Ligue 1 - Blanc - Gourcuff : ils ont le même costume, mais ils ne font pas le même métier

<b>Après la joute des mots, Laurent Blanc et Christian Gourcuff s'affrontent ce vendredi soir à Lorient. L'opposition de deux conceptions du métier d'entraîneur.</b>

FOOTBALL 2014 - Laurent Blanc et Christian Gourcuff

Vendredi, sur les coups de 20h30, Christian Gourcuff et Laurent Blanc se serreront la main sur le bord de la pelouse du Moustoir. Quelques semaines après leur passe d'armes par médias interposés, le premier estimant que le Parisien n'était "pas un entraîneur", l'image ne passera pas inaperçue. Mais, au-delà du buzz, cet échange a surtout eu le mérite de mettre sur la table un débat de fond sur la fonction. Entraîneur ou manager ? Ancienne ou nouvelle école ? Technicien ou homme de communication ? En costume ou en survêt´ ? Il n'est pas question ici de savoir qui est le meilleur. Il s'agit plutôt de montrer l'opposition entre deux conceptions du métier. Chacun à la sienne. Et elle peut se défendre.

Le diplôme, et après ?

Qu'est-ce qui fait un bon entraîneur ? Pour Christian Gourcuff, il doit être "sur le terrain", partout et tout le temps. Ce à quoi Laurent Blanc lui avait rétorqué que l'image de l'entraîneur en charge de "l’échauffement, la séance, les étirements, rangeait les plots, mettait les piquets, les filets et tondait presque la pelouse" était vieille de "30 ou 35 ans", invitant son homologue à "repasser ses diplômes". Sur le principe, le Parisien n'a pas tout à fait tort. Mais le problème ne vient pas du diplôme. Le Brevet d'Entraîneur Professionnel de Football (le fameux BEPF que tous ne possèdent pas d'ailleurs), dont le programme détaillé se trouve sur le site de la FFF, est surtout basé sur la préparation physique, les compétences technico-tactiques, la gestion humaine ou encore les connaissances juridiques et financières. Rien de révolutionnaire.

Là où Blanc fait mouche, c'est que la fonction a évolué. Le diplôme ne fait pas tout, comme l'a également souligné Raymond Domenech. Quand Gourcuff a débuté en tant qu'entraîneur-joueur en DH à Lorient en 1982, il était en parallèle professeur de mathématiques. Blanc, lui, n’avait pas encore débuté sa carrière pro à Montpellier. Une autre époque. "Il y a trente ans, il n’y avait pas de communication", note-t-il également. Même si le Lorientais n'est pas le moins à l'aise dans cet exercice, cela fait aussi partie du bagage de l'entraîneur moderne. Et ça ne s'apprend pas avec un diplôme.

Le PSG n'est pas Lorient

Que Christian Gourcuff entraîne encore "à l'ancienne" ne veut pas dire pour autant qu'il n'a pas pu s'adapter. On n'entraîne pas Lorient comme on entraîne le PSG. Tout comme Laurent Blanc n'appliquerait sans doute pas les mêmes méthodes s'il était en poste en Bretagne. "L'entraînement proprement dit est important, mais cela varie selon le club où on évolue, rappelait lui-même le technicien parisien. Quand on entraîne le PSG, on joue tous les trois jours. On fait de l'entretien. J'estime que les adjoints peuvent aussi le faire et être compétents dans ce domaine."

La puissance financière de Paris se ressent aussi dans l'organigramme. Il est plus facile de déléguer lorsque l'on possède un staff élargi. Pour le déplacement chez le Bayer Leverkusen, rapporte par exemple Le Parisien, la délégation du PSG était forte de 60 à 70 personnes (y compris les 21 joueurs), dont six membres du staff technique aux côtés de l'entraîneur principal, de ses adjoints Jean-Louis Gasset et Claude Makélélé au chargé des montages vidéo Julien Roger. Une organisation qui correspond aux "normes" des grands clubs européens. Au Real Madrid, Carlo Ancelotti se déplace avec une équipe de 17 personnes. Tata Martino en a 24 au Barça. Chez les Merlus, le staff technique est plus léger : un adjoint (Sylvain Ripoll), un entraîneur des gardiens (Patrick L'Hostis) et un préparateur physique (Florian Simon).

Entraîneur ou manager ?

Ils ont le même costume mais ils ne font pas le même métier. En grossissant volontairement le trait, voilà comme on pourrait résumer l'opposition entre Gourcuff et Blanc. Le premier est un entraîneur quand le second serait plus proche d'un manager à l'anglaise. Une approche qui a ses détracteurs même au Royaume de sa Majesté. Joey Barton avait ainsi eu l'occasion de critiquer la méthode de Sir Alex Ferguson à Manchester United : "Fergie arrive le jeudi au centre d’entrainement de Manchester. Toutes les sessions sont dirigées par ses adjoints. Il n’est jamais là et délègue tout ". Pourtant, contrairement à de nombreux managers anglais, Blanc est présent à l'entraînement et n'hésite pas à intervenir lors des exercices, même s'il considère que "les séances, vous-même vous pouvez les faire. On a des livres, des CD, des cours pour ça".

Si Blanc prend du recul par rapport au terrain, c'est pour se concentrer sur d'autres tâches. La teille du PSG l'y autorise, voire l'y oblige. "C'est juste un métier différent, analyse Frédéric Antonetti dans Le Parisien. Il doit s'occuper de l'équilibre de son vestiaire, gérer la relation avec ses dirigeants, les médias, etc. Vis-à-vis de ses joueurs, il est plus dans une logique d'accompagnement. Et puis, au PSG, les joueurs sont d'un tel niveau que le moment de l'entraînement n'est pas aussi crucial que dans d'autres clubs." Gourcuff lui-même avoue "la réussite de Laurent Blanc est de faire cohabiter tous ces comportements individualistes", reconnaissait la qualité du management et "l'organisation tactique très claire" du PSG.

Qui est le chef ?

"José Mourinho a de l’influence sur le plan tactique. Arsène Wenger aussi. Mais un entraîneur qui ne maîtrise pas le terrain n’est, selon moi, pas un entraîneur", remet en cause Christian Gourcuff. A trop déléguer, l'entraîneur peut-il perdre de son pouvoir ? A l'image de Didier Deschamps avec Guy Stephan ou Paul Le Guen avec Yves Colleu, Laurent Blanc a toujours fonctionné en tandem avec Jean-Louis Gasset, au PSG comme à Bordeaux ou chez les Bleus. Mais les rôles sont bien définis. "Si l'on parle des entraînements, Laurent donne les orientations et Jean-Louis compose et anime la séance", explique dans Le Parisien Henri Emile, l'ancien intendant de l'équipe de France quand Blanc était sélectionneur.

Mais il ne faut pas s'y tromper. Laurent Blanc reste le dépositaire du jeu et du plan tactique, comme l'est Gourcuff à Lorient. Il s'occupe du fond et délègue la forme. "Il est dans la prise de décisions", résumé Ulrich Ramé qui raconte comme se passaient les séances vidéo chez les Girondins : "Jean-Louis faisait préparer les montages vidéo, puis il présentait l'adversaire aux joueurs, et Laurent pouvait intervenir pendant la séance." "C'est la même chose pendant les matches, ajoute Henri Emile. Il peut y avoir des échanges entre les deux, mais Jean-Louis laisse Laurent maître de ses interventions. Il n'interfère pas dans les décisions." Vendredi, sur leur banc, même si leurs conceptions sont différentes, Christian Gourcuff et Laurent Blanc seront sur un pied d'égalité au coup d'envoi. Et c'est sur le terrain qu'aura lieu la vraie bataille des entraîneurs.