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L’ex-petit ami de Shaïna condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de l’adolescente

Quatre ans après les faits, le procès de l’ex-petit ami de Shaïna avait lieu cette semaine (photo prise devant le palais de justice de Beauvais lundi 5 juin, à l’ouverture du procès).
Quatre ans après les faits, le procès de l’ex-petit ami de Shaïna avait lieu cette semaine (photo prise devant le palais de justice de Beauvais lundi 5 juin, à l’ouverture du procès).

JUSTICE - C’était un procès emblématique des violences faites aux femmes. Dans la nuit de vendredi à ce samedi 10 juin, la cour d’assises des mineurs de l’Oise a condamné à 18 ans de réclusion criminelle l’ex-petit ami de Shaïna, cette adolescente poignardée et brûlée vive en 2019 à Creil alors qu’elle était probablement enceinte de lui.

« Pourquoi ? Pourquoi ? », a réagi l’accusé, teint blême, barbe naissante et yeux sombres, à l’énoncé du verdict, dans la nuit de vendredi à samedi, après 4 heures de délibéré. Puis, invectivant les jurés : « Vous avez tort ! Je suis innocent ! »

« 18 ans ! C’est ça la justice en France ! », a de son côté lancé le frère de Shaïna, Yasin, en larmes. À l’issue d’échanges tendus avec l’accusé, il a fait un malaise, entraînant une suspension d’audience. Il a été conduit à l’hôpital.

Auprès de l’AFP, le père de Shaïna s’est lui dit « déçu de la justice ». « La justice se fout des violences faites aux femmes », a estimé Me Negar Haeri, avocate de la famille. Entre détention provisoire et remises de peine, l’accusé « sort dans huit ans », a-t-elle estimé.

Manque d’empathie et narcissisme

Le jeune homme de 17 ans sans affaires au moment des faits n’aura eu de cesse de clamer son innocence, une ligne de défense qui n’a pas attendri l’avocat général. À l’inverse, le parquet avait demandé la levée de l’excuse de minorité de l’accusé, pour réclamer 30 ans de réclusion criminelle et non les 20 auxquels un mineur peut-être condamné.

Présenté comme « terrifié » par sa défense, au vu de la violence du crime et de la médiatisation de l’affaire, l’accusé a été fustigé par les parties civiles pour un manque d’empathie et un narcissisme pointés, selon elles, par l’expert psychiatre.

Shaïna, morte à 15 ans, avait été victime deux ans plus tôt dans sa cité d’agressions sexuelles, dont les images avaient été diffusées, l’exposant selon maître Negar Haeri, l’avocate de sa famille, à être traitée « comme une chose ». Quatre autres jeunes ont été condamnés le 1er juin en appel pour ces faits à des peines allant de six mois à deux ans de prison avec sursis.

Selon l’enquête, Shaïna, décrite par sa mère comme « rigolote et souriante », dégageant « toujours de bonnes ondes », entamait probablement une grossesse, qu’elle attribuait à l’accusé. Ce dernier aurait pu être mu selon les parties civiles par la crainte de souiller son image et de perdre l’amour de ses parents s’il rompait avec leurs exigences de perfection, sur fond d’interdit religieux autour de la sexualité.

En deux ans, Shaïna a vécu « toutes les violences de genre »

Tout au long du procès, les audiences ont été marquées par le revirement ou l’absence de témoins à charge. Un ami de l’accusé a affirmé ne plus se souvenir d’avoir vu du sang sur ses vêtements au lendemain des faits. Deux ex-codétenus, selon lesquels le jeune homme se serait vanté en prison d’avoir tué pour ne pas endosser la paternité d’un « bâtard », ne se sont pas présentés malgré un mandat d’amener.

Pas de quoi affaiblir l’accusation, pour maître Haeri, qui a mis en avant les « éléments objectifs » de l’enquête : « des fadettes, une géolocalisation » et des plaies sur la jambe de l’accusé, imputées par un expert médical à des brûlures. Selon l’avocate de la famille, le jeune homme n’a pas non plus « été en mesure d’expliquer ce qu’il faisait ni où il était » le soir des faits. Son portable, disparu et éteint à l’heure du crime, avait auparavant borné, avec celui de Shaïna, à 500 m du cabanon où elle a été tuée.

En deux ans, Shaïna « a vécu toutes les violences de genre : un viol requalifié en agression sexuelle, des violences physiques et psychologiques, des insultes, des faits de harcèlement », face auxquelles la justice n’a « pas toujours été à la hauteur », a pointé après sa plaidoirie vendredi maître Zoé Royaux, porte-parole de la Fondation des femmes, partie civile.

En France, selon les chiffres officiels, une femme meurt tous les trois jours de la violence de son conjoint ou ex-conjoint.

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