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Kaiser un jour, Kaiser toujours

En 19 ans de carrière, Franck Ribéry a tout connu ou presque. Deux décennies passées pied au plancher où le pire, et surtout le meilleur, se sont entremêlés pour tisser le canevas d’un parcours hors norme. Focus sur un Ch’ti devenu empereur d’Allemagne qui n’a rien perdu de son mordant.

Ribéry
Ribéry

27 juin 2006, au FIFA-WM-Stadion de Hanovre. L’équipe de France court après le score face à une Roja bien décidée à envoyer Zidane à la retraite à l’issue de ce huitième de finale de Coupe du monde. On dispute la 41ème minute de jeu lorsque soudain, un gamin de 23 ans récupère le cuir, et met en transe le regretté Thierry Gilardi, dont la voix nous parvient encore aujourd’hui : “Ribéry, Vieira… Vieira oui pour Ribéry… qui va arriver devant Casillas ! Vas-y mon petit… Et elle est dedans ! Elle est dedans ! Le premier but de Ribéry avec l’équipe de France ! Il est génial le môme !

Pas mal d’eau a coulé sous les ponts depuis cet exploit retransmis en Mondovision. Le mythique commentateur qui l’a narré n’est plus, Zizou n’empile plus les titres du même côté de la pelouse, et la bande à Iniesta a depuis longtemps étanché sa soif de titres. Le gamin de Boulogne-sur-Mer, qui déployait ses bras pour célébrer le but de l’égalisation contre l’Espagne, est quant à lui devenu un vétéran du rectangle vert. Un joueur respecté, que onze années de fidélité au Bayern et de déboulés rageurs ont placé sur le trône de Bavière.

Avec le Rekordmeister, “Kaiser Franck” a tout gagné. Titres de champions d’Allemagne, coupes nationales, Ligue des champions, Mondial des clubs, Supercoupe d’Europe : 19 trophées en tout, comme autant de claques collées dans la tronche de ses détracteurs, toujours plus prompts à relever ses écarts de langage qu’à louer la qualité de ses crochets. Des railleires faciles, parfois blessantes, dont le n°7 du club bavarois doit aujourd’hui se moquer comme de sa première paire de vissés.

Chien de la casse et jambes de feu

A 35 ans, Ribéry a tout connu ou presque. La victoire, la défaite, la disgrâce, les bus révoltés et mal garés, les blagues potaches, les coups de sang, l’injustice, la vindicte, les blessures, les applaudissements, le frisson du but… Pas vraiment le genre de cocktail qu’ingurgitent les gendres idéals du ballon rond. Plutôt un tord-boyaux pour chien de la casse. Pourtant, quelques 650 matchs après le début de sa carrière, Franky en redemande.

Alors certes, les jambes de feu qui l’ont porté jusqu’au podium du Ballon d’or en 2014 ne répondent plus aussi bien que par le passé, et les pépins physiques scandent depuis longtemps des saisons rarement pleines – seulement 14 titularisations lors du présent exercice. Reste que lorsqu’une soirée de gala pointe le bout de son hymne, le milieu de terrain français n’hésite pas à sortir son plus beau smoking.

Comme lors du quart de finale aller de Ligue des champions face à Séville. Longtemps bousculés par des Palanganas sans complexe, incapables de trouver un Robert Lewandowski littéralement éteint par Pavard, les Bavarois s’en sont remis à leur vétéran français pour trouver la faille. Virevoltant comme aux premiers jours de son bail allemand, Ribéry s’est rendu maître de son couloir durant près de 80 minutes, poussant un malheureux Jesús Navas à la faute sur le but de l’égalisation munichoise, et déposant un amour de centre sur la tête de Thiago Alcántara pour celui de la victoire. Propre, comme le sont les performances du Français depuis plus de deux mois.

Auteur de trois buts et deux passes décisives durant cette période, Ribéry s’offre une seconde jeunesse au meilleur des moments. Écœurés par leur élimination polémique l’an passé en quart de finale de la C1 face au Real, les Bavarois retrouvent en effet ce soir la formation madrilène pour une double confrontation au doux parfum de revanche. Le genre de rencontre de prestige qui aiguise l’appétit des joueurs d’expérience. Un cercle que le “môme génial” célébré un soir d’été 2006 par un commentateur inoubliable a désormais rejoint.

Olivier Saretta