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John McFall, 41 ans, médaillé paralympique, médecin et premier para-astronaute de l’histoire

John McFall - AFP
John McFall - AFP

John McFall, pourquoi vous êtes-vous inscrit à la campagne de recrutement de l’agence spatiale européenne (ESA)? Aviez-vous à ce moment un espoir d’être sélectionné?

Quand j’ai entendu que l’ESA cherchait des astronautes avec un handicap physique pour "le projet de faisabilité de para-astronaute", j’ai lu les critères. Cela m’a semblé tellement intriguant et tellement ambitieux, un projet vraiment inspirant. Je me suis senti obligé de me présenter. J’ai senti que je pouvais vraiment aider l’ESA à répondre à cette question: une personne avec un handicap physique peut-elle travailler comme astronaute dans l’espace? Est-ce que j’avais confiance d’être choisi? Non. Je pensais que je pouvais les aider. Mais je n’avais aucune idée que je pouvais aller aussi loin.

Est-ce qu’à un moment du processus de sélection vous vous êtes dit, 'il y a une chance que je sois choisi'?

Je me suis dit "si tu arrives à passer la deuxième batterie de tests, celle des questions psychomotrices, la plus dure, parce que le reste ce ont des entretiens et des questions techniques, alors là tu as une chance.

Lors de ce cheminement, avez-vous senti que votre prothèse à une jambe pouvait vous empêcher d’être appelé? Que peut-être elle ne correspondait pas à ce que l’ESA cherchait?

(Il réfléchit). Quand j’ai lu les critères demandés, l’ESA cherchait quelqu’un avec un handicap des membres inférieurs ou quelqu’un de petite taille. Mon handicap n’entrait pas parfaitement dans les exemples donnés. Mon amputation est légèrement plus haute que ce qui était expliqué sur le formulaire. Mais ils encourageaient tous ceux qui pensaient faire l’affaire à postuler. C’est pour cela que je me suis lancé.

Sur votre CV, vous êtes un athlète médaillé aux Jeux paralympiques puis vous êtes devenu médecin. En fait, vous essayer d’aller de plus en plus loin, faire quelque chose de plus en plus compliqué...

Non (rires). Ce n’est vraiment pas la raison. Je ne suis pas de ceux qui essayent de se challenger tout le temps. Je ne suis pas compétitif à ce point. J’ai vu ça comme une opportunité extrêmement intéressante et inspirante. C’est ce qui m’a poussé. Je suis plutôt des gens qui voient une opportunité face à eux et la choisissent simplement parce que c’est une chance et pas parce qu’elle va m’emmener quelque part. C’est quelque chose de profond, un sentiment personnel très fort. J’ai trouvé ça intéressant et j’ai foncé.

La Grande-Bretagne n’a pas une longue tradition d’astronautes. Avez-vous été aidé, pris en main par l’un des trois astronautes qu’a connus la Grande-Bretagne?

Oui. J’ai passé pas mal de temps de temps avec Tim Peake (le premier Britannique envoyé en mission dans la station spatiale internationale en 2015), un gars très sensible et avec beaucoup d’expérience. J’ai aussi eu une correspondance avec l’agence spatiale du Royaume-Uni (UK Space Agency). Ils ont été d’un soutien énorme dans cette aventure.

En tant qu’ancien champion, avez-vous une éthique de travail, d’entraînement, qui vous a aidé durant la sélection et qui vous aidera à devenir astronaute?

Tout au fond je moi je le pense. Quand je regarde ce que j’ai fait dans ma vie, je sais dire ce que je peux réaliser si je mets tout mon esprit dans une tâche, si je travaille dur. Ce que j’ai appris de mes années d’athlète paralympique c’est que si je travaille dur je peux y arriver. Mon mantra serait‘fait toujours le mile supplémentaire, la vie te récompensera’.
Est-ce qu’il existe des ponts entre votre ancienne carrière de sportif, celle de médecin et maintenant celle d’astronaute?

Oui et il y a un lien avec votre question précédente. Il y a des similarités. Il y a une excitation à explorer, à s’aventurer et à grandir en tant qu’individu, à prendre les opportunités que je peux prendre.

Il y a aussi peut-être un parallèle à faire: dans le sport, vous vous entraîniez des années pour une course de 12 secondes, pour devenir astronaute, vous aller travailler, répéter des années, pour une mission de quelques mois...

Le résultat d’une course c’est quelque chose de différent. L’état d’esprit et la discipline pour s’entraîner sont très similaires.

Quand vous étiez athlète, vous courriez pour la Grande-Bretagne. Cette fois, vous avez l’emblème de l’ESA sur la poitrine. Cela vous donne-t-il une plus grande responsabilité?

La science, l’exploration spatiale par l’homme, c’est un stade international. Tout le monde fait ça pour le bénéfice de la science. L’objectif commun c’est le bénéfice de la science. La science transcende les frontières entre les nations. C’est important que toutes les agences spatiales internationales collaborent entre elles, aient un but commun pour apporter ce bénéfice de ce qu’on apprend dans l’espace aux terriens.

Est-ce que vous vous rendez compte que la conquête spatiale est un domaine qui surpasse les autres dans le regard des gens?

Chaque étape de ma vie a son propre existence. Etre un athlète et gagner une médaille était un moment important de ma vie. J’ai beaucoup appris sur moi à ce moment-là. Pour moi, tous ces domaines sont d’importance égale.

Comment parlez-vous à vos trois enfants de votre nouveau métier? Vous leur dites ‘papa va aller sur la lune’?

(rires) c’est ce que les gens disent habituellement: "vous êtes astronaute, quand allez-vous sur la lune?" C’est pareil avec mes enfants. Ils me disent ‘papa on ne veut pas que tu ailles dans l’espace, tu vas nous manquer’. Le plus important c’est qu’ils soient très intéressés et c’est le cas. Je voudrais leur ouvrir les yeux sur l’espace et la science, qu’ils réalisent qu’il y a quelque chose au-delà de leur monde, qu’ils peuvent explorer et apprendre de ces choses.

Vous êtes le premier para-astronaute de l’histoire, quel est votre emploi du temps maintenant. Allez-vous faire des tests pour votre prothèse par exemple?

Oui, c’est l’une des grandes questions à laquelle nous avons besoin de répondre. Ce sera l’un des buts du projet dans les deux années à venir. Nous allons devoir identifier les barrières technologiques et scientifiques pour me permettre ou à une autre personne avec un handicap physique, de travailler dans l’espace. Quant à savoir la prothèse que je devrai porter, c’est quelque chose qui sera déterminé mais le projet le permettra. Je sais qu’il y a eu une Américaine, amputée, qui a participé à une expérience en microgravité. Mais c’était une initiative privée. Là, dans le projet il s’agit de soulever les questions et d’avoir les réponses pour me permettre à moi et mes compagnons de travailler dans l’espace. Pas en tant que touriste mais en tant que scientifique.

Est-ce que l’ESA a parlé avec vous de la possibilité de ne pas aller dans l’espace. C’est un processus très long. Seriez-vous déçu de ne pas aller dans l’espace?

C’était l’une des questions au moment des entretiens: "que ressentiriez-vous si vous n’alliez pas dans l’espace?" C’est une réelle possibilité. Pour moi, ce qui est important, c’est le processus d’apprentissage, la face scientifique. La possibilité d’apprendre davantage sur les problèmes qui me sont liés, apprendre des choses nouvelles. Mais oui bien sûr, je serais déçu de ne pas aller dans l’espace.

Maintenant, votre emploi du temps va être rempli d’entraînements et de voyage.

Pour l’instant, je finis mon entraînement à l’orthopédie et à la chirurgie. Dès que j’ai terminé je commence le projet de faisabilité. Cela dépend de la fin de mon entraînement. Cela doit être confirmé.

Peut-on vous imaginer en tant que docteur de la station internationale dans quelques années?

Je pense vraiment que mon passé médical m’a mis dans une position où je pourrais avoir un tel rôle en effet. Mais je ne pense pas que l’on pose des prothèses de hanche dans l’espace.

Article original publié sur BFMTV.com