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L'historique (et douloureux) plongeon de Greg Louganis, champion olympique malgré le VIH en 1988

Le quadruple champion olympique Greg Louganis, en 2012 (OLY-NAT-LOUGANIS/ REUTERS/Mario Anzuon)

Surnommé "Mr. Perfect" et star absolue du plongeon dans les années 1980, Greg Louganis a atteint le sommet de sa carrière aux JO de Séoul en 1988, quelques mois après avoir été contaminé par le VIH.

Le plongeon a longtemps été l’un des temps forts des Jeux olympiques d’été. Regarder les athlètes exécuter des vrilles et réaliser des sauts périlleux, sans montrer la moindre peur, pour enfin atterrir dans la piscine quelques mètres plus bas donne des frissons aux spectateurs, qu’ils soient sur place ou derrière leur écran de télévision.

Dans les années 80, un nom retient l’attention : Greg Louganis. L’Américain est le premier plongeur à remporter la médaille d’or au tremplin et en haut vol lors de deux éditions consécutives des Jeux olympiques, en 1984 à Los Angeles et en 1988 à Séoul. Mais ce sont de loin ses deux médailles d’or obtenues en Corée du Sud qui vont le plus marquer les esprits.

Un secret lourd à porter

Avant les Jeux de Séoul, Louganis est déjà largement considéré comme l’un des meilleurs plongeurs de tous les temps. Surnommé "Mr Perfect", il rafle tout aux Jeux de 1984 en terminant avec une avance de plus de 100 points par rapport à ses concurrents les plus proches au tremplin et de plus de 70 points en haut vol. Toutefois, il cache un secret que seuls quelques proches connaissent : il a été testé positif au VIH à peine quelques mois avant les JO de Séoul.

Dans les années 80, le sida fait des ravages et aucun remède n’existe encore. Toute personne diagnostiquée comme porteuse du VIH est stigmatisée et ostracisée. Louganis veut prendre sa retraite, mais son entraîneur le persuade de continuer et de se soigner en secret, en introduisant clandestinement son traitement lors des Jeux.

"J’ai sauté du plongeoir et j’ai entendu un grand bruit"

Le premier incident à Séoul survient lors de la compétition de tremplin. En 18 années d’entraînements et de compétitions, Louganis s’est jeté d’un tremplin à environ 200 000 reprises sans jamais se blesser. Néanmoins, à la stupéfaction générale, après huit séries de plongeons, Louganis s’élance du plongeoir trop vertical en essayant d’exécuter un double saut périlleux et demi renversé carpé, et sa tête heurte le plongeoir alors qu’il se redresse. Du sang s’écoule de son crâne.

"J’ai sauté du plongeoir et j’ai entendu un grand bruit, déclarera Louganis plus tard dans la journée. En tous cas, c'est ce que j'ai ressenti. Je pense que c’est surtout mon orgueil qui en a pris un sacré coup." Alors que Louganis est toujours qualifié pour la finale sur la base de ses précédents plongeons, il se retrouve saisi d'angoisse. Quelqu'un va-t-il contracter le VIH à cause de sa blessure ? Est-ce qu’il va devoir révéler son secret au médecin de l’équipe ? Sera-t-il congédié en raison de son état de santé ?

Aucun danger de contamination

Il décide de passer sous silence sa séropositivité et ne révèlera au grand jour son secret qu’en 1995 après avoir pris sa retraite. Les médecins ont depuis indiqué que l’incident n’aurait présenté aucun risque pour la santé d’autrui, étant donné que le sang s’était dilué dans l’eau de la piscine et que le chlore aurait décimé le virus. Pour autant, Louganis serait-il d’attaque pour participer à la finale le jour suivant ? Serait-il en mesure d’exécuter à nouveau le même plongeon ?

C’est un Louganis pensif qui se présente très tôt sur le lieu de la compétition, le jour de la finale, afin de s’entraîner et de se détendre. Quelles qu'aient été ses pensées à ce moment-là, elles fonctionnent : il prend la tête de la compétition après une seule des 11 séries réglementaires, montrant de la nervosité uniquement lorsqu’il réitère le plongeon qui lui a causé tant de soucis le jour précédent. Il obtient tout de même 76,25 points pour ce plongeon.

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Le suspense à son comble

En fin de compte, il remporte la compétition de tremplin avec une avance de 25 points. Il n’est alors qu’à deux doigts d’atteindre un record historique en s'imposant également en haut vol. Cette compétition sera tout simplement inoubliable : Louganis est au coude à coude avec un jeune prodige chinois de 14 ans dénommé Xiong Ni pour remporter la médaille d’or.

Xiong, qui remportera trois médailles d’or en plongeon aux Jeux de 1996 et de 2000, mène la compétition de trois points lors de la série finale et réalise un stupéfiant plongeon, obtenant ainsi 82,56 points. Louganis se doit donc d’exécuter parfaitement son plongeon pour lui arracher la médaille d’or.

"Plongeon de la mort" et coming-out

"Mr Perfect" choisit le plongeon 307C (un triple saut périlleux et demi renversé groupé), qui est l’une des figures les plus difficiles dans ce sport et que seuls quelques plongeurs dans le monde sont capables de réaliser. Louganis est un de ceux-là, mais il reste hanté par le souvenir de la mort de son concurrent de l’Union soviétique, Sergei Chalibashvili, qui s’était fracturé le crâne sur le plongeoir en béton alors qu’il réalisait ce plongeon à l’Universiade de 1983.

Surnommé "Plongeon de la mort", il permet toutefois à Louganis de triompher de façon éclatante avec un score de 86,70 points, remportant la médaille d’or avec seulement 1,14 point d’avance. Il prend sa retraite juste après les Jeux de Séoul, sa place parmi les grands de ce sport étant acquise de façon ferme et définitive. Il fera son coming-out lors d’une interview réalisée par Oprah Winfrey en 1995 et milite depuis pour les droits des homosexuels. Il s’intéresse également au dressage des chiens en vue de les faire participer à des compétitions.

Désormais âgé de 61 ans, il réside à Malibu dans une maison avec piscine, mais sans plongeoir. Il ne ressent plus le besoin de plonger, depuis qu’il a mis un terme à sa carrière sportive sur une note aussi dramatique que remarquable.

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