Jeux Olympiques Tokyo 2021 : être un sportif olympique relève-t-il de l’inné ou de l’acquis ?

La perchiste russe Yelena Isinbayeva dans ses œuvres aux JO de Londres en 2012 (Photo : FRANCK FIFE / AFP / Getty Images)

La nature semble avoir gâté certaines personnes en les dotant d’un corps incroyable, capable de battre tous les records et de remporter des médailles. Toutefois, des exceptions existent.

Lorsque vous observez des athlètes olympiques, il se peut que vous vous demandiez s’ils ont façonné leur corps grâce aux entraînements ou s’ils ont été sélectionnés pour celui-ci, et si certaines caractéristiques physiques sont requises pour être dans le camp des champions. Lorsque nous regardons un athlète, nous jugeons souvent son corps ou nous essayons de justifier pourquoi un nageur a gagné autant de médailles en expliquant qu’il a des bras plus longs ou un dos plus large que ses concurrents.

Dans chaque sport, la morphologie et la constitution sont différentes. La morphologie fait référence à la taille, au diamètre des membres ou encore à la longueur des bras ou des jambes, alors que la constitution désigne les composants tels que la densité osseuse, le poids, le taux de graisse et de muscle, ainsi que leur tendance à être proéminents ou leur ratio taille/poids. La combinaison de ces facteurs peut avoir une incidence sur les victoires dans le domaine sportif.

Le photographe Howard Schatz a pris 125 photos d’athlètes de haut niveau, toutes rassemblées dans le livre Athlete. Il ressort clairement de ces photos que la morphologie change selon le sport concerné. Plusieurs chercheurs ont affirmé que le corps se développe en fonction des entraînements, c’est pourquoi dans des sports où la force joue un rôle important, la constitution musculaire l’emporte, alors que dans d’autres sports tels que la course de fond, qui nécessite de l’endurance, les athlètes sont moins grands et présentent une masse graisseuse moins élevée, ainsi que des jambes plus longues.

Les aptitudes physiques dépendent des besoins : certains sports nécessitent une bonne dose de coordination pour exécuter des pirouettes dans les airs ou pour tenir en équilibre sur une poutre, tandis que dans le cadre d’autres sports, il faut courir de longues distances ou réaliser des déplacements rapides et coordonnés en réponse aux actions d’un autre partenaire.

En natation, la forme du torse est cruciale, ainsi que sa longueur et son tour. Chez les nageurs de même taille, masse et surface corporelle, le haut du corps présente une résistance hydrodynamique différente à la même vitesse. Les nageurs dotés de bras plus longs ont une meilleure propulsion et avancent donc plus rapidement. Dans leur constitution, le muscle prédomine, mais dans certaines disciplines, les athlètes doivent être grands et minces.

Toutefois, les morphologies ont évolué au fil des années. Par exemple, une étude analysant les caractéristiques des gymnastes entre 1996 et 2016 a démontré que leur taille et leur morphologie avaient changé durant cette période (Anthropometric Characteristics of Olympic Female and Male Artistic Gymnasts from 1996 to 2016, par Amir Altikovic, International Journal of Morphology 2020).

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Évolutions flagrantes

En règle générale, les gymnastes sont petits, ce qui leur permet de tenir plus facilement en équilibre sur la poutre et d’exécuter plus aisément des tours lors des sauts. Ils présentent un poids inférieur à certains sportifs d’autres disciplines, mais sont dotés d’une grande force. La taille et le poids des gymnastes féminines ont évolué au fil des années et ont augmenté respectivement de 42,4 cm et de 5,77 kg. Aucune évolution n’a été constatée chez les gymnastes masculins. Il convient de noter que l’âge des sportifs olympiques a également augmenté de 4,02 ans chez les femmes et de 2,5 ans chez les hommes.

Le corps des gymnastes s’est transformé pour leur permettre d’exécuter les pirouettes auxquelles on assiste aujourd'hui. Les gymnastes sont petits, mais dotés d’une musculature bien développée au niveau des bras et du torse, ce qui leur permet de pratiquer et de coordonner tous leurs mouvements sur le cheval d’arçon, de tourner sur la barre ou encore de se propulser au sol.

Les standards de beauté en vigueur dans le passé ne correspondent pas à la morphologie actuelle. Les standards associés au corps sont différents, comme l’explique la championne olympique Simone Biles : "Aujourd’hui, je peux dire que je me suis affranchie des standards de beauté et de la culture nocive visant à générer des polémiques lorsque d’autres personnes ont le sentiment que leurs attentes n’ont pas été satisfaites, car personne ne devrait vous dire ce qu’est ou n’est pas la beauté", expliquait en 2020 la quadruple médaillée d'or, dans une interview parue dans le magazine Shape.

L'Américaine Simone Biles, star mondiale de la gymnastique (Photo : Ulrik Pedersen / NurPhoto via Getty Images)
L'Américaine Simone Biles, star mondiale de la gymnastique (Photo : Ulrik Pedersen / NurPhoto via Getty Images)

Les caractéristiques physiques des coureurs ont également été étudiées, et il s’avère que la capacité aérobique, la constitution, la longueur des cuisses, le seuil anaérobie, l’économie de course, la dépense énergétique et la longueur des foulées ont un impact sur les performances. Les coureurs de longue distance présentent une masse graisseuse moins importante, une masse musculaire proéminente, ainsi que des jambes plus longues et plus sèches, ce qui leur confère une meilleure efficacité de course. Il existe même des différences entre les sportifs de marche athlétique selon la distance parcourue : ceux qui participent à des compétitions de 20 km ont plus de masses musculaire et graisseuse, ainsi qu’un tour de torse plus important que ceux concourant à des compétitions de 50 km.

Dans les sports d’équipe, la constitution varie selon le sport en question et est déterminée par le poste occupé dans le jeu. En volley-ball, sport dans lequel la précision et la puissance sont de mise, des athlètes rapides et forts sont indispensables. Des recherches ont prouvé que l’entraînement doit être régulièrement évalué, en surveillant les sauts par rapport aux compétences et aux aspects techniques et tactiques. Les joueurs de basket-ball sont plus grands et ont des diamètres de corps plus larges, une masse et un volume corporels plus importants, ainsi qu’une masse graisseuse plus proéminente que les joueurs de football, car leur sport présente d’autres particularités d’exécution.

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Un corps (et un entraînement) adapté à chaque sport

Les caractéristiques anthropométriques ont toujours dû faire l’objet d’une surveillance, en gardant notamment en tête la sélection des futurs champions, étant donné que certains auteurs affirment que la morphologie peut influer sur le succès sportif.

Il convient de noter que le développement du corps ne relève pas uniquement des entraînements, puisqu’il doit s’accompagner d’une combinaison de caractéristiques physiologiques et physiques, ainsi que de facteurs héréditaires, nutritionnels et socioculturels.

Nous devons prendre en compte le fait que toutes les spécialités nécessitent des années d’entraînement et de pratique, et que certains sports (tels que la gymnastique) doivent être pratiqués dès le plus jeune âge. La réussite dans le domaine sportif dépend de l’entraînement ciblé, de l’organisation, de l’adaptation de chacun aux programmes d’entraînement, de l’expérience en compétition, de la motivation et des facteurs psychologiques, ainsi que de la morphologie et du type de corps favorisant des performances accrues.

Selon le sport pratiqué, l’entraînement aura pour conséquence le développement de capacités physiques propres à la force, à la vitesse, à la puissance, à l’endurance aérobie, à la vitesse psychomotrice, à la coordination et à la flexibilité. Et enfin, il y a la technique, qui peut parfois être déterminante entre des athlètes au corps similaire ou présentant même des différences.

Voici un exemple illustrant ce dernier point : Michael Phelps, qui est doté de toutes les caractéristiques nécessaires à un nageur, que ce soit la carrure, la longueur des bras ou encore une bonne flexibilité. Mais il adopte également une technique qui lui permet d’avoir une meilleure propulsion non seulement lorsqu’il nage, mais également lorsqu’il fait des battements avec ses pieds sous l’eau quand il plonge et exécute le virage. Son torse et sa tête restent fixes, et ses bras sont tendus, tandis que ses lombaires se coordonnent avec ses membres inférieurs pour réaliser le mouvement ondulatoire des battements d'un dauphin.

Nous pensons souvent que la morphologie est l’aspect le plus important, mais des différences existent entre les athlètes olympiques, y compris au sein d’un même type de sport. Les gènes jouent également un rôle clé dans la morphologie et dans certaines caractéristiques physiques. La morphologie est bien sûr un point crucial, mais il convient de garder toujours à l’esprit que sans une bonne technique, aucun athlète ne peut gagner de compétitions, même s’il est doté d’un corps incroyable, et que sans motivation ni soutien de l’entourage, il se heurtera à des obstacles.

Comme l’a déclaré Simone Biles lorsqu’il lui a été demandé quel conseil elle donnerait à une personne qui voudrait devenir sportive olympique comme elle : "Ne baissez jamais les bras et notez vos objectifs. Levez-vous tous les matins et faites quelque chose qui vous plaît, qui vous passionne."

Être un athlète relève de l’inné et de l’acquis, et la combinaison de tous les facteurs permet aux athlètes d’atteindre la plus haute marche du podium.

Par le Dr Soledad Echegoyen, spécialiste en médecine du sport

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