KSW: pourquoi Salahdine Parnasse est la pépite du MMA français

La formule, signée de son adversaire, raconte tout de sa réputation: "Si je bats Parnasse, je pourrai dire: 'Putain, je suis l’un des meilleurs au monde!'" A l’heure de défendre son titre incontesté des légers du KSW face au champion des plumes Salahdine Parnasse ce samedi devant près de 60.000 personnes dans le stade national de Varsovie (Pologne), Marian Ziolkowski a conscience de qui se présentera en face dans la cage. "Je suis le meilleur combattant français à l'heure actuelle", lance l’intéressé. "C’est le numéro 1, incontesté", lance Stéphane "Atch" Chaufourier, son entraîneur principal et mentor.

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"Sincèrement, demandez à tous les Français de son poids ou autour avec qui il a tourné, tous les diront sans exception, appuie Arnaud Templier, son coach de pieds-poings à la Atch Academy. Je mettrais Mansour Barnaoui avec lui mais je pense que Salahdine est au-dessus du lot techniquement, sur l’intelligence de combat et sur le peu de coups qu’il a pris dans sa carrière." Logique de voir son staff approuver. Mais la chose va bien au-delà. Dans le milieu, beaucoup de spécialistes partagent cet avis. Si on mettait tous les combattants français au même poids, principe du classement pound-for-pound (littéralement kilo pour kilo, soit toutes catégories confondues), Parnasse sortirait sans doute vainqueur du tournoi sur ses qualités de combattant.

"Une victoire contre Ziolkowski viendrait confirmer tout ça, estime Cédric Doumbé, la légende du kickboxing passée au MMA et qui vient de signer au PFL. Les détracteurs diront qu’on ne l’a pas encore vu contre des grands noms de ce sport mais il ne faut pas oublier son âge. Il grandit petit à petit. A son âge, il a accompli ce que personne n’a accompli dans ce sport en France." Mais pourquoi de tels éloges à vingt-cinq ans et alors qu’il ne combat pas encore dans la plus grande organisation au monde, l’UFC? Il suffit de le voir dans la cage pour comprendre. Symbole d’une nouvelle génération directement formée au MMA sans passer par un autre sport de combat avant, le gamin d’Aubervilliers qui a poussé les portes de la Atch Academy à onze ans se résume en deux mots: ultra complet.

"Il sait tout faire, témoigne Atch. On a un gars qui maîtrise tous les paramètres du MMA. C’est juste un animal. Une denrée rare. Il va vite, il sait lutter, défendre la lutte, il a un sol improbable, un striking et un cardio de folie. Qu’est-ce que tu veux de plus? C’est juste exceptionnel." "C’est un peu le combattant ultime, sans carence, complète Templier. Il est fort en grappling, en lutte, en boxe, et surtout sur les transitions, de la boxe à la lutte, de la lutte au sol et du sol à la soumission. Très peu de Français arrivent à faire cet enchaînement mais il le fait. C’est vraiment le MMA ultime. Il a un niveau de boxe exceptionnel mais c’est un pur combattant de MMA."

Sur ses dix-sept victoires professionnelles, Parnasse affiche plus de soumission (sept) que de KO/TKO (deux). Mais on le juge plutôt comme un spécialiste de striking, roi du toucher sans être touché, signe d’un talent protéiforme qui complique l’idée de lui coller une étiquette. "Le sol, il s’en sert instinctivement, sourit Atch. On ne voit pas ça dans toutes les écoles." Habile pour contrôler la distance, jouer sur les feintes pour envoyer de fausses informations, difficile à lire par la variété de son jeu (qu’on retrouve aussi en défense), Parnasse représente le combattant sans faille ou presque. Et qui fait très peu d’erreurs. Combo implacable. "En boxe, il va vite des bras donc il a des facilités, explique Templier. Il est explosif, très intelligent, il a un bon timing, il esquive, remise, feinte, c’est un combattant dur à manœuvre. Beaucoup d’entraîneurs du milieu de la boxe anglaise me le demandent en sparring pour préparer des combats."

Le tout avec une approche calculée de sa discipline, tout en gestion contrôlée. "Il a un super QI de combat, analyse Boris Jonstomp, coach de MMA à la Atch Academy et en charge du travail sur les transitions (et les réflexes) avec Parnasse. Si notre stratégie ne va pas comme ça doit aller, il est capable de changer du tout au tout. Il sait se réadapter. Il est aussi très félin et sur de la lutte ou du grappling, il va s’adapter facilement à son adversaire, voire le surpasser." "Il est vraiment au-dessus du lot au niveau de l’intelligence de combat, appuie Templier. Et il prend très peu de coups. Il peut gagner au sol comme debout. Je viens d’une école ou les sports de combat c’est mettre des coups sans en prendre et il a adhéré à mon école. Il a cette finalité de gagner ses combats sans prendre de coup car il n’aime pas ça."

La vitesse et le cardio sont d’autres atouts qui collent à la peau de celui qui dit s’adapter "au style en face" selon l’adversaire. "Il est rapide, oui, mais il n’y a surtout pas beaucoup de personnes qui ont son timing, détaille Jonstomp. C’est sa plus grosse qualité. Il arrive à lire les trajectoires, à frapper avant que votre garde ne revienne si vous essayez de le frapper. Et pour ça, il faut avoir une lecture parfaite. Ça va très vite dans sa tête. Le cardio? Je ne l’ai jamais vu fatigué depuis qu’il est pro. La dernière fois, il était encore gamin, même pas majeur." On utilise souvent les mots génie ou prodige pour évoquer Parnasse. On pousse même la comparaison avec un certain Kylian Mbappé. Mais un autre parallèle avec un footballeur star permet de comprendre comment il est devenu si fort et pourquoi il continue de progresser. "C’est un travailleur, et ça depuis tout petit, pointe son grand frère Samir. Tu vois Cristiano Ronaldo dans le foot ? Salahdine dans le MMA, c’est pareil!"

Hyperactif depuis son enfance, Parnasse transforme cette énergie en charbon. Quand on demande à son staff de le décrire en trois mots, les termes choisis basculent tous dans le champ lexical du gros bosseur: "travailleur", "rigueur", "détermination", "persévérance". Lui-même parle d’un "élève sérieux". A l’image de l’infatigable Manon Fiorot, la meilleure combattante français proche du titre chez les mouches à l’UFC, Parnasse est un bourreau de travail. "A ce niveau-là d’entraînement, je dirais que c’est une drogue", en rigole Fabacary Diatta, combattant du Bellator et son coéquipier depuis l’adolescence. Dans l’enfance, les deux ont déjà demandé les clés de la Atch Academy pour s’infliger des séances en plus, allant jusqu’à dormir dans la salle.

Une anecdote qui raconte tout de ce passionné de son sport (et d’arts martiaux depuis tout petit). "Quand je le vois à l’entraînement, ça me décourage, avoue Doumbé, qui a partagé des séances avec lui. Physiquement, il est prêt toute l’année." "Pour avoir le niveau qu’il a aujourd’hui, il faut se tenir à des choses bien précises, rappelle Atch. Si tu n’as pas de rigueur, tu n’arrives à rien. Et lui, il est à fond dedans. Tout le temps. Depuis des années, il est là deux fois par jour. Tenir ce rythme-là pendant près de dix ans, c’est juste incroyable. Et ce sont des charges de travail énormes. Il se sent bien dans cette dureté et ça donne une machine de guerre. Il ne peut que réussir avec cet état d’esprit."

"Il n’a jamais raté un cours et il a toujours mis du cœur à l’ouvrage, savoure Templier. Il est dans un train et ne regarde pas ce qui se passe à droite ou à gauche. Il avance et il bosse plus que les autres, tout simplement. Il y a un talent et des qualités intrinsèques mais beaucoup pensent que c’est un surdoué alors que non. Mais c’est quelqu’un avec une charge de travail très au-dessus de la moyenne. Il est amoureux du sport, de la dureté du sport. Amoureux de s’entraîner deux fois par jour. Au collège ou lycée, en vacances ou quand ses copains allaient au cinéma, il venait à la salle. Avoir un athlète comme lui, c’est le rêve de tout entraîneur." Le coach de striking insiste sur "une grande capacité d’apprentissage sur les choses sur lesquelles il prend du plaisir": "Travailler uniquement la technique, il n’aime pas ça. Il va forcer sinon ça va le saouler rapidement. Il a besoin d’être dans le dur."

Jonstomp résume le tout: "Il est là avant moi et il part après moi. Tous les jours depuis plus de dix ans." L’intéressé verse dans le cliché: "On apprend tous les jours". Avec lui, il devient réalité. "J’ai tout ça en moi, reprend celui qui s’entraînait déjà comme un fou pour se venger quand il perdait une bagarre dans l’enfance. Le fait de ne pas lâcher, de travailler à fond, c’est en moi. J’aime quand c’est dur et j'ai envie de réussir donc je me donne les moyens pour. Cette persévérance, c'est ce qui paie aujourd'hui." Tellement volontaire que son staff doit parfois freiner ses ardeurs à l’entraînement. "Mon plus grand ennemi, c'est moi-même, reconnaît-il. A moi de contrôler, d'être intelligent dans ce que je fais, de prendre des jours de repos."

Acharné, déterminé, la recette Parnasse. "Depuis qu’il est petit, chaque fois qu’il fait quelque chose, s’il n’y arrive pas du premier coup, il ne va pas lâcher l’affaire jusqu’à ce qu’il y arrive, raconte Jonstomp. Pour des simples pompes ou un simple échauffement, il ne lâche jamais. Et il est sûr de lui, de ses techniques, de ses capacités, de son cardio. Je ne trouve pas que ce soit un génie mais je pense que son talent découle du fait qu’il ne lâche jamais rien et qu’il soit sûr de lui. C’est un champion. Et je pense qu’on naît champion. S’il avait été avec d’autres personnes, il serait aussi un champion." Le package est déjà complet. Mais il peut encore grossir. Sur une échelle entre un et dix, Atch estime que son poulain est à "six-sept" de son potentiel. S’il dit vrai, c’est effrayant pour la concurrence…

"On est en train de travailler sur cette table de mixage à faire les petits réglages qui vont bien pour en faire un jour le numéro 1 mondial", ajoute son coach principal. Atch évoque une marge de progression "en lutte, sur la technique au sol car il faut beaucoup de choses à l’instant" et même sur "le cardio" (dingue quand on sait le niveau qu’il possède déjà sur ce plan). "Il est encore loin d’être à son prime, appuie Templir. Dans mon domaine, la boxe, on peut l’amener encore plus haut sur un travail technico-tactique et des stratégies où il va faire tomber son adversaire dans des pièges que seul lui peut contrôler, rendre fou l’adversaire au moment où il le décide."

Jonstomp, qui précise que le garçon est "plus posé, pas comme le chien fou du début", préfère parler d’un "ensemble": "Il va progresser en MMA, dans sa globalité. Pour ma partie, il maîtrise les transitions mais ce sera encore mieux avec le temps. Partir d’un sol où il est dominé, venir se relever et inverser la tendance. Un axe d’amélioration reste aussi les finishs pour terminer le combat avant la limite. Si l’adversaire fait une erreur, comment va-t-on le finir? Est-ce qu’on va se précipiter au risque d’être accroché et qu’il récupère?"

Le plus gros axe d’amélioration se trouve sans doute en dehors de la cage. Pas très à l’aise derrière les micros, même s’il s’améliore, Parnasse devra s’habituer à la lumière et à ses devoirs pour devenir la superstar que son talent promet. "Il vend son image avec sa façon de combattre et son sourire après la victoire, lance Atch. On a fait un peu de média training mais ce n’est pas quelque chose qui le botte donc pas envie que ce soit un blocage pour lui. Mais on lui fait comprendre que c’est hyper important dans une génération où il faut savoir se vendre." S'il doit devenir le porte-drapeau du MMA français, comme beaucoup lui promettent, Salahdine Parnasse ne devra rien négliger.

Article original publié sur RMC Sport