanction minimale en accusant l'une des deux joueuses contrôlées positives de violation des règles anti-dopage avec absence de faute significative, et en disculpant totalement la deuxième.

Alors que la fédération de hockey espagnole crie au sabotage délibéré pendant ses deux semaines à Bakou, l’Azerbaïdjan saisit le TAS pour disqualifier les finalistes de la compétition. "Je suis persuadé que ces deux jeunes femmes n’ont rien à voir là-dedans. J’en mettrais ma main à couper", confie Colomer aux médias espagnols. Aucune preuve concrète de l’implication de l’Azerbaïdjan n’a été retrouvée.

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Que s’est-il passé ensuite ?

Le TAS rejette les accusations de dopage ainsi qu’un troisième appel de l’Azerbaïdjan, qui ne recule devant rien et demande à participer en dernière minute aux Jeux Olympiques. Son dernier appel a ainsi lieu deux jours à peine avant le premier match à Pékin !

"On est ravis qu’ils reconnaissent notre innocence", confie alors l’entraineur espagnol Pablo Usoz dans un journal local. "Tout est bien qui finit bien après ce complot mafieux", confirme le journal espagnol AS.

L’Espagne répond bien présente à la première rencontre à Pékin, mais perd nettement 3-0 contre la Chine. Claire Middleton, qui a assisté à la conférence de presse d'après match, souligne l’émotion évidente des joueuses.

"Toute cette histoire a bouleversé la préparation des Espagnoles aux Jeux Olympiques, se souvient la journaliste du Telegraph. Cet ascenseur émotionnel les a anéanties, alors que l’Azerbaïdjan s’en est sorti indemne." L’Espagne a finalement terminé septième au classement des Jeux Olympiques.

Quelles suites pour l’Azerbaïdjan ?

Loin de se laisser abattre, l’Azerbaïdjan a persévéré en hockey, participant en 2009 au EuroHockey Nations Championship de Manchester, avec une équipe qui n’est pas passée inaperçue, puisque près de la moitié des joueuses étaient des Sud-Coréennes, mariées à des locaux pour obtenir la double nationalité et jouer dans l’équipe azerbaïdjanaise.

Depuis 2016, la fédération nationale est privée de tournois internationaux pour ne pas avoir payé de compensation pour sa non-venue aux tournois des qualifications des Jeux de Rio.

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