La question de la semaine : a-t-on enterré Doc Rivers trop vite ?

NBA – Alors qu’ils ne figuraient pas parmi les favoris de la conférence Ouest, les Los Angeles Clippers réalisent un excellent début de saison et affichent l’un des meilleurs bilans de toute la Ligue, avec un effectif qui ne compte aucun joueur All-Star. Difficile de ne pas y voir la patte du coach Doc Rivers, sacré champion il y a 10 ans avec les Boston Celtics…

Lou Williams et Doc Rivers, les Clippers ont le sourire en ce début de saison
Lou Williams et Doc Rivers, les Clippers ont le sourire en ce début de saison

C’est peut-être la plus grosse surprise du début de saison en NBA. Alors que le quart de l’exercice 2018/19 est dépassé, les Los Angeles Clippers, que la plupart des observateurs estimaient tout juste en mesure de lutter pour les playoffs, occupent la troisième place de la conférence Ouest, avec un bilan largement positif (16 victoires pour 8 défaites). A ce stade de la saison, les Clippers sont même la mieux classée des franchises californiennes, devant les Golden State Warriors, champions en titre, et les Los Angeles Lakers de LeBron James.

Les Clippers, surprise du Doc

Il y a deux mois, un tel scenario était quasiment inenvisageable. Notamment parce que les Clippers ne comptaient plus aucun All-Star dans leur effectif après le départ, début juillet, du pivot DeAndre Jordan vers les Dallas Mavericks (qui faisait suite à ceux de Chris Paul, l’été précédent, et de Blake Griffin, échangé au cours de la saison passée). Si le roster restait compétitif, par sa variété et par sa profondeur, peu de pronostiqueurs croyaient alors le coach vétéran Doc Rivers (qui dispute cette année sa 19e saison comme entraîneur principal en NBA) capable de tirer le meilleur de ce groupe limité en talent.

Ancien meneur de jeu (qui porta notamment les couleurs des Atlanta Hawks entre 1983 et 1991), le “Doc” a pourtant longtemps été considéré comme l’un des meilleurs entraîneurs de la Ligue. Sacré coach de l’année en 2000, à l’issue de sa première saison à la tête du Magic d’Orlando, Rivers fut remercié en 2003 par la franchise floridienne, mais rebondit dès la saison suivante aux Boston Celtics. Après trois années compliquées (éliminée au premier tour des playoffs en 2005, non qualifiée en 2006 et 2007), la franchise la plus titrée de l’histoire de la NBA, métamorphosée par les arrivées de Kevin Garnett et Ray Allen, obtint en 2008 son 17e sacre, le dernier en date à ce jour.

Apogée aux Celtics, déclin aux Clippers ?

La cote de Doc Rivers était alors à son zénith et elle ne fut pas vraiment entamée par une fin d’aventure un peu moins glorieuse à Boston (une seule autre apparition en finales, en 2010). En 2013 il fut ainsi recruté par les Los Angeles Clippers pour faire passer un cap à une équipe articulée autour du très performant trio Paul-Griffin-Jordan. S’il mena dès sa première saison les Clippers au meilleur bilan de leur histoire en saison régulière (57 victoires), Rivers échoua cependant dans cette tâche, ne parvenant jamais à franchir l’obstacle des demi-finales de conférence.

Alors qu’une nouvelle génération de coachs, incarnée notamment par Steve Kerr et Brad Stevens, prenait le pouvoir en NBA, Doc Rivers semblait pour sa part de moins en moins en phase avec l’air du temps, particulièrement dans le domaine tactique. Le choix de Chris Paul de quitter le navire à l’été 2017 sonna comme un désaveu et installa pour de bon autour de Rivers l’image d’un coach has been. Paradoxalement, c’est cependant durant cette même intersaison 2017 que le “Doc” reprit la main sur sa carrière de coach, en abandonnant le rôle de dirigeant qu’il occupait, en plus de ses fonctions d’entraîneur principal, depuis son arrivée à LA en 2013 et qui l’empêchait de se concentrer sur l’essentiel : la gestion de son groupe de joueurs.

Rivers se réinvente

Réputé depuis ses années Celtics pour sa capacité à jongler avec les egos et à bien répartir les responsabilités dans un effectif comportant plusieurs superstars, Rivers s’est même complètement réinventé au cours de la saison passée. Après celui de Paul, le départ de Blake Griffin (échangé fin janvier 2018) l’a placé dans une situation qu’il n’avait plus vécu depuis Orlando, celle de devoir composer avec une équipe sans véritable franchise player. Et si L.A. a manqué les playoffs de peu, le test fut plutôt concluant : les Clippers new look ont en effet gagné 17 des 32 rencontres disputées après le trade, en affichant une belle solidarité, mais aussi un visage plus offensif (111,2 points marqués par match en moyenne ; contre 107,6 points par match sur les 50 premiers matchs de la saison).

C’est sur ces mêmes bases que s’est construit l’excellent début de saison 2018/19 des Clippers, avec un effectif très légèrement remanié (arrivées du pivot Marcin Gortat pour remplacer Jordan et de l’arrière rookie Shai Gilgeous-Alexander). Cinquième meilleure attaque de la Ligue, redoutable à 3 points, le nerf de la guerre de la NBA moderne (38,1 % de réussite, 3e meilleur pourcentage de la Ligue), Los Angeles joue ainsi désormais sur la variété et la diversité de ses armes offensives. Quatre joueurs tournent à plus de 16 points de moyenne (Tobias Harris, Danilo Gallinari, Lou Williams et Montrezl Harrell) et huit au total à plus de 6 points par match. L’absence de véritable joueur star (même si Harris est en train de crever l’écran) est même devenue une force pour cette équipe, où chacun joue son rôle avec application et se donne sans retenue pour ses coéquipiers. Le mérite en revient incontestablement à Doc Rivers, qui a réussi à insuffler un état d’esprit de guerriers à ses joueurs et à mettre sur pied des systèmes efficaces en attaque. Alors que son contrat prendra fin l’été prochain, le “Doc” est en train de montrer qu’il a toujours de bonnes recettes en magasin…